PAPEETE, le 11 décembre 2018 - "La perle de culture de Tahiti, le premier bijou des Polynésiens". C'est le thème de la dernière campagne de la Tahitian Pearl Association of French Polynesia, TPAFP, pour nous faire (re)découvrir la perle de Tahiti. Aujourd'hui nous explorons l'histoire de notre perle, de l'apparition de la première nacre il y a 550 millions d'années jusqu'aux jours de gloire des fermes perlières de Polynésie.
L'Huitre perlière : une histoire de 550 millions d'années
Les huîtres sont des mollusques, donc elles ont le même ancêtre que les vers, les escargots, les pieuvres... Il y a 550 millions d'années, juste avant l'explosion cambrienne, les premiers bivalves nacrés apparaissent et prolifèrent. De nos jours, on trouve plus de 8000 espèces de bivalves (ce qui inclut les moules, les coquilles Saint-Jacques, etc), dont 2800 bivalves nacrés. La plupart des huîtres produisent des perles, mais elles ne sont pas toutes nacrées, certaines forment des sortes de petits cailloux... Seule une dizaine d'espèces d’huîtres et de coquillages sont exploitées pour la production perlière.
Pinctada margaritifera, ou l’Huître aux lèvres noires, est notre huître perlière polynésienne. L'espèce est commune dans l'océan Pacifique et dans l'océan Indien, dans la zone intertropicale. On la trouve jusqu'au Golfe Persique et dans la mer rouge ! L'espèce produit des perles allant du blanc-gris au noir. En Polynésie, nous possédons une Pinctada margaritifera très spéciale, la variété cumingii, qui est originaire de nos archipels et est la seule à donner cette belle couleur noire irisée. Elle s'est depuis répandue à travers le Pacifique au fil des créations de fermes perlières.
Pinctada margaritifera, ou l’Huître aux lèvres noires, est notre huître perlière polynésienne. L'espèce est commune dans l'océan Pacifique et dans l'océan Indien, dans la zone intertropicale. On la trouve jusqu'au Golfe Persique et dans la mer rouge ! L'espèce produit des perles allant du blanc-gris au noir. En Polynésie, nous possédons une Pinctada margaritifera très spéciale, la variété cumingii, qui est originaire de nos archipels et est la seule à donner cette belle couleur noire irisée. Elle s'est depuis répandue à travers le Pacifique au fil des créations de fermes perlières.
De la pêche traditionnelle à la surexploitation
Les anciens Polynésiens utilisaient la nacre pour des objets de cérémonie mais aussi des objets du quotidien (Le deuilleur, reproduction du Musée de la Perle)
Les anciens Polynésiens utilisent les nacres et les perles pour créer des objets de cérémonie, mais également pour toute une série de produits artisanaux, comme des hameçons et autres outils de pêche en nacre. La pêche de l’huître est assurée par des plongeurs, dont ceux des Tuamotu sont particulièrement reconnus. Ils plongent pendant 3 minutes et s'enfoncent à 30 mètres de profondeur sans lest, à la seule force de leurs bras et jambes.
Mais l'arrivée des Européens ouvre un nouveau marché à la nacre, utilisée en particulier dans la fabrication de boutons, mais aussi pour de nombreux accessoires à la mode, comme des éventails, jumelles de théâtre, boîtes à bijoux, dés, dominos, tabatières... Les pêcheurs peuvent aussi tomber sur une perle naturelle, une chance exceptionnelle qui peut les rendre immensément riches.
Mais l'arrivée des Européens ouvre un nouveau marché à la nacre, utilisée en particulier dans la fabrication de boutons, mais aussi pour de nombreux accessoires à la mode, comme des éventails, jumelles de théâtre, boîtes à bijoux, dés, dominos, tabatières... Les pêcheurs peuvent aussi tomber sur une perle naturelle, une chance exceptionnelle qui peut les rendre immensément riches.
Au 19ème siècle, une pêche massive s'organise. 900 tonnes de nacre furent exportées des Tuamotu rien que pour l’année 1839 ! Le pillage provoque rapidement la disparition des huîtres perlières à 10 mètres de fond, forçant les plongeurs à plonger de plus en plus profond. L'arrivée de nouvelles technologies comme le scaphandrier en 1880 puis les scaphandriers autonomes à bouteilles au milieu du siècle accélère la plonge, jusqu'à épuisement des ressources. La nacre disparaît même dans plusieurs atolls... Les exportations passent de 645 tonnes en 1960 pour chuter brutalement à 185 tonnes en 1970.
