Lionel Honoré est directeur de l’Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE) et professeur des universités en sciences de gestion.
PAPEETE, le 28 septembre 2016. Lionel Honoré est directeur de l’Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE) et professeur des universités en sciences de gestion à l'Université de la Polynésie Française. En métropole, la religion se fait une place de plus en plus grande au sein de l'entreprise. Demande d'absence, aménagement du temps de travail, prières… Selon l'étude qu'il a publiée la semaine dernière avec l'Institut Randstad, 65% des salariés disent avoir observé une progression du fait religieux dans l'entreprise. En Polynésie, les chefs d'entreprise ne sont pas soumis aux mêmes problématiques. Interview.
Dans quel contexte est né l'Observatoire du fait religieux au travail ?
"C'était au départ une chaire de recherche que j'ai mise en place au laboratoire de Sciences Po Rennes, le Centre de recherches politiques et administratives. L'objectif était d'étudier à la fois les comportements qui ont une dimension religieuse au travail mais aussi les discours religieux sur le travail et les entreprises et l'entrepreneuriat religieux.
On a passé un partenariat avec l'institut Randstad qui finance une partie des travaux, ce qui nous permet de sortir chaque année une étude sur le fait religieux en entreprise en France. Le premier rapport a été publié en 2013.
Nos travaux sont arrivés à point nommé car 2012 c'est l'année de l'affaire Baby Loup qui a été complexe juridiquement (une salariée était venue au travail en portant un voile islamique à la crèche Baby Loup dans les Yvelines).
Selon l’étude que vous avez publiée la semaine dernière, près de deux tiers des salariés interrogés (65 %) ont observé en 2016 plusieurs manifestations du fait religieux alors qu’ils étaient 50 % en 2015. Ainsi, pour la première fois en quatre ans, la part des managers rencontrant régulièrement le fait religieux au travail est majoritaire. Les cas conflictuels, quant à eux, restent minoritaires, et progressent de 6 % du total des faits religieux observés en 2015 à 9 % cette année. Vous indiquez qu'il "semble que les encadrants de terrain maîtrisent mieux qu’il y a quelques années ce type de situations.
"Il y a quatre ans, il y avait un désarroi des personnes face à la question du fait religieux. Elles ne savaient pas comment traiter les comportements. Le plus souvent, la religion impliquée est l'islam même si toutes les religions sont concernées.
Depuis quatre ans beaucoup de choses ont été mises en place par les entreprises : des formations, des chartes…"
A travers votre enquête, pouvez-vous lister les bonnes pratiques que doit adopter un manager ?
"En termes de méthodes tout dépend du fait religieux qu'il a en face de lui. D'un côté, le pragmatisme et la discussion et, de l'autre côté, la fermeté et le rappel des règles du vivre ensemble semblent être les méthodes qui fonctionnent.
Dans 91% des cas, ces convictions religieuses s'expriment par des requêtes et pratiques personnelles comme les demandes d'absence pour une fête religieuse ou d'aménagement du temps de travail (planning, horaires), le port ostentatoire de signes religieux et les prières pendant les pauses. C'est la majorité des cas et ils n'entravent pas le travail.
Il y a une autre catégorie de faits religieux qui sont plus inquiétants qui renvoient au refus de travailler avec des femmes, sous les ordres d'une femme ou avec des gens qui ne sont pas de la même religion, à des prières collectives pendant le temps de travail ou au prosélytisme.
Dans ces cas, les entreprises ont besoin de fermeté, de rappeler les règles et de sanctionner lorsqu'il y a nécessité de le faire.
Ce sont des problématiques que l'on voit différemment de Polynésie. Au fenua, la question de l'islam se pose assez peu."
Quels secteurs sont les plus touchés par des faits religieux bloquants ?
"Ce sont les secteurs à forte main d'œuvre peu qualifiée : la logistique, le transport, le bâtiment, les centres d'appel, l'industrie manufacturière et l'automobile. Ce sont des entreprises qui se situent dans des zones où il y a déjà une problématique religieuse. C'est un fait de société qui s'invite dans l'entreprise ce n'est pas l'entreprise qui attire ces questions-là."
Avez-vous pu observer le fonctionnement des entreprises au fenua ?
"Pas de manière aussi approfondie qu'en métropole. La première chose qu'on peut dire c'est que ce ne sont pas les mêmes religions qui sont concernées. Il y a une diversité des cultes qui est importante. Il y a semble-t-il une habitude à voir des pratiques religieuses diverses. L'islam est quasiment absent en Polynésie française.
Les religions présentes sont implantées depuis longtemps. Il y a une habitude des modes de fonctionnement. En France, si la religion catholique ne pose pas de problème c'est parce qu'il y a eu tout un travail au XXe siècle entre l'Etat et l'Eglise catholique pour construire le principe de la laïcité et l'équilibre entre la liberté religieuse et la laïcité. En Polynésie, c'est un peu le même schéma. Les Eglises sont là depuis longtemps et l'articulation entre d'une part les Eglises et l'Etat et les Eglises et le Pays d'autre part est plutôt bien pensée. Mais il y a quand même des choses qu'on voit ici qu'on ne voit pas en métropole comme des conseils d'administration qui commencent par des prières."
Mais tout cela ne pose pas de problème
"J'ai mené une étude exploratoire auprès d'une vingtaine de chefs d'entreprise, des chefs d'entreprise croyants, qui m'ont tous dit qu'ils n'avaient pas rencontré de soucis particuliers. Il ne semble pas que ce soit un objet de friction en Polynésie."
