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La reconnaissance de paternité au cœur d'un débat juridique


Tahiti le 12 avril 2023 – Dans le cadre du pourvoi formé par le parquet général sur la relaxe d'un couple qui avait adopté une enfant en falsifiant la reconnaissance de paternité, la chambre criminelle de la Cour de cassation a saisi la première chambre civile d'une question sur l'objet de ladite reconnaissance. Dans un avis rendu le 5 avril dernier, la première chambre a répondu que si cette reconnaissance “repose sur une présomption de conformité de la filiation ainsi établie à la réalité biologique” elle peut toutefois être contestée si “la preuve contraire en est apportée”.

Saisie d'un pourvoi formé par le parquet général de Papeete suite à la relaxe en appel d'un couple poursuivi pour avoir accueilli une enfant après avoir falsifié la reconnaissance de paternité, la chambre criminelle de la Cour de cassation a sollicité, le 23 novembre dernier, l'avis de la première chambre civile sur la question de savoir si “l'objet de la reconnaissance paternité est d'affirmer l'existence d'un lien de filiation biologique susceptible d'une démonstration de son exactitude ou de son inexactitude ou bien seulement l'affirmation de la volonté de créer une situation juridique par laquelle le déclarant s'engage à prendre en charge l'éducation et l'entretien de l'enfant, indépendamment de l'existence d'un lien biologique”.

En d'autres termes, il s'agissait de déterminer si l'objet et le but de cette reconnaissance de paternité sont déterminés par le lien biologique entre l'enfant et son père ou par la volonté de s'occuper de cet enfant en assumant toutes les responsabilités qui en découlent tel que cela est prévu par la loi, même s'il n'y a pas de lien biologique.

Le 5 avril dernier, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu son avis sur la question en rappelant notamment que si la reconnaissance est “l'acte libre et volontaire par lequel un homme ou une femme déclare être le père ou la mère d'un enfant et s'engage à assumer toutes les conséquences qui en découlent”, elle repose sur “une présomption de conformité de la filiation ainsi établie à la réalité biologique et peut être contestée” si la “preuve contraire en est apportée”. La première chambre civile analyse donc qu'en l'absence de contestation, “dans les conditions et dans les délais strictement définis par la loi”, un parent qui effectue une reconnaissance est présumé avoir un lien biologique avec l'enfant.

“Pourvoir à l'entretien et l'éducation”

Cette question transmise par la chambre criminelle à la première chambre civile intervient dans le cadre du pourvoi formé par le parquet général en mai 2021 après que la cour d'appel a – comme le tribunal de première instance – relaxé un couple qui était poursuivi pour avoir adopté un enfant. Il était notamment reproché à l'un des deux hommes d'avoir falsifié l'acte de reconnaissance anticipée et l'acte de naissance alors qu'il n'était pas le père biologique du bébé. Jugé en première instance puis en appel pour “faux et usage de faux”, l'homme avait finalement été relaxé, la justice ayant en effet estimé qu'en reconnaissant la petite fille comme étant la sienne avec l'accord des parents biologiques, l'homme n'avait poursuivi aucun autre but que celui “d'assumer les conséquences du lien de filiation ainsi créé, notamment l'obligation de pourvoir à l'entretien et l'éducation de cette enfant dans le cadre de l'exercice de l'autorité parentale”.

Suite à ces décisions, le parquet général s'était pourvu devant la chambre criminelle de la Cour de cassation qui a donc décidé d'interroger la première chambre civile sur l'objet de la reconnaissance de paternité. Si le pourvoi doit être étudié le 17 mai prochain, il n'en demeure pas moins que la chambre criminelle devra trancher face à un avis en demi-teinte.
 

Rédigé par Garance Colbert le Mercredi 12 Avril 2023 à 17:28 | Lu 1962 fois