Les fermes perlières de Polynésie : une expérience à Hikueru devient une industrie milliardaire
Dans les années 1950, alors que la surpêche menace les huîtres sauvages, l'arrivée de nouveaux boutons en polyester crée une nouvelle concurrence pour la nacre, qui est désormais trop chère pour son marché traditionnel. Le tout nouveau Territoire de la Polynésie Française décide donc en 1956 de financer, pour 10 millions de francs (l'équivalent de 150 millions de francs en 2018), un essai de culture perlière dans l'atoll de Hikueru. Le vétérinaire Jean-Marie Domard est recruté en 1957, nommé responsable du Service de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche, et l'expérience lui est confiée. Il part aussitôt au Japon et en Australie pour étudier les fermes perlières qui y existent. Le Japon en particulier est un pionnier : ils ont perfectionné les techniques de perliculture dès 1888 et continueront jusque dans les années 1970.
Jean-Marie Domard lance la première ferme expérimentale de Polynésie en 1961... Mais les premières greffes ne donnent aucun résultat. Il leur faut l'expertise japonaise. Jean-Marie Domard arrive à convaincre Churoku Muroi, un greffeur japonais travaillant dans une ferme perlière australienne, de venir greffer 827 nacres en août 1961 à Hikueru. Il est mis à disposition de la Polynésie par le directeur de Nippon Pearls de Tokyo, même si au début les Japonais ne croient pas à l'expérience polynésienne. Au Japon, Kokichi Mikimoto avait déjà mené une expérience sur l'île d'Iskigaki avec des Pinctada margaritifera acclimatées. Entre 1926 et 1940, les nacres greffées avaient produit une centaine de millier de perles, mais elles étaient toutes baroques : ni ronde, ni lisse, elles n'avaient aucune valeur. On pensait donc que Pinctada margaritifera était impropre à la culture.
Sauf qu'en Polynésie, Pinctada margaritifera est unique, de la variété cumingii. En décembre 1963, les huîtres greffées de Hikueru sont récoltées... Et c'est une belle surprise : un tiers d'entre elles a créé une perle, et elles sont magnifiques ! Comme le rapporte Béatrice Brothier, bijoutière experte de l'histoire de la Perle de Tahiti, "sur les 276 Perles obtenues, 235 sont présentées à divers experts japonais, au bureau de la Nippon Pearls, à Tokyo, en mars 1964. Surpris par les couleurs et les qualités des perles, les experts concluent que 'les perles de Tahiti paraissaient susceptibles d'être promues au rang des bijoux de grande classe'. Les 'faiseurs de perles' devront cependant s'armer de beaucoup de patience et attendre encore près de 15 ans avant que la perle noire ne soit appréciée à sa juste valeur et adoptée par la haute joaillerie." L’expérience de Hikueru est reconduite avec succès à Bora Bora, ce qui ouvre la voie aux premières fermes perlières privées.
Comme relaté dans le livre "L'histoire de la Polynésie française en 101 dates", la première initiative privée est lancée en 1968. Domard s'associe à deux bijoutiers de la place Vendôme, Jacques et Aubert Rosenthal, et au journaliste Koko Chaze, pour créer la Société perlière de Manihi, aux Tuamotu. Ils produisent d'abord des demi-perles puis récoltent leur première perle ronde à Takapoto en 1970. C'est alors que commence l'âge des pionniers. Il faut encore beaucoup de courage pour se lancer dans un secteur encore incertain, mais ceux qui se lancent pendant cette décennie deviendront bientôt très, très riches...
