Ua Pou, le 17 mars 2025 - L'équipe du Centre medical de suivi (CMS) vient d’achever sa tournée des Marquises. Composee de deux médecins, d'une infirmière et d'un secrétaire médical, l'équipe s'était scindée en deux pour couvrir à la fois le nord et le sud de l'archipel avant de se rejoindre à Ua Pou pour finaliser sa mission.
Le Centre médical de suivi (CMS) des anciens travailleurs de Moruroa et des populations exposées aux essais nucléaires a été créé par la convention État-Pays du 30 août 2007. Depuis 2019, le CMS se déplace annuellement sur les six îles habitées de l'archipel des Marquises pour une mission d’une dizaine de jours
Trois groupes de personnes peuvent bénéficier du suivi gratuit du CMS : les populations civiles des communes de Tureia, Gambier, Reao et Pukarua touchées par les essais aériens qui ont eu lieu entre 1966 et 1974, les vétérans civils et militaires du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) y ayant travaillé entre 1966 et 1998 (environ 10.000 individus), et les personnes nées après 1974 mais résidant dans les communes de Tureia, Gambier, Reao et Pukarua, soit 2.373 personnes au recensement de 2022.
“Ce qui me rend triste, c’est que sur le papier, on a recensé environ 10.000 vétérans auxquels s’ajoutent quelques 2.000 habitants des quatre îles qui ont subi des retombées atmosphériques précoces, mais au 31 décembre 2024, le CMS n’en suit que 3.340 dont 2.693 travailleurs sur 6.000 à 8.000 que l’on estime encore vivants”, déplore le Dr Julien Pontis, à la tête du Centre de suivi depuis 2022. La moyenne d’âge du groupe de patients suivis est de 69 ans.
En 2024, le CMS a réalisé près de 1.000 visites de suivi, 19 missions dans les cinq archipels et visité 23 îles et atolls. 487 entretiens et consultations d’aide aux démarches d’indemnisation “Civen” pour les ayants droit CMS ou leurs familles ont également été réalisés.
Concernant la population marquisienne, à ce jour, les équipes du CMS ont suivi près de 300 patients à un moment ou un autre de leur vie. Un chiffres que l’on peut mettre en parallèle avec la population recensée aux Marquises. En 1962 : 4.838 habitants; en 1971 : 5.593 âmes recensées ; et en 1996 : 8.064.
Un protocole de dépistage individualisé
Le CMS est basé à Papeete, l’infirmerie principale se situe dans l’enceinte du ministère de la santé de Polynésie. Une équipe se rend également en moyenne une à deux fois par mois sur l’hôpital de Taravao pour se rapprocher des vétérans de la Presqu’île.
Lors des consultations, le CMS assure un suivi médical détaillé comprenant : l’ouverture et la mise à jour du dossier patient, une prise en charge paramédicale avec recueil des antécédents médicaux, prises de constantes et éventuel électrocardiogramme, un entretien avec le médecin pour évaluer les expositions passées aux rayonnements ionisants, un examen clinique orienté vers le dépistage des cancers.
Si le patient a été exposé avant 20 ans, une échographie de la thyroïde est réalisée. Pour les expositions après 20 ans, le risque de cancer radio-induit est considéré comme faible. En cas de pathologie détectée, le CMS oriente le patient vers un spécialiste et son médecin traitant.
Depuis avril 2023, un protocole de dépistage de cancer individualisé a été renforcé par l’équipe du Dr Pontis en collaboration avec l’Institut du Cancer de Polynésie française (ICPF) et le CHPF. Ce protocole a permis de détecter plusieurs cancers à un stade précoce, augmentant les chances de guérison : cinq cancers pulmonaires, plusieurs nodules pulmonaires suspects, des polypes du côlon nécessitant une surveillance par coloscopie, deux myélomes, deux cancers du foie, deux cancers du rein ou encore deux cancers de l’endomètre.
En cas de diagnostic de cancer potentiellement radio-induit, le CMS accompagne les patients dans les démarches d’indemnisation auprès de la Civen.
Toutes les données médicales issues des visites de suivi appartiennent aux patients qui peuvent les récupérer à tout moment et leur archivage – dossiers papiers et informatisés – est sous la responsabilité de la Direction de la santé et du CMS et non du service de santé des armées.
Les patients peuvent également remplir un formulaire pour récupérer, auprès du CEA et CEP à Paris, leurs données de travail via le CMS.
Le CMS a pour projet d’augmenter sa visibilité et de rencontrer de nouveaux patients, à l’instar des 139 nouveaux patients en 2023 et des 178 en 2024. Pour cela, le Centre a ouvert de nouvelles missions dans des îles jamais visitées telles que Rimatara et les communes associées de Fakarava. En 2025, le CMS prévoit également de se déplacer pour la première fois à Rapa et Makemo.
