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La radioactivité en Polynésie de l’année 2011 : bilan normal selon l’IRSN


Carte des archipels de la Polynésie française et des lieux de prélèvements (source : Rapport PRP-ENV/SESURE 2012-17)
Carte des archipels de la Polynésie française et des lieux de prélèvements (source : Rapport PRP-ENV/SESURE 2012-17)
PAPEETE, vendredi 4 janvier 2013. Comme chaque année, l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) publie un rapport issu de la surveillance radiologique de l’environnement français, notamment en Polynésie. Le dernier en date, celui de l'année 2011 a été publié le 21 décembre dernier. Depuis 1962 , cette surveillance s’exerce sur sept îles (Tahiti, Maupiti, Hao, Rangiroa, Hiva Oa, Mangareva et Tubuai) représentatives des cinq archipels. Le travail consiste à prélever régulièrement des échantillons de nature variée dans les différents milieux (air, eau, sol, aliments…) avec lesquels la population peut être en contact. La quasi-totalité des échantillons prélevés sont mesurés au Laboratoire d’Etude et de Suivi de l’Environnement de l’IRSN, implanté sur l’île de Tahiti à Vairao, quelques échantillons étant mesurés au laboratoire d’Orsay de l’IRSN.

L’année 2011 a été marquée par l’accident nucléaire de Fukushima, survenu le 11 mars. Dans ce contexte, l’IRSN a réalisé une surveillance renforcée de la Polynésie française, confirmant ainsi l’absence d’impact radiologique en Polynésie et en Calédonie. Après une diminution régulière des niveaux de radioactivité depuis l’arrêt, en 1974, des essais atmosphériques français d’armes nucléaires, l’état radiologique constaté en 2011 est stable, dans la continuité des années antérieures récentes, et se situe à un très bas niveau. Cette radioactivité résiduelle est essentiellement attribuable au césium 137. La dose efficace annuelle liée à la radioactivité d’origine artificielle est inférieure à 5 microsieverts par an (5 μSv.an-1), soit moins de 0,5 % de la dose associée à l’irradiation naturelle en Polynésie (environ 1 000 microsieverts par an, 1 000 μSv.an-1).
Les niveaux de radioactivité mesurés en 2011 ne sont pas significativement différents de ceux obtenus en 2010. C’est le 137Cs qui a été le plus souvent décelé. Les valeurs maximales obtenues en 2011 sont inférieures à 0,4 Bq.kg-1 frais pour les poissons (haute mer et lagon), 10 fois plus faibles pour les autres produits lagonaires. Ces valeurs reflètent l’absence d’impact radiologique de l’accident de Fukushima en Polynésie française. Les valeurs sont toujours extrêmement faibles, en général inférieures à 1 Bq.kg-1 frais, et souvent inférieures à 0,01 Bq.kg-1 frais, pour les denrées solides. 6 résultats sur 153 résultats d’analyses en 2011 sont supérieurs à 1 Bq.kg-1 frais en 137Cs : 5 pour le coprah et 2,5 pour le taro à Tubuai, 3,3 pour le boeuf de Tahiti, 2,1 pour la salade et 1,3 pour la papaye de Hiva Oa et 1,4 pour le coprah de Rangiroa (valeurs en Bq .kg-1 frais).

L’exposition des populations à cette radioactivité artificielle résiduelle est essentiellement due à l’ingestion et à l’exposition externe, la composante inhalation étant négligeable (les retombées directes et la remise en suspension de poussières radioactives sont désormais extrêmement faibles, pratiquement indécelables). Aucun aliment ne contribue à la dose par ingestion pour plus de 1 Sv.an-1. Quelques aliments, fortement consommés, peuvent contribuer à la dose pour plus de 0,1 Sv.an-1. C’est le cas en 2011 de la viande de boeuf de Tahiti consommée aussi à Tubuai, à Mangareva et à Maupiti, de la viande de porc à Tahiti, du coprah à Tubuai et à Rangiroa, des poissons de lagon à Hao et à Rangiroa, de la salade à Hiva Oa et de la papaye à Mangareva.






Mesure de la radioactivité de l'air  (source : Rapport PRP-ENV/SESURE 2012-17)
Mesure de la radioactivité de l'air (source : Rapport PRP-ENV/SESURE 2012-17)
LES RESULTATS DE 2011