Sauf qu'en Polynésie, Pinctada margaritifera est unique, de la variété cumingii. En décembre 1963, les huîtres greffées de Hikueru sont récoltées... Et c'est une belle surprise : un tiers d'entre elles a créé une perle, et elles sont magnifiques ! Comme le rapporte Béatrice Brothier, bijoutière experte de l'histoire de la Perle de Tahiti, "sur les 276 Perles obtenues, 235 sont présentées à divers experts japonais, au bureau de la Nippon Pearls, à Tokyo, en mars 1964. Surpris par les couleurs et les qualités des perles, les experts concluent que 'les perles de Tahiti paraissaient susceptibles d'être promues au rang des bijoux de grande classe'. Les 'faiseurs de perles' devront cependant s'armer de beaucoup de patience et attendre encore près de 15 ans avant que la perle noire ne soit appréciée à sa juste valeur et adoptée par la haute joaillerie." L’expérience de Hikueru est reconduite avec succès à Bora Bora, ce qui ouvre la voie aux premières fermes perlières privées.
Comme relaté dans le livre "L'histoire de la Polynésie française en 101 dates", la première initiative privée est lancée en 1968. Domard s'associe à deux bijoutiers de la place Vendôme, Jacques et Aubert Rosenthal, et au journaliste Koko Chaze, pour créer la Société perlière de Manihi, aux Tuamotu. Ils produisent d'abord des demi-perles puis récoltent leur première perle ronde à Takapoto en 1970. C'est alors que commence l'âge des pionniers. Il faut encore beaucoup de courage pour se lancer dans un secteur encore incertain, mais ceux qui se lancent pendant cette décennie deviendront bientôt très, très riches...
Car l'industrie explose au milieu des années 80 avec des fermes perlières qui se créent dans tous les archipels, sauf aux Marquises. En 1985, la Polynésie dépasse déjà les 100 millions de francs d'exportation de perles de culture... Dix ans plus tard, les exportations dépassent les 10 milliards de francs, pour atteindre un maximum de 21 milliards Fcfp en 2000 !
La perle de Tahiti subit ensuite une crise d'une décennie, provoquée par la surproduction et la baisse de qualité du produit, qui ne sera résolue que par la mise en place de quotas et de règles strictes sur le contrôle des perles et beaucoup de patience. Malgré tout, la perliculture reste aujourd'hui la deuxième source de devises du Pays derrière le tourisme, et assure toujours des milliers d'emplois.
La perle de Tahiti subit ensuite une crise d'une décennie, provoquée par la surproduction et la baisse de qualité du produit, qui ne sera résolue que par la mise en place de quotas et de règles strictes sur le contrôle des perles et beaucoup de patience. Malgré tout, la perliculture reste aujourd'hui la deuxième source de devises du Pays derrière le tourisme, et assure toujours des milliers d'emplois.
L'empire de Robert Wan
Comme relaté au Musée de la Perle de Robert Wan, c'est en 1974 que l'entrepreneur se lance dans la perliculture et rachète Tahiti Perles, une exploitation fraîchement créée dans l'archipel des Australes. "Dès ses premières greffes, il s'attache à développer des méthodes d'élevage scientifiques" assure une plaque dans le musée. "En 1982, il rachète l'atoll de Anuanuraro puis, quand Jean-Claude Brouillet se retire en 1984, son fleuron, l'atoll de Marutea Sud..."
L'entreprise progresse rapidement, et Robert Wan devient le plus gros producteur et exportateur de perles noires au monde, organisant dans les années 90 cinq ventes aux enchères par an à Hong Kong. Il lance également sa propre marque de bijoux, montant en gamme dans l'industrie du luxe, jusqu'à devenir la première fortune de Polynésie... Une place qu'il perd quand le prix de la perle commence à dévisser en 1998, ce qui conduit à un effondrement de tout le marché en 2002. Robert est même obligé d'arrêter toute sa production pendant six mois et de mettre 80% de ses salariés au chômage technique... Mais la remontée du marché sauvera l'empire Wan.
L'entreprise progresse rapidement, et Robert Wan devient le plus gros producteur et exportateur de perles noires au monde, organisant dans les années 90 cinq ventes aux enchères par an à Hong Kong. Il lance également sa propre marque de bijoux, montant en gamme dans l'industrie du luxe, jusqu'à devenir la première fortune de Polynésie... Une place qu'il perd quand le prix de la perle commence à dévisser en 1998, ce qui conduit à un effondrement de tout le marché en 2002. Robert est même obligé d'arrêter toute sa production pendant six mois et de mettre 80% de ses salariés au chômage technique... Mais la remontée du marché sauvera l'empire Wan.