“Nos patients se sentent considérés et les retours sont très positifs”
Les essais atmosphériques ayant généré des retombées en Polynésie sont documentés : Aldébaran (2 juillet 1966); Rigel (24 septembre 1966) ; Arcturus (2 juillet 1967) ; Encelade (12 juin 1971) ; Phoebe (8 août 1971) ; et Centaure (12 juillet 1974).
Leurs retombées ont entraîné l’expositions des populations aux rayonnements ionisants. “Les habitants de Tureia et des Gambier ont subi une exposition équivalente à trois scanners corporels, ce qui n’est pas rien”, explique le Dr Pontis. “Si un doute existe, il faut le prendre au sérieux.”
Au sujet du risque de transmission transgénérationnelle, “il faut faire la différence entre in utero et transgénérationnel”, précise le Dr Pontis. “Aujourd’hui, seule l’irradiation in utero, directe de l’embryon ou du fœtus, entraine chez l’enfant à naître une augmentation du risque de cancer et de leucémie, de trouble du développement et neurocognitifs sévères. […] Ensuite, il y a les doses mesurées corps entier et une subdivision de doses aux organes, pour la thyroïde des enfants par exemple. Aux îles Gambier, les enfants de 1 à 2 ans aux moment des effets atmosphériques, ont pris une dose plus forte, tout comme les enfants de Taravao en 1974. Donc si ces personnes développent un cancer de la thyroïde à l’âge adulte, on estimera que c’est davantage probable qu’il soit radio-induit même si à ce jour, ça ne peut pas être prouvé scientifiquement”, continue-t-il.
Le médecin se défend de toute “volonté de nier ou de minimiser les expositions ou les retombées liées aux essais nucléaires” : “En tant que médecin, sur le terrain, constatant parfois l’anxiété légitime créée par la crainte de développer un cancer, je tiens encore une fois à rassurer les patients dont nous avons la charge, leurs familles et tous les autres. Pour eux, je suis fier que le CMS propose aujourd’hui un suivi médical innovant et individualisé. Nos patients se sentent considérés et les retours sont très positifs.”
À ce titre, explique-t-il aussi, “nous réalisons parfois des consultations pour des non ayants droit du CMS pour des questionnements et des inquiétudes fortes sur les éventuelles conséquences sanitaires des essais nucléaires. Ces consultations, très fréquentes, sont importantes car les angoisses, qu’elles soient liées à de réelles pathologies ou à la lecture de certaines informations sont parfois majeures et ont un impact sur la vie des patients et de leurs familles”.
Le Centre médical de suivi (CMS) des anciens travailleurs de Moruroa et des populations exposées aux essais nucléaires a été créé par la convention État-Pays du 30 août 2007. Depuis 2019, le CMS se déplace annuellement sur les six îles habitées de l'archipel des Marquises pour une mission d’une dizaine de jours
Trois groupes de personnes peuvent bénéficier du suivi gratuit du CMS : les populations civiles des communes de Tureia, Gambier, Reao et Pukarua touchées par les essais aériens qui ont eu lieu entre 1966 et 1974, les vétérans civils et militaires du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) y ayant travaillé entre 1966 et 1998 (environ 10.000 individus), et les personnes nées après 1974 mais résidant dans les communes de Tureia, Gambier, Reao et Pukarua, soit 2.373 personnes au recensement de 2022.
“Ce qui me rend triste, c’est que sur le papier, on a recensé environ 10.000 vétérans auxquels s’ajoutent quelques 2.000 habitants des quatre îles qui ont subi des retombées atmosphériques précoces, mais au 31 décembre 2024, le CMS n’en suit que 3.340 dont 2.693 travailleurs sur 6.000 à 8.000 que l’on estime encore vivants”, déplore le Dr Julien Pontis, à la tête du Centre de suivi depuis 2022. La moyenne d’âge du groupe de patients suivis est de 69 ans.
En 2024, le CMS a réalisé près de 1.000 visites de suivi, 19 missions dans les cinq archipels et visité 23 îles et atolls. 487 entretiens et consultations d’aide aux démarches d’indemnisation “Civen” pour les ayants droit CMS ou leurs familles ont également été réalisés.
Concernant la population marquisienne, à ce jour, les équipes du CMS ont suivi près de 300 patients à un moment ou un autre de leur vie. Un chiffres que l’on peut mettre en parallèle avec la population recensée aux Marquises. En 1962 : 4.838 habitants; en 1971 : 5.593 âmes recensées ; et en 1996 : 8.064.
Un protocole de dépistage individualisé
Le CMS est basé à Papeete, l’infirmerie principale se situe dans l’enceinte du ministère de la santé de Polynésie. Une équipe se rend également en moyenne une à deux fois par mois sur l’hôpital de Taravao pour se rapprocher des vétérans de la Presqu’île.