RADIOACTIVITE DE L’EAU
Un prélèvement de 360 L d’eau de mer a été effectué en 2011 au sud de Tahiti (à Vairao) dans le lagon à 1,5 m de profondeur. La valeur de 1,05 0,05 mBq.L-1 mesurée pour le 137Cs est conforme à celles obtenues généralement dans cette zone de l’océan Pacifique et à celles obtenues les années précédentes au nord de Tahiti (pointe Vénus – Mahina). En 2011, une eau commerciale dont la source est à Tahiti, largement consommée dans l’ensemble des archipels, a été analysée. Le 137Cs, radionucléide artificiel, n’a pas été détecté dans cet échantillon ni dans les prélèvements d’eau douce (eaux de pluie et de source collectées à Tahiti et eaux de boissons collectées à Tubuai, Hiva Oa et Maupiti). Tous les résultats sont inférieurs aux limites de détection (LD). L’analyse de l’eau de rivière collectée en 2011 sur la presqu’île a permis de détecter la présence de 137Cs à une concentration très faible de 0,10 0,02 mBq.L-1, identique aux résultats obtenus en 2009 et 2010 au même lieu. Seul le 40K, dont l’origine est naturelle, est systématiquement détecté dans ces échantillons.

RADIOACTIVITE DE L’AIR

Le seul radionucléide artificiel encore décelable en Polynésie française est le 137Cs. Il témoigne de la rémanence des retombées anciennes des essais atmosphériques d’armes nucléaires. On ne note pas d’évolution de la concentration atmosphérique de ce radionucléide sur la période 2009-2011.
Cependant, 2 valeurs un peu plus élevées que la « normale » ont été enregistrées du 1er au 10 août (0,43 0,15 μBq.m-3) et du 10 au 20 août (0,14 0,06 μBq.m-3). Si l’augmentation de la concentration en 137Cs avait été liée à l’accident de Fukushima, d’autres radionucléides « accompagnant » le 137Cs et
caractéristiques de l’accident, auraient également été détectés ; or, aucun autre radionucléide artificiel, en particulier le 134Cs, n’a été décelé. Ce n’est donc pas une augmentation de concentration liée à l’accident de Fukushima. Un phénomène de remise en suspension des poussières véhiculant des dépôts anciens de 137Cs (provenant par exemple du plateau de Taravao) peut être à l’origine de cette observation.


RADIOACTIVITE EN MER

Poissons de haute mer En 2011, 3 prélèvements de thon à nageoires jaunes provenant de pêches côtières à Mangareva, Hao et
Rangiroa, ont été analysés en spectrométrie Les valeurs de 137Cs sont équivalentes aux valeurs observées ces dernières années et les niveaux
résiduels restent assez homogènes, 0,1 à 0,2 Bq.kg-1 frais. Le maximum, 0,20 Bq.kg-1 frais, est obtenu pour un échantillon en provenance de Hao.
Pour les autres radionucléides d’origine artificielle émetteurs gamma comme le 60Co, les émetteurs alpha, 238Pu et 239+240Pu (3 échantillons analysés), les résultats sont inférieurs aux limites de détection.

Poissons et autres produits marins de lagon
20 prélèvements ont été réalisés en 2011, 7 poissons (exclusivement des mérous et loches)
et 13 autres produits (bénitier, poulpe et nacre). Tous ont été mesurés par spectrométrie . Les 7 poissons et les 6 bénitiers ont fait l’objet d’une
analyse en plutonium. Les niveaux de radioactivité restent très faibles quels que soient les échantillons et les lieux. Le 137Cs peut encore être quantifié dans tous les poissons de lagon analysés, rarement dans

MILIEU TERRESTRE
Lait de vache
A la suite de l’accident de Fukushima, des analyses hebdomadaires du 16 mars au 11 mai 2011 puis mensuelles jusqu’à la fin de l’année ont été réalisées dans des échantillons de lait provenant du plateau de Taravao à Tahiti. Les teneurs en 137Cs sont restées cohérentes avec les teneurs mesurées antérieurement à l’accident, aucune trace de 134Cs, de 60Co et de 131I n’a été décelée dans ces échantillons. Ces activités en 137Cs sont comparables aux valeurs observées en Nouvelle-Zélande en 2010.
Depuis les années 1990, on observe une décroissance de la radioactivité dans le lait très lente, bien plus lente que celle observée après les essais nucléaires atmosphériques dans les années 70 ). Comme les années précédentes, en 2011, la concentration en 137Cs dans le lait local
est légèrement supérieure à celle du lait UHT importé (0,05 Bq.L-1 mesuré en 2010 pour un échantillon provenant de France métropolitaine. Cette observation est à mettre en relation avec des facteurs de transferts sol-plantes environ 100 fois supérieurs à ceux mesurés généralement en Europe).

Concentration dans le lait de vache en Polynésie  (source : Rapport PRP-ENV/SESURE 2012-17)
Concentration dans le lait de vache en Polynésie (source : Rapport PRP-ENV/SESURE 2012-17)
Des mesures analysées localement

Le LESE (antenne polynésienne de l’IRSN) qui est le Laboratoire d’étude et de surveillance de l’environnement, est implanté à Vairao depuis l’été 2009, après avoir été basé durant 44 ans à Mahina. Il effectue depuis 1962 une surveillance permanente de la radioactivité en Polynésie Française.
Depuis 1966, le rapport annuel correspondant à cette surveillance, hors les sites d’expérimentations de Moruroa et Fangataufa, est transmis à l’UNSCEAR via le ministère des Affaires Etrangères.

