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La perle de Tahiti fête ses 60 ans


L'aventure de la perliculture polynésienne prend ses racines au XIXᵉ siècle.
L'aventure de la perliculture polynésienne prend ses racines au XIXᵉ siècle.
Tahiti, le 14 février 2025 - La perle de culture de Tahiti fête cette année ses soixante ans. Inspirées du savoir-faire japonais et fruit d'expérimentations audacieuses de plusieurs pionniers, les premières perles de Tahiti ont été présentées pour la première fois à Papeete en février 1965.
 
Née de l'obstination d'une poignée d'entrepreneurs et de visionnaires, la perle de culture de Tahiti célèbre cette année six décennies d'existence. Initialement nommée “perle de Bora Bora”, elle fut présentée pour la première fois au public en février 1965, à la chambre de commerce de Papeete. Six décennies d’une saga oscillant entre succès mondial et turbulences économiques, au gré des caprices du marché mondial.
 
Une quête et des défis
 
L'aventure de la perliculture polynésienne prend ses racines au XIXᵉ siècle. “La Polynésie était connue pour être un fournisseur de nacre, avec des exportations atteignant 30 tonnes par an. C'était principalement destiné à l'industrie des boutons”, explique Jeanne Lecourt, présidente de l'association Vahine Arata’i no Porinetia et amoureuse de la perle. Mais pour préserver cet écosystème fragile, les autorités de l'époque cherchent des solutions pour éviter l'extinction des bancs de nacre, comme dans le bassin californien de Cortez. C'est ainsi qu'en 1827, un scientifique britannique, Hugh Cuming, est envoyé en mission d'observation au Fenua. Ses recherches aboutissent à la classification de la Pinctada margaritifera, variété “Cumingi” en hommage à son découvreur. “C'est le premier à avoir découvert que cette huître était endémique à la Polynésie”. Plus d'un siècle après, un Français, François Hervé, décide d'en faire l'objet d'une expérimentation audacieuse.
 
Inspiré par le Japonais Kokichi Mikimoto, pionnier de la perliculture moderne qui déposa un brevet en 1916, François Hervé se forme à la technique de la greffe dans les fermes perlières nippones de Mikimoto avant de tenter l'expérience en Polynésie dans les années 1930. Mais à Apataki, il se heurte à des difficultés techniques insurmontables. “Il n'avait pas réussi à maîtriser la technique de greffe malheureusement”, raconte Jeanne Lecourt.
 
Le tournant des années 60
 
Il faudra attendre les années 1960 pour qu'un autre Français, Jean-Marie Domard, relève le défi. Premier responsable du service de la pêche en Polynésie, il s'intéresse aux ressources lagonaires et suit les traces de ses prédécesseurs. Comme François Hervé avant lui, il passe par la ferme de Mikimoto pour observer les techniques japonaises.
 

Une photo d'archive des premières perles de Tahiti – à l'époque appelée perles de Bora Bora – en 1965. Crédit photo : DR.
Une photo d'archive des premières perles de Tahiti – à l'époque appelée perles de Bora Bora – en 1965. Crédit photo : DR.
 
“Lors de ses premières tentatives à Hikueru, la greffe ne prend pas. Il comprend rapidement qu'il doit faire appel à un greffeur japonais.” C'est chose faite en 1961. Pour la première fois, la greffe fonctionne, mais Domard veut aller plus loin. En 1963, il déplace l'expérimentation à Bora Bora, seule île alors dotée d'un aéroport, afin d'optimiser la logistique. “En fait, il était malade en bateau et ne voulait se déplacer qu'en avion. Et à l'époque, Bora Bora était la seule île dotée d'une piste, hormis Tahiti.”
 
Deux ans plus tard, en février 1965, les premières perles issues du lagon de Bora Bora sont présentées à Papeete. L’ambition est alors immense. Il faut convaincre les investisseurs, structurer une filière, et surtout imposer un produit encore méconnu sur les marchés internationaux. Un défi relevé, dans les années 1980 et 1990, la perle de Tahiti s'impose comme un symbole du luxe, dopant les exportations et l'économie locale. Plus de 1 000 fermes perlières opèrent alors en Polynésie.
 
Seule gemme française
 
La perle de Tahiti est, par ailleurs, la seule gemme française. C’est-à-dire la seule pierre fine trouvable sur le territoire. Mais malgré ce statut et son prestige, aucun label officiel n'a été créé autour d'elle. Une lacune de taille sur son positionnement à l'international. “Aux îles Cook, ils exploitent la même variété d'huître et peuvent l'appeler ‘perle de Tahiti’ également”, regrette Jeanne Lecourt. Une situation qui illustre l'absence de consensus entre les acteurs du secteur.
 
“Un label nécessite un accord collectif entre les perliculteurs. Or, plus il y a de fermes, plus il est difficile d'obtenir un consensus. Faut-il définir la perle de Tahiti comme une gemme d'exception, ou accepter aussi les qualités inférieures ? Aujourd'hui, on trouve des perles vendues un million de francs comme des rebuts. Toutes sont appelées ‘perle de Tahiti’. Labéliser signifierait restreindre l'appellation aux perles haut de gamme, mais certains producteurs refusent de se limiter à ce segment”, analyse-t-elle.
 
Pour Jeanne Lecourt, la solution réside une nouvelle fois dans le modèle japonais. “Ils ont la perle Akoya, mais aussi la Hanadama, qui représente le très haut de gamme et se vend trois fois plus cher que la Akoya, si elle est certifiée”. Une stratégie qui pourrait rebattre les cartes sur son positionnement sur le marché de la joaillerie.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Vendredi 14 Février 2025 à 14:48 | Lu 2405 fois