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La publication du patrimoine des élus divise aussi les parlementaires tahitiens


Le député divers droite (UDI) Edouard Fritch et le sénateur apparenté PS Richard Tuheiava
Le député divers droite (UDI) Edouard Fritch et le sénateur apparenté PS Richard Tuheiava
En France, le gouvernement manœuvre sur le thème de la moralisation de la vie politique en pleine tourmente de l’affaire Cahuzac. Mercredi, le président François Hollande annonçait l’ouverture d’une réflexion, la mise en chantier d’un projet de loi sur la transparence du patrimoine des élus de la République et son vote, avant la fin de l’année. Jeudi 11 avril, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault reçevait tous les présidents des groupes de l'Assemblée et du Sénat pour débattre du projet de loi de François Hollande, en particulier la publication du patrimoine des élus. A Paris, l'idée est loin de faire l'unanimité à Tahiti non-plus. Joints par téléphone, le sénateur Richard Tuheiava, apparenté PS et le député divers droite (UDI) Edouard Fritch exposent leur avis sur la question.

Que pensez-vous de l’annonce faite par François Hollande concernant une loi avant fin 2013 prévoyant la publication du patrimoine des élus, dans le cadre de la mission de moralisation de la vie politique ?

Edouard Fritch : Tous les élus de la République, que ce soit au Parlement comme à l’Assemblée de Polynésie ou les ministres du gouvernement sont déjà dans l’obligation de déclarer leur patrimoine. Cette déclaration est déposée au Conseil d’Etat où une cellule est chargée de son contrôle. Pour ce qui est de la publication de ces déclarations, je ne suis pas vraiment favorable. (…) La formule actuelle est déjà suffisante pour veiller à ce que les élus ne s’enrichissent pas durant leur mandat. J’estime que ces informations doivent rester confidentielles au risque de tomber dans des travers qui ont été ceux de la IIIe République. Lorsque l’on est élu, ça devient un problème de morale. Il s’agit d’exercer ses fonctions électives en s’investissant entièrement et pas de faire des affaires. A un moment donné lorsque l’on a une position influente dans le système. (…)
J’entends également dire que l’on songe à baisser les indemnités des élus de 30, 40 ou 50%. Là aussi, je pense que si l’on veut lutter contre la corruption, les élus doivent pouvoir vivre convenablement des indemnités qu’ils perçoivent lors de leur mandat.
Ce n’est pas parce que l’on étalera au grand public le patrimoine des uns et des autres que l’on changera la moralité de nos élus : quelqu’un qui veut tricher arrive toujours à contourner la loi, s’il est bien conseillé.
Je trouve qu’aujourd’hui les choses sont tout de même pas mal encadrées. Que la commission de contrôle ait des pouvoirs accrus en matière d’investigation, pour vérifier la véracité des déclarations des élus est une chose, je suis d’accord. Mais je trouve qu’aujourd’hui nous sommes suffisamment surveillés. (…) Pour l’heure il faut améliorer les systèmes de contrôle dont nous disposons. Etaler sur la place publique les patrimoines des uns et des autres n’a aucune utilité pour la bonne marche de la démocratie, pas plus que c’est une mesure indispensable à la bonne moralité des uns et des autres. Nous ne sommes pas dans un système policier, suspicieux : je pense qu’il faut renforcer le contrôle et prendre des sanctions fortes contre ceux qui utilisent la politique pour user de leur influence et gagner de l’argent. En résumé je ne suis pas très favorable aux propositions qui viennent d’être faites, sous réserve que je les découvre un peu mieux et je suis opposé à ce que les déclarations de patrimoines que nous faisons soient livrées au grand public.


Richard Tuheiava : Je pense que c’est une mesure curative par rapport à la situation rencontrée en ce moment au sein du gouvernement français. Je pense aussi que, sur le plan de loi et de la transparence vis-à-vis de l’opinion publique, il est important d’aller plus loin. Pas simplement au niveau de la déclaration de patrimoine, mais également au niveau de conflits d’intérêts qui pourraient exister entre l’élus, le responsable politique en fonction, et certains intérêts économiques liés à son influence. (…)
Sur le plan purement statutaire et législatif cette loi ne sera pas forcément applicable aux élus de la Polynésie française. Si les conditions sont en conformité avec la situation polynésienne, je suis pour une adaptation de cette mesure en Polynésie, sur le principe de la transparence et de la mise en évidence de conflits d’intérêts. Nous avons eu des discussions à ce sujet-là au sein de l’UPLD, notamment au sujet d’une rémunération des élus de l’Assemblée proportionnelle à leur fréquentation de l’hémicycle, pour voir dans quelle mesure les rémunération pourraient être dégressive dans le cas d’un fort absentéinsme. Le dernier rassemblement que nous avons organisé à l’Assemblée avec d’autres élus du Pacifique nous a permis de considérer des mesures très intéressantes en matière de conflit d’intérêt, de transparence. C’est important, nous devons aller dans ce sens. En Polynésie, cela viendra-t-il du gouvernement ou de l’Assemblée ? Nous verrons bien.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 12 Avril 2013 à 14:54 | Lu 2330 fois