Cette surveillance a été mise en place à l’époque des essais aériens d’armes nucléaires effectués par les grandes puissances (Etats-Unis, Union soviétique, Royaume-Uni, France, Chine), qui ont provoqué des retombées de radionucléides artificiels à l’échelle planétaire, étalées sur plusieurs années. En Polynésie française, le LESE s’est plus particulièrement intéressé aux retombées des 41 essais atmosphériques réalisés par la France dans cette région du globe entre 1966 et 1974 et à leurs conséquences sur les populations.

Aujourd’hui, de la même manière qu’en métropole, le LESE poursuit la surveillance au titre de sa mission de veille permanente en matière de radioprotection. Elle concerne sept îles (Tahiti, Maupiti, Hao, Rangiroa, Hiva Oa, Mangareva et Tubuai) représentatives des cinq archipels et consiste à prélever régulièrement des échantillons de nature variée (air, eau, sol, aliments…) dans les différents milieux avec lesquels la population peut être en contact.



La méthode de travail


Le choix des 7 îles répond à plusieurs impératifs : couvrir géographiquement l’ensemble du territoire de la Polynésie française, presque 3 000 km
d’est en ouest et 2 000 km du nord au sud, soit plus de 5 000 000 de km2 ; tenir compte de la typologie des deux catégories d’îles : îles hautes et atolls ;
respecter la démographie très hétérogène de ce territoire ; tenir compte de la position des deux atolls de Moruroa et Fangataufa, supports des essais
nucléaires français de 1966 à 1974, et des vents dominants d’est, les Alizés, facteurs importants quant aux trajets des retombées de ces essais ;
retenir les îles les plus peuplées de chaque archipel ; Maupiti est aussi retenue en plus de Tahiti dans l’archipel de la Société car c’est l’île la plus à l’ouest et Hao est retenue dans l’archipel des Tuamotu en plus de Rangiroa compte-tenu de l’étendue de cet archipel et pour sa plus grande proximité des sites d’essais.

PRELEVEMENTS DU DOMAINE PHYSIQUE : Il s’agit de prélèvements d’air par filtration, d’eau de mer, de pluie, de rivière et de source prélevées à Tahiti ainsi que des sédiments prélevés sur les différentes îles. Les analyses de l’eau de pluie, réalisées mensuellement jusqu’en 2009, sont faites
semestriellement depuis 2010 tout en conservant la continuité du prélèvement mais en réduisant la surface de collecte.

PRELEVEMENTS DU DOMAINE BIOLOGIQUE : Le nombre de prélèvements biologiques par île en 2011 est de : 67 pour Tahiti, 17 pour Maupiti,
14 pour Tubuai, 8 pour Rangiroa, 19 pour Hiva Oa, 13 pour Mangareva et 7 pour Hao. En complément, 8 prélèvements de produits importés consommés dans tous les archipels ont été réalisés.
Sur les 153 prélèvements effectués en 2011, 23 concernent le domaine marin, répartis en 3 catégories,
les poissons de haute mer, les poissons de lagon, les autres prélèvements marins (crustacés…), et 130 concernent le domaine terrestre.
Prélèvements de poissons de haute mer : Il s’agit de 3 prélèvements de poissons pélagiques (thon à nageoires jaunes).
Prélèvements de poissons de lagon : Ce sont 7 prélèvements de poissons, vivant dans le lagon ou à l’extérieur immédiat près du
récif, appartenant au genre loche et mérou exclusivement. Jusqu’en 2010, plusieurs espèces différentes étaient analysées (lutjan, bec de cane, baliste…). Les loches et les mérous étant les plus aptes à concentrer le césium dans leur chair, ils ont été retenus comme bioindicateurs
de la concentration du 137Cs dans les lagons.
Autres prélèvements marins : Il y a 13 prélèvements de mollusques et autres : 6 bénitiers, 5 nacres et 2 poulpes.

Prélèvements du domaine terrestre
Les 130 prélèvements se répartissent en 31 boissons (4 eaux de boisson, 8 eaux de coco, 1 bière, 1 jus de fruit, 1 soda et 16 laits), 35 légumes (11 légumes-feuilles, 14 légumes-fruits et 10 légumes-racines), 32 fruits, 4 viandes et oeufs, 11 herbes de pâturages et 8 prélèvements
complémentaires relatifs à des produits d’importation (1 bière,1 lait, 3 viandes et 3 autres produits divers : pain, riz et pomme de terre).

Rédigé par Mireille Loubet le Vendredi 4 Janvier 2013 à 16:06 | Lu 2275 fois