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La Socredo à nouveau dans le viseur de Te Tia Ara sur la commission de revue réglementaire


Tahiti, le 29 août 2022 - L’association de défense des consommateurs polynésiens s’est saisie de la question de l’élargissement de la commission de revue réglementaire aux clients particuliers de la Socredo. Elle juge ce nouveau prélèvement “illégal et abusif” –ce que conteste la banque au ‘uru. L'association réfléchit actuellement avec son avocat à la manière de l’annuler.
 
La nouvelle commission de revue réglementaire de 1 500 Fcfp prélevée par la Socredo fin juillet sur les comptes principaux de ses clients continue de faire parler d’elle. Après avoir agité les réseaux sociaux (lire notre article du 4 août), le sujet est remonté jusqu’à l’association de défense des consommateurs polynésiens Te Tia Ara, qui a reçu de nombreuses plaintes et publié la semaine dernière un long article à ce propos sur son site Internet.
 
Ce n’est pas la première fois que Te Tia Ara se penche sur cette question. Déjà en 2017, lors de la mise en place de cette commission annuelle sur les comptes professionnels, entreprises et associatifs à hauteur de 18 000 Fcfp, elle s’était portée au secours des petites associations “dépourvues de moyens” afin de la faire annuler en justice. Mais le tribunal l’avait déboutée en considérant qu’elle n’était pas fondée à exercer des actions pour défendre les personnes morales telles que les associations alors que les consommateurs sont des personnes physiques.
 
Néanmoins, cette action en justice avait conduit à l’abaissement du montant de la commission à 6 000 Fcfp pour l’ensemble des associations, certaines d’entre elles ayant même bénéficié d’un remboursement. Selon Te Tia Ara, la banque au ‘uru avait alors insisté sur le fait que la commission de revue réglementaire n’allait pas être étendue aux particuliers. “Je pense que la Socredo, forte de ces expériences d’il y a cinq ans et ayant constaté que personne ne protestait, a décidé de continuer à faire ces prélèvements. C’est ahurissant”, s’indigne Makalio Folituu, président de Te Tia Ara, qui a réuni économistes et juristes afin de disséquer la nouvelle commission.
 
Plus d’un milliard perçu en 2022
 
L’association dresse aujourd’hui différents constats, notamment que “la Socredo est la seule banque qui prélève cette commission” et qu’elle n’aurait “pas assuré de façon satisfaisante l’exigence d’information préalable” (bien que la commission apparaisse dans les tarifs de la banque applicables au 1er avril 2022). Il est également reproché à la commission de ne pas “rémunérer un service rendu au client de manière effective et réelle”, mais plutôt un service “rendu à l’État” étant donné qu’il s’agit de vérifications liées à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ce que nuance la direction générale de la Socredo (lire encadré). Te Tia Ara regrette enfin que la commission soit “appliquée sans discernement” de revenus ou d’activités sur les comptes bancaires. Mais les clients de la Socredo “bénéficiaires de l’offre à la clientèle fragile au sens de la réglementation bancaire n’ont pas été prélevés de cette commission”, répond Evelyne Brichet, directrice exécutive en charge du réseau des agences, du marketing et de la communication de l’établissement.
 
Te Tia Ara a également fait un calcul approximatif de la somme qui pourrait être perçue cette année par la banque grâce à ces commissions : entre 1 et 1,2 milliard de Fcfp, soit à peu près autant que son résultat net en 2021 (1,218 milliard de Fcfp selon le dernier rapport d’activités). C’est pour toutes ces raisons que “l’association juge illégale et abusive la commission prélevée par la Socredo sur les consommateurs” et invite les personnes concernées à déposer une requête individuelle en remboursement à la banque. Dans un second temps, Te Tia Ara envisage de déposer plainte et s’est rapprochée en ce sens de son avocat afin qu’il étudie le dossier.
 

Makalio Folituu, président de Te Tia Ara : “On envisage de déposer plainte”

“On a analysé la situation et on envisage de déposer plainte. Quand nous avons saisi la justice en 2017, nous avons été déboutés sur la recevabilité, c’est-à-dire qu’on n’avait pas le droit de se substituer aux associations. Après coup, on a trouvé une jurisprudence qui disait le contraire mais on n’avait pas les moyens à l’époque de faire appel. Le tribunal ne s’est donc jamais prononcé sur le fond de l’affaire. Aujourd’hui, on va trouver les moyens. On a déjà contacté notre avocat, avec qui on a obtenu gain de cause sur les CCP de Fare Rata, et il est prêt à nous aider sur ce dossier. J’ai également saisi l’Autorité de contrôle à Paris afin qu’ils mènent une enquête en Polynésie. En attendant, on préconise aux consommateurs de saisir directement la Socredo pour demander le remboursement de la commission. On a rédigé un courrier qu’on a mis en ligne sur notre blog pour exemple.”
 

Evelyne Brichet, directrice exécutive au sein de la Socredo : “Nous estimons pour notre part être dans notre droit”

“Jusqu’à cette année, nous n’appliquions effectivement cette commission dite de revue réglementaire qu’aux clients du marché des associations, professionnels et entreprises. Cette commission est destinée à couvrir en partie les charges liées à la surveillance et à la sécurisation de toutes les opérations bancaires réalisées quels que soient les personnes, destinations ou montants et qui pourraient relever d’infractions financières à la législation (soupçon d’abus de faiblesse, fraude au président, détournements de fonds, phishing, usurpation d’identité…) et dont les banques pourraient être tenues pour responsables. Elle couvre également la tenue à jour en continu des données relatives à la situation propre à chaque client (pièces d’identité, justificatif de domicile ou encore de revenus perçus, cohérence des flux domiciliés sur les comptes). Cette commission de revue réglementaire est légale. La Socredo et l’ensemble des banques fixent librement les tarifs qu’elles appliquent pour leurs services et opérations en veillant à respecter les obligations d’information préalable tarifaire. Certains services sont gratuits, d’autres plafonnés dans le cadre de la réglementation en vigueur. Notre plaquette tarifaire en tient compte. Quant à la parution de l’article de l’association Te Tia Ara, la banque Socredo comprend leur démarche et la respecte. Pour autant, nous estimons pour notre part être dans notre droit.”
 

Rédigé par Lucie Ceccarelli le Lundi 29 Août 2022 à 18:21 | Lu 7157 fois