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La colère des associations de la Presqu’île


Une dizaine de clubs sportifs sont signataires d’un courrier signifiant leur ras-le-bol quant à l’absence de certains équipements élémentaires, dont l’éclairage (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Une dizaine de clubs sportifs sont signataires d’un courrier signifiant leur ras-le-bol quant à l’absence de certains équipements élémentaires, dont l’éclairage (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 2 juillet 2024 – Entre un défaut d’éclairage persistant sur les stades et la vétusté, voire l’absence d’équipements élémentaires, les bénévoles des clubs sportifs du sud de Tahiti sont à bout. Une dizaine d’associations sont signataires d’un courrier qui sera adressé cette semaine au directeur de l’IJSPF et à la ministre des Sports et de la Jeunesse, interpellant jusqu’au président du Pays pour tenter d’être “enfin pris en considération”.
 
“Écœurement” et “détresse” face à “l’immobilisme”. Les mots sont forts, à la hauteur des difficultés rencontrées par les associations qui œuvrent bénévolement en faveur de la pratique sportive au sud de Tahiti. Une dizaine de clubs de football, volley, basket, athlétisme, karaté ou encore de sport scolaire sont signataires d’un courrier qui sera transmis cette semaine au directeur de l’Institut de la jeunesse et des sports (IJSPF) et à la ministre des Sports et de la Jeunesse, Nahema Temarii.
 
Si la situation s’éternise depuis de nombreuses années – certains exemples remontent jusqu’à vingt ans en arrière –, l’événement qui a mis le feu aux poudres, c’est la réunion annuelle de coordination pour la répartition des installations sportives de l’IJSPF à la Presqu’île. L’essentiel des échanges ont porté sur l’état des infrastructures, sans aucun espoir d’amélioration pour les pratiquants, achevés par l’annonce du référent présent quant aux budgets “bloqués jusqu’en 2027”.
 

L’impression “d’un mépris total”


Pendant ce temps, les associations composent avec des stades aux espaces verts bien entretenus, certes, mais sans aucun éclairage. Impossible, dans ces conditions, de proposer des entraînements au-delà de 18 heures… Il y a plus d’un an, en mai 2023, l’association pour le développement de l’athlétisme à Taiarapu (Adat) avait publié sur les réseaux sociaux une fin de session à la lueur des phares des voitures et des lampes torche, en vain. “On nous avait promis des changements début 2024, mais toujours rien ! On a l’impression d’un mépris total et d’une mauvaise répartition des installations”, confie la présidente du club, Janick Aubineau. En intérieur, certaines salles sont impraticables en cas de forte pluie, quand d’autres sont rendues insalubres par l’abondance d’excréments d’oiseaux. Au chapitre de la sécurité, un tapis de saut usagé et des poteaux métalliques sont entreposés, pour ne pas dire abandonnés sur le stade jouxtant le collège de Taravao. “Comme si la Presqu’île était la poubelle de Papeete”, s’agacent les auteurs du courrier.
 
L’absence de certains équipements se fait aussi cruellement sentir : aucune piste pour courir et une esquisse de bac à sable pour sauter, toujours pas de skate-park, des cages de foot qui ne sont pas aux normes, etc. Difficile, dans ces conditions, d’accueillir des compétitions officielles. “Pour les ados et adultes, on doit forcément se déplacer en ville pour les matchs”, témoigne Miriama Auraa, présidente de l’AS Pueu, héritière du célèbre Taiarapu Athlétic Club (TAC). “Chaque week-end, on doit louer des bus à 25 000 francs. Notre stade n’est pas homologué en raison de l’absence de vestiaires, de gradins et d’éclairage”, déplore-t-elle, tandis que l’inauguration du chapiteau de remplacement de la salle omnisports voisine se fait attendre.  
 

“Grandes paroles” versus “réalité du terrain”


“Pourquoi en ville, ils sont illuminés, et pas nous ? C’est peut-être à cause de la montagne : on est trop loin, on ne nous voit pas. Nous, les bouseux de la Presqu’île, on aimerait enfin être pris en considération. À défaut de sport pour nos jeunes, ce sera la dérive !”, ironise avec gravité le secrétaire adjoint et fondateur de l’association Ace’trem, Teva Cavallo, qui interpelle aussi les communes. Si certains surmontent cette lassitude grâce à la colère qui les anime, d’autres ont fini par abandonner, comme le club de rugby de Taravao. “D’autres clubs vont fermer si ça continue : c’est démotivant”, regrettent les référents associatifs à l’aube des Jeux olympiques de Paris 2024, suivis des Jeux du Pacifique 2027, à Tahiti.
 
Pour continuer malgré tout à partager leur passion et à promouvoir la pratique d’une activité physique, les signataires demandent à être associés à l’élaboration d’un programme prévisionnel d’investissement local. Ils espèrent être reçus “en urgence” par la ministre Nahema Temarii, voire le président du Pays, Moetai Brotherson, “pour prendre la mesure de la déconnexion entre les grandes paroles et la réalité du terrain”.
 

"Comme si la Presqu’île était la poubelle de Papeete", s’agacent-ils aussi, au sujet de matériels usagés abandonnés.
"Comme si la Presqu’île était la poubelle de Papeete", s’agacent-ils aussi, au sujet de matériels usagés abandonnés.

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Mardi 2 Juillet 2024 à 14:50 | Lu 2312 fois