Lors des consultations, le CMS assure un suivi médical détaillé comprenant : l’ouverture et la mise à jour du dossier patient, une prise en charge paramédicale avec recueil des antécédents médicaux, prises de constantes et éventuel électrocardiogramme, un entretien avec le médecin pour évaluer les expositions passées aux rayonnements ionisants, un examen clinique orienté vers le dépistage des cancers.
Si le patient a été exposé avant 20 ans, une échographie de la thyroïde est réalisée. Pour les expositions après 20 ans, le risque de cancer radio-induit est considéré comme faible. En cas de pathologie détectée, le CMS oriente le patient vers un spécialiste et son médecin traitant.
Depuis avril 2023, un protocole de dépistage de cancer individualisé a été renforcé par l’équipe du Dr Pontis en collaboration avec l’Institut du Cancer de Polynésie française (ICPF) et le CHPF. Ce protocole a permis de détecter plusieurs cancers à un stade précoce, augmentant les chances de guérison : cinq cancers pulmonaires, plusieurs nodules pulmonaires suspects, des polypes du côlon nécessitant une surveillance par coloscopie, deux myélomes, deux cancers du foie, deux cancers du rein ou encore deux cancers de l’endomètre.
En cas de diagnostic de cancer potentiellement radio-induit, le CMS accompagne les patients dans les démarches d’indemnisation auprès de la Civen.
Toutes les données médicales issues des visites de suivi appartiennent aux patients qui peuvent les récupérer à tout moment et leur archivage – dossiers papiers et informatisés – est sous la responsabilité de la Direction de la santé et du CMS et non du service de santé des armées.
Les patients peuvent également remplir un formulaire pour récupérer, auprès du CEA et CEP à Paris, leurs données de travail via le CMS.
Le CMS a pour projet d’augmenter sa visibilité et de rencontrer de nouveaux patients, à l’instar des 139 nouveaux patients en 2023 et des 178 en 2024. Pour cela, le Centre a ouvert de nouvelles missions dans des îles jamais visitées telles que Rimatara et les communes associées de Fakarava. En 2025, le CMS prévoit également de se déplacer pour la première fois à Rapa et Makemo.
“Nos patients se sentent considérés et les retours sont très positifs”
Les essais atmosphériques ayant généré des retombées en Polynésie sont documentés : Aldébaran (2 juillet 1966); Rigel (24 septembre 1966) ; Arcturus (2 juillet 1967) ; Encelade (12 juin 1971) ; Phoebe (8 août 1971) ; et Centaure (12 juillet 1974).
Leurs retombées ont entraîné l’expositions des populations aux rayonnements ionisants. “Les habitants de Tureia et des Gambier ont subi une exposition équivalente à trois scanners corporels, ce qui n’est pas rien”, explique le Dr Pontis. “Si un doute existe, il faut le prendre au sérieux.”
Au sujet du risque de transmission transgénérationnelle, “il faut faire la différence entre in utero et transgénérationnel”, précise le Dr Pontis. “Aujourd’hui, seule l’irradiation in utero, directe de l’embryon ou du fœtus, entraine chez l’enfant à naître une augmentation du risque de cancer et de leucémie, de trouble du développement et neurocognitifs sévères. […] Ensuite, il y a les doses mesurées corps entier et une subdivision de doses aux organes, pour la thyroïde des enfants par exemple. Aux îles Gambier, les enfants de 1 à 2 ans aux moment des effets atmosphériques, ont pris une dose plus forte, tout comme les enfants de Taravao en 1974. Donc si ces personnes développent un cancer de la thyroïde à l’âge adulte, on estimera que c’est davantage probable qu’il soit radio-induit même si à ce jour, ça ne peut pas être prouvé scientifiquement”, continue-t-il.
Le médecin se défend de toute “volonté de nier ou de minimiser les expositions ou les retombées liées aux essais nucléaires” : “En tant que médecin, sur le terrain, constatant parfois l’anxiété légitime créée par la crainte de développer un cancer, je tiens encore une fois à rassurer les patients dont nous avons la charge, leurs familles et tous les autres. Pour eux, je suis fier que le CMS propose aujourd’hui un suivi médical innovant et individualisé. Nos patients se sentent considérés et les retours sont très positifs.”
À ce titre, explique-t-il aussi, “nous réalisons parfois des consultations pour des non ayants droit du CMS pour des questionnements et des inquiétudes fortes sur les éventuelles conséquences sanitaires des essais nucléaires. Ces consultations, très fréquentes, sont importantes car les angoisses, qu’elles soient liées à de réelles pathologies ou à la lecture de certaines informations sont parfois majeures et ont un impact sur la vie des patients et de leurs familles”.
Pour joindre le CMS
Tél. : 40 46 01 97
Mail : cms.dsp@administration.gov.pf
Mail : cms.dsp@administration.gov.pf