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La loi de pays sur la réglementation de la concurrence rejetée


La loi de pays sur la réglementation de la concurrence rejetée
PAPEETE, vendredi 5 octobre. Le projet de loi de pays sur la réglementation de la concurrence a été rejeté ce vendredi par les représentants de l’assemblée de Polynésie française. Ce projet de loi, entamé de longue date, mais présenté un peu urgemment et sans concertation lors de la deuxième séance de la session budgétaire n’a pas convaincu les élus. Dès le jeudi 4 octobre, certains représentants manifestaient leur opposition à la présentation de ce texte en l’état. A tel point que son examen qui devait suivre immédiatement les questions orales au gouvernement, puis la lecture et le débat sur le rapport de la Chambre territoriale des comptes était repoussé. D’abord dans l’après-midi du 4 octobre, puis finalement au vendredi 5 octobre.

Ce vendredi la séance plénière des élus reprenait vers 9h30 dans un hémicycle particulièrement clairsemé. Le vote de ce texte (23 voix pour et 7 abstentions) n’ayant pas conduit à l’expression d’un vote majoritaire, le projet de loi du pays a été rejeté. La séance a été clôturée à 14 h 45 ce vendredi 5 octobre.
Selon la présentation faite par le gouvernement d’Oscar Temaru qui présentait ce projet de loin de pays, «ce projet de loi du pays fixe le droit de la concurrence et n’encadre les pratiques commerciales qu'avec des règles minimales qui portent sur la facturation, le prix minimum imposé, la revente à perte, le refus de vente, la discrimination par les prix et la subordination de vente. Ce texte répond aux doléances des associations défendant les intérêts des consommateurs, mais également aux observations des organisations patronales ». Un copié-collé inadapté de certaines réglementations métropolitaines déjà vivement critiqué par la Fédération générale du commerce, FGC mercredi.

Une impréparation d'un texte qui mûrit pourtant depuis plus d’un an, que n’a pas manqué de souligner Emma Algan, représentante du groupe Ia ora te fenua. «Vous nous proposez des plats mal préparés dans lesquels il manque l’assaisonnement, ces épices qui donnent du goût ! Il faut se poser la question de savoir si votre texte sans goût va vraiment favoriser la libre concurrence. Venons-en tout d’abord à la méthode : Le gouvernement a décidé de procéder à l’envers (…) Dans le cadre de la «loi Lurel», on apprend que le gouvernement polynésien est enfin disposé à demander l’assistance de l’Etat (l’assemblée, consultée pour avis en juillet dernier, ne s’est pas prononcée). Cette position a été relayée au sénat par le sénateur Tuheiava. Peut- on nous dire, aujourd’hui, si ce souhait gouvernemental va vraiment aboutir ? N’aurait-il pas été plus logique de solliciter, au préalable, l’expertise de l’autorité de la concurrence métropolitaine pour un diagnostic éclairé, comme l’ont fait la Nouvelle Calédonie et les DOM, avant d’élaborer une règlementation de la concurrence plus adaptée à notre économie ? (…) Il faut souligner aussi que les partenaires économiques et l’association Te Ti’a Ara déplorent l’absence, dans le projet, de dispositions relatives au contrôle des concentrations, observations que nous partageons également !- A partir de quel seuil de parts de marchés, une entreprise ou groupe d’entreprises est en situation de monopole ? En définitive, le texte que vous proposez est, en l’état, insatisfaisant et incomplet» soulignait l’élue précisant encore que le groupe Ia ora te fenua reste favorable à la mise en place d’un droit à la concurrence, mais après un diagnostic des marchés polynésiens.