Avoir des pratiquants dans son entreprise peut-il être un atout?
"La vision que les gens ont des croyants et pratiquants est plutôt positive. Ce sont des gens qui donnent du sens aux choses, en règle générale, les religions valorisent le travail. Le travail est très souvent central dans les religions."
Dans quel contexte est né l'Observatoire du fait religieux au travail ?
"C'était au départ une chaire de recherche que j'ai mise en place au laboratoire de Sciences Po Rennes, le Centre de recherches politiques et administratives. L'objectif était d'étudier à la fois les comportements qui ont une dimension religieuse au travail mais aussi les discours religieux sur le travail et les entreprises et l'entrepreneuriat religieux.
On a passé un partenariat avec l'institut Randstad qui finance une partie des travaux, ce qui nous permet de sortir chaque année une étude sur le fait religieux en entreprise en France. Le premier rapport a été publié en 2013.
Nos travaux sont arrivés à point nommé car 2012 c'est l'année de l'affaire Baby Loup qui a été complexe juridiquement (une salariée était venue au travail en portant un voile islamique à la crèche Baby Loup dans les Yvelines).
Selon l’étude que vous avez publiée la semaine dernière, près de deux tiers des salariés interrogés (65 %) ont observé en 2016 plusieurs manifestations du fait religieux alors qu’ils étaient 50 % en 2015. Ainsi, pour la première fois en quatre ans, la part des managers rencontrant régulièrement le fait religieux au travail est majoritaire. Les cas conflictuels, quant à eux, restent minoritaires, et progressent de 6 % du total des faits religieux observés en 2015 à 9 % cette année. Vous indiquez qu'il "semble que les encadrants de terrain maîtrisent mieux qu’il y a quelques années ce type de situations.
"Il y a quatre ans, il y avait un désarroi des personnes face à la question du fait religieux. Elles ne savaient pas comment traiter les comportements. Le plus souvent, la religion impliquée est l'islam même si toutes les religions sont concernées.
Depuis quatre ans beaucoup de choses ont été mises en place par les entreprises : des formations, des chartes…"
A travers votre enquête, pouvez-vous lister les bonnes pratiques que doit adopter un manager ?
"En termes de méthodes tout dépend du fait religieux qu'il a en face de lui. D'un côté, le pragmatisme et la discussion et, de l'autre côté, la fermeté et le rappel des règles du vivre ensemble semblent être les méthodes qui fonctionnent.
Dans 91% des cas, ces convictions religieuses s'expriment par des requêtes et pratiques personnelles comme les demandes d'absence pour une fête religieuse ou d'aménagement du temps de travail (planning, horaires), le port ostentatoire de signes religieux et les prières pendant les pauses. C'est la majorité des cas et ils n'entravent pas le travail.
Il y a une autre catégorie de faits religieux qui sont plus inquiétants qui renvoient au refus de travailler avec des femmes, sous les ordres d'une femme ou avec des gens qui ne sont pas de la même religion, à des prières collectives pendant le temps de travail ou au prosélytisme.
Dans ces cas, les entreprises ont besoin de fermeté, de rappeler les règles et de sanctionner lorsqu'il y a nécessité de le faire.
Ce sont des problématiques que l'on voit différemment de Polynésie. Au fenua, la question de l'islam se pose assez peu."
Quels secteurs sont les plus touchés par des faits religieux bloquants ?
"Ce sont les secteurs à forte main d'œuvre peu qualifiée : la logistique, le transport, le bâtiment, les centres d'appel, l'industrie manufacturière et l'automobile. Ce sont des entreprises qui se situent dans des zones où il y a déjà une problématique religieuse. C'est un fait de société qui s'invite dans l'entreprise ce n'est pas l'entreprise qui attire ces questions-là."
Avez-vous pu observer le fonctionnement des entreprises au fenua ?
"Pas de manière aussi approfondie qu'en métropole. La première chose qu'on peut dire c'est que ce ne sont pas les mêmes religions qui sont concernées. Il y a une diversité des cultes qui est importante. Il y a semble-t-il une habitude à voir des pratiques religieuses diverses. L'islam est quasiment absent en Polynésie française.
Les religions présentes sont implantées depuis longtemps. Il y a une habitude des modes de fonctionnement. En France, si la religion catholique ne pose pas de problème c'est parce qu'il y a eu tout un travail au XXe siècle entre l'Etat et l'Eglise catholique pour construire le principe de la laïcité et l'équilibre entre la liberté religieuse et la laïcité. En Polynésie, c'est un peu le même schéma. Les Eglises sont là depuis longtemps et l'articulation entre d'une part les Eglises et l'Etat et les Eglises et le Pays d'autre part est plutôt bien pensée. Mais il y a quand même des choses qu'on voit ici qu'on ne voit pas en métropole comme des conseils d'administration qui commencent par des prières."
Mais tout cela ne pose pas de problème
"J'ai mené une étude exploratoire auprès d'une vingtaine de chefs d'entreprise, des chefs d'entreprise croyants, qui m'ont tous dit qu'ils n'avaient pas rencontré de soucis particuliers. Il ne semble pas que ce soit un objet de friction en Polynésie."
Avoir des pratiquants dans son entreprise peut-il être un atout?
"La vision que les gens ont des croyants et pratiquants est plutôt positive. Ce sont des gens qui donnent du sens aux choses, en règle générale, les religions valorisent le travail. Le travail est très souvent central dans les religions."