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La réalité virtuelle pour aider les enfants malades


PAPEETE, le 28 octobre 2019 - La recherche médicale est en train de découvrir de nombreuses applications thérapeutiques à la réalité virtuelle, du traitement des phobies jusqu'à la rééducation. Cette technologie offre aussi la possibilité d'une échappatoire pour les malades, et de réduire stress et médicaments. Rencontre avec des spécialistes venus à Tahiti à l'invitation de l'association Human Underwater Society.

Quand on pense à la réalité virtuelle (VR), on imagine des adolescents immergés dans un jeu, à tirer sur tout ce qui bouge. Pour les docteurs, pourtant, il s'agit aussi d'un outil extrêmement puissant pour traiter une liste toujours plus longue de troubles.

Le docteur Skip Rizzo, du laboratoire Med VR Lab de la University of South California, était à Tahiti la semaine dernière pour en discuter. Il a tenu une conférence jeudi soir à la CCISM, où il a fait le point sur les dernières avancées de la science dans ce domaine.

Ainsi, la VR a été dès ses début utilisée pour traiter les phobies, afin de plonger le patient dans une simulation de la situation qui lui fait peur et l'aider à la surmonter. En parallèle, aux États-Unis, énormément de recherches ont été réalisées pour tenter de traiter les vétérans revenant d'Irak et d’Afghanistan, victimes de stress post-traumatique. Et la VR s'est révélée efficace, que ce soit pour ne plus craindre les araignées ou pour retrouver une vie normale après une bataille sanglante…

Aujourd'hui la science va encore plus loin. La VR est utilisée pour la rééducation motrice, les psychothérapies à distance pour les autistes, le traitement de la dépression, des addictions, la préparation d'entretiens d'embauche pour les personnes ayant des difficultés avec les interactions sociales… Ou même des applications plus terre-à-terre comme l’entraînement de salariés à des tâches manuelles.

Nager avec les dauphins pour soigner les enfants

L'une de ces applications avec un très fort potentiel est le Dolphin Swim Club (TDSC). Le concept est simple : les porteurs hollandais du projet, Marijke Sjollema et son compagnon Benno Brada, sont allés filmer des dauphins dans la nature avec des caméras à 360 degrés, puis ils ont mis ce film dans un casque de réalité virtuelle. Le public de la conférence de jeudi soir a pu tester cette immersion particulière et le résultat est bluffant : on est immédiatement en plongée sous-marine avec les cétacés. Le Dolphin Swim Club a même créé un masque de plongée en réalité augmentée (avec un téléphone submersible) pour permettre au public de vivre l'expérience dans une piscine, en immersion réelle.

Créé comme un projet artistique par Marijke, passionnée de dauphins, TDSC s'est révélé être un outil thérapeutique précieux. La Sam Fondation, qui finançait des voyages jusqu'à la mer pour des enfants malades afin de leur permettre de jouer avec des dauphins en captivité (ce qui a un effet très positif sur la santé des enfants), a immédiatement testé le dispositif VR avec ses petits patients et a été émerveillée par l'efficacité. Les enfants malades étaient beaucoup moins stressés et on pouvait diminuer jusqu'à 50 % les médicaments qu'il leur fallait. Les enfants victimes de troubles comme l'autisme ou le syndrome de Down étaient bien plus calmes et heureux. Beaucoup d'enfants préféraient d'ailleurs l'expérience virtuelle, qu'ils pouvaient partager avec leurs proches et qui ne garde aucun dauphin en captivité.

D'autres expériences scientifiques utilisant les casques de TDSC ont montré que nager avec les dauphins virtuels permettait aux enfants de s'endormir deux fois plus vite pendant une anesthésie, que cela permettait aux grands brûlés de diminuer la douleur qu'ils ressentent... Cette année, six nouvelles études médicales différentes vont utiliser les casques virtuels du Dolphin Swim Club pour continuer d'explorer ce miracle. Il y en a déjà plus de 1200 en service dans le monde pour un usage thérapeutique…

Et à Tahiti aussi la technologie intéresse. Dans une école de Papeete avec des élèves souffrant de troubles psycho-moteurs, la nage avec des dauphins a réussi a apaiser toute une classe qui était de mauvaise humeur. Au CHPF, les jeunes patients ne voulaient même plus ressortir de l'eau…

Le Dolphin Swim Club était à Tahiti à l'invitation de l'association polynésienne Human Underwater Society. Les deux porteurs du projet ont en effet remporté le concours de la deuxième édition du HUS Prize Design grâce à ce projet en accord à 100% avec l'action de l'association : "L'association Human Underwater Society travaille à faire connaître et promouvoir les bienfaits de l'immersion et de la semi-immersion de l'homme dans l'eau et les bénéfices à retirer de cette expérience pour la société et son environnement."

Marijke Sjollema, Co-créatrice du Dolphin Swim Club

"On voit le bonheur dans leurs yeux"

Qu'avez-vous pensé des visites au collège de Tipaerui et à l'hôpital ?

"C'était une si grande joie. Bien sûr, notre expérience se déroule dans de nombreux endroits à travers le monde, mais nous n'avons pas si souvent le plaisir de l'expérimenter nous-mêmes. Donc c'est vraiment une grande joie de voir leurs réactions, après tous les efforts que nous avons mis dans ce projet. D'être avec les patients quand ils découvrent les dauphins et quand ils enlèvent le casque on voit le bonheur dans leurs yeux, c'est vraiment le meilleur moment."

Comment tout a-t-il commencé ?
"J'ai une fascination pour les dauphins qui a commencé par un accident il y a 25 ans. Je travaillais sur un bateau de croisière, qui est d'ailleurs passé à Tahiti. Quand j'étais en Polynésie, avec les dauphins, je m'étais promis de revenir. Donc c'est vraiment magique d'avoir pu le faire."

Comment ce projet artistique est-il devenu une fondation internationale avec des milliers de casques de réalité virtuelle utilisés pour des thérapies dans le monde entier ?
"Je pense que c'est juste un bon timing, ce sont les professionnels de la santé qui sont venus nous voir parce qu'ils trouvaient ça très utile. C'était un joyeux accident ! Il y avait toute cette technologie disponible, toute cette science sur les bienfaits potentiels de la réalité virtuelle… Tout ce qu'il manque à la science, c'est souvent l'imagination, et c'est là qu'un artistique peut intervenir. Mais mon studio me manque régulièrement !"

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Dimanche 27 Octobre 2019 à 23:30 | Lu 2135 fois