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La guerre préventive d'une ville d'Irak contre l'avancée du désert


La guerre préventive d'une ville d'Irak contre l'avancée du désert
KERBALA, 02 juil 2012 (AFP) - De longues files d'eucalyptus, de palmiers, d'oliviers: ce sont les armes dont s'est dotée Kerbala dans sa guerre préventive contre la désertification, un phénomène qui frappe durement l'Irak, à l'environnement déjà fragilisé par un passé lourd de conflits.

Kerbala, au centre de l'Irak, à 110 km au sud de Bagdad, est l'une des principales villes saintes de la religion chiite, et des millions de pèlerins s'y rendent chaque année pour honorer la mémoire des imams Hussein et Abbas qui y reposent.

Elle est moins connue pour sa "ceinture verte", une ancienne zone militaire reconvertie en un long croissant de 27 km de long sur 100 mètres de large à l'ouest de la ville, qui abrite des milliers de jeunes arbres d'environ 2 mètres de haut et plantés en lignes régulières, irriguées grâce à une cinquantaine de puits.

Le projet, lancé en 2006, vise à barrer la route aux tempêtes de sable, dont la fréquence est en nette hausse ces dernières années en Irak, et à lutter contre la salinisation du sol.

"Si nous ne faisons rien, le désert va venir sur nous, donc nous devons être dans l'offensive plutôt que sur la défensive et créer de nouveaux projets d'irrigation", explique Hassan Jabbar, directeur du projet de ceinture verte.

Celle-ci compte 62.000 oliviers, 20.500 palmiers, 37.000 eucalyptus et 4.200 tamariniers. Des arbres choisis pour leur résistance et les fruits qu'ils produiront à terme.

Le gouverneur de la province de Kerbala, Amal Eddine al-Her, lui-même ancien chef du département d'agriculture de Kerbala, n'est pas peu fier du projet, qu'il juge bien supérieur à ce qui se fait dans le reste du pays: "Cela fait 30 ans que l'Irak combat la désertification, mais d'après le bureau anti-désertification, ce qui a été accompli à Kerbala est ce qui s'est fait de plus grand et de mieux en Irak".

Kerbala qui, à l'échelle de l'Irak, est considérée comme une région relativement sûre, espère à terme élargir sa "ceinture" à 1 km.

"Environnement très abîmé"

Selon des chiffres diffusés par l'ONU, l'Irak, qui compte 28% de terres arables, en perd 25.000 hectares par an du fait de la dégradation des sols. Selon ces données, 39% du territoire a été affecté par la désertification et 54% sont "menacés". Le désert recouvre 31% du territoire irakien.

L'Irak est loin d'être le seul pays à être affecté par la désertification, mais sa position géographique, en contrebas des plateaux syriens d'où souffle le vent d'ouest et son tumultueux passé l'y rendent particulièrement vulnérable.

"L'Irak a connu de nombreuses guerres. Elles en ont fait un pays à l'environnement très abîmé", explique Mohammed Gahzi Saeed, directeur du bureau de lutte contre la désertification au ministère de l'Agriculture, en banlieue de Bagdad.

"Le phénomène a commencé fortement après 1991, à l'époque de la guerre du Golfe, avec ses centaines de puits de pétrole brûlés" au Koweït, souligne-t-il. "Rappelez-vous, l'Irak était devenu littéralement noir (...) Bien sûr, cela a empoisonné le sol, l'eau et cela s'est traduit par la disparition de beaucoup de zones plantées". A cela s'ajoute le changement climatique, avec une multiplication des épisodes de sécheresse ces dix dernières années, selon lui.

Le gouvernement irakien a adopté une "feuille de route" et lancé notamment un projet d'oasis dans le vaste désert de l'ouest du pays. Mais, affirme M. Saeed, "de 65 à 70% des problèmes de désertification proviennent des pays voisins. Ils devraient allouer plus de budget pour enrayer ce phénomène".

"Ce n'est pas vraiment très important de planter un arbre, ce qui compte c'est de le garder. Je dois admettre que le gouvernement n'en est pas encore vraiment capable, il est faible en matière de continuité des projets", reconnaît-il.

Le gouverneur de Kerbala est plus sévère encore: "Je pense que l'Irak est très en retard en matière de lutte contre la désertification et il n'y a pas de vraies mesures pour une (bonne) utilisation de l'eau. Encore aujourd'hui, nous ne la considérons pas comme un facteur de vie et nous la gaspillons", accuse-t-il, appelant à "une véritable campagne nationale contre la désertification" et déplorant le manque de soutien des autorités à ses propres projets.

Et de souligner: "Les tempêtes de sable nous posent plus de problèmes que les explosions (provoquées par les insurgés, ndlr). Elles provoquent plus de visites dans les hôpitaux et il n'y a pas assez de place".


Par Amélie HERENSTEIN

Rédigé par AFP le Dimanche 1 Juillet 2012 à 18:15 | Lu 577 fois