La loi de pays sur la réglementation de la concurrence rejetée
Pour le groupe Tahoeraa, René Temeharo prenait la parole également et soulignait les mêmes manquements du texte proposé par le gouvernement polynésien : «Tout le monde s’accorde sur le fait que la réglementation en matière de concurrence dont dispose actuellement la Polynésie française n’est que trop parcellaire et ne correspond plus aux nouvelles pratiques commerciales. Mais avant de venir sur le fond du texte qui nous est proposé, je voudrais lever certaines ambiguïtés. Contrairement à une idée reçue, l’adoption d’un code de la concurrence ne sera pas la panacée pour lutter contre la cherté de la vie. D’ailleurs, par certains aspects, mais nous y reviendrons, le texte qui nous est proposé peut contenir des effets pervers conduisant à un renchérissement des prix, au détriment des consommateurs (…) De fait, le Pays lui-même, notamment par sa règlementation fiscale, a une responsabilité de premier plan dans la cherté de la vie. Nous le savons tous, et cela a été assez dénoncé, un pan très important de notre fiscalité est fondé sur une imposition indirecte qui s’élève à 60 milliards en 2012, touchant la consommation des produits importés. Une fiscalité qui rentre donc en ligne de compte dans la formation des prix et bien sûr participe au renchérissement des prix (…) Il apparaît que la mise en place d’une réglementation sur la concurrence doit s’inscrire dans un cadre beaucoup plus large et qu’elle ne peut notamment pas faire l’impasse sur la remise à plat de notre fiscalité pour la mettre en adéquation avec le but recherché. Je dirai par ailleurs que le projet de loi qui nous est soumis au terme d’un certain nombre de péripéties arrive peut-être un peu trop tôt (…) Il nous semble qu’en la matière il n’y a pas d’urgence absolue à légiférer, sauf bien sûr en pur opportunisme politique en faisant valoir, comme je le disais au début de mon intervention, que ce texte est destiné à lutter contre la cherté de la vie. Ce qui, encore une fois, est un leurre (…) Pour ce qui nous concerne, nous sommes persuadés que céder à la tentation réglementaire produira mécaniquement les mêmes effets sur les prix, tel celui constaté en métropole après le vote de la loi Galland, et sera donc contreproductif (… ) Pour conclure, et étant donné la complexité de la matière, il nous apparaît – et c’est d’ailleurs ce que le président Temaru souhaite – que la garantie d’une saine concurrence passe par la mise en place d’une autorité administrative indépendante».




La loi de pays sur la réglementation de la concurrence rejetée
De son côté Sandra Lévy-Agami, représentante non inscrite, favorable au texte qui comble un vrai vide juridique en Polynésie française, note le fort lobbying exercé par ses pairs îliens depuis jeudi 4 octobre, face à ce texte qui arrive sur le devant de la scène un peu comme un cheveu sur la soupe et s'interroge légitimemement. "Il nous est aujourd’hui demandé de combler un vide juridique en mettant en place une réglementation de la concurrence en Polynésie française. Il n'est pas trop tôt! Depuis plus de 20 ans, la France métropolitaine a élaboré une réglementation similaire (...) Le CESC vous reproche un mauvais copier-coller de ce qui se pratique en France métropolitaine, quelle est votre réponse à cette observation des représentants de la société civile? Enfin, en ce qui concerne la création d’une autorité de la concurrence indépendante, je m'interroge sur le peu de précisions qui nous est apporté. Le lobbying des îliens est-il si puissant que vous soyez contraint de citer la création de cette Autorité indépendante sans préciser ni sa composition, ni son organisation, ni son domaine d’intervention? Combien va-t-elle coûter à la collectivité ? Comment comptez-vous la financer? Et pour finir, quelle garantie nous offrez-vous quant à son indépendance politique. Sera-t-elle vraiment protégée des éventuelles pressions des hommes politiques et des grands distributeurs économiques (...) Monsieur le Ministre je ne conçois pas que les consommateurs polynésiens puissent être moins bien protégés que les consommateurs de France métropolitaine. Parce que nous devrions avoir le même niveau de protection, je voterai POUR même si je sais que votre texte risque de ne pas passer puisqu'une partie de votre majorité (les îliens), ne vous suit pas".

Rédigé par Mireille Loubet le Vendredi 5 Octobre 2012 à 18:01 | Lu 3261 fois