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La Lettre de Nicolas Sarkozy aux Polynésiens


La Lettre de Nicolas Sarkozy aux Polynésiens
PARIS, 18 avr 2012 (AFP) - Trois jours avant le début du scrutin présidentiel dans une partie des outre-mer, Nicolas Sarkozy a présenté mercredi ses propositions sous forme de "lettres" aux ultramarins de l'Hexagone et à chacun des 11 territoires.

Voici la Lettre adressée aux Polynésiens


Mes chers compatriotes de Polynésie française,
Dans quelques jours, vous aurez à choisir la direction que vous souhaitez donner à notre pays pour les cinq années qui viennent en exerçant le plus sacré de vos droits en démocratie : celui de voter. Mon programme pour l’ensemble des Français est connu. Il s’applique, naturellement, en Polynésie pour les matières dans lesquelles l’État est compétent. Je tiens toutefois à prendre un certain nombre d’engagements complémentaires à votre endroit, car je connais bien les situations spécifiques auxquelles vous êtes parfois confrontés.
Notre monde a bien changé depuis que les Français m’ont fait le grand honneur de m’accorder leur confiance en 2007. Que ce soit sur le plan financier, budgétaire, économique, monétaire, nous avons eu à faire face à une succession de crises sans précédent dans notre histoire
Dans cette tourmente, les Français ont souffert. Et, en Polynésie, vous avez sans doute ressenti ces crises encore plus fortement que dans l’hexagone. J’en suis conscient. Mais tout au long de ces cinq années, j’ai essayé de vous protéger en donnant le meilleur de moi-même. J’ai vraiment fait de mon mieux, j’y ai mis tout ce que j’ai appris en trente ans de vie publique. Nous avons mieux résisté que les autres pays d’Europe. Certains pays ont mis un genou à terre, d’autres ont été balayés par les crises.
Ici, en Polynésie, vous avez aussi connu une instabilité politique qui a empêché le pays de mener à bien les réformes nécessaires dans un monde qui change de plus en plus vite. Au total, ce sont 13 gouvernements qui se sont succédé en 8 ans.C’est pourquoi l’urgence, c’était de rétablir la stabilité institutionnelle en Polynésie française et ainsi redonner du sens, de la cohérence et de la durée à l’action politique.
Les dispositions contenues dans la loi de 2011 donnent désormais à la Polynésie les moyens d’exercer convenablement son autonomie dans la République. Je pense notamment à celles qui rendent plus difficile un renversement de gouvernement, ou encore à la forte prime majoritaire qui fera que le gouvernement issu des urnes sera vraiment représentatif de ce que souhaite une majorité de Polynésiens.
Je me suis également attaché, durant ce quinquennat, à faire toute la transparence possible sur les sujets qui pouvaient crisper les relations entre la Polynésie et la France.
C’est ainsi que, dès 2007, j’ai souhaité que les conséquences des essais nucléaires sur la santé humaine soient reconnues et indemnisées. C’est le cas avec la loi du 5 janvier 2010, qui est une loi historique pour la Polynésie française. Le nouveau décret d’application de cette loi, qui lui permet de s’appliquer à l’ensemble de l’île de Tahiti et qui complète la liste des maladies rares, nous a permis de trouver un bon équilibre en la matière

C’est aussi la raison pour laquelle j’ai tenu à ce que l’ensemble des archives concernant POUVANAA A OOPA soit librement consultable par les historiens, y compris le fonds Foccart. J’ai d’ailleurs déjà répondu positivement à une demande de consultation qui m’a été faite par l’un de vos historiens. Nous verrons bien, à la lumière de ces archives, si un procès en révision se justifie.
Enfin, j’ai ressenti la plus grande fierté, ainsi que des millions de nos compatriotes, lorsque le 14 juillet dernier la Polynésie a été mise à l’honneur lors du défilé militaire sur les Champs-Élysées et qu’ont résonné à Paris le chant des « Tamarii Volontaires » et le puissant « haka » exécuté par nos militaires originaires du Fenua.
Enfin, j’ai constamment accompagné la Polynésie pour lui permettre d’exercer son autonomie. Dans un contexte de maîtrise indispensable de nos finances publiques, la principale dotation de l’État à la Polynésie a été à la fois sécurisée, rendue plus lisible et plus juste.
Elle est désormais votée chaque année par le Parlement, alors qu’elle relevait jusqu’à présent d’une simple convention avec la Polynésie, particulièrement fragile. J’ai également souhaité qu’une part de cette dotation soit consacrée à des dépenses d’investissement, c’est-à-dire à donner de l’activité aux entreprises de Polynésie et de l’emploi aux Polynésiens. Pour la rendre plus juste, j’ai voulu que les communes en bénéficient directement d’une partie, et
qu’elles retrouvent ainsi un peu d’autonomie financière par rapport au pays. Compte tenu de l’état de la trésorerie du pays, je suis prêt à ce que l’État préfinance les opérations d’investissement afin que vos entreprises puissent se remettre rapidement à travailler.
Je souhaite désormais que nous retrouvions des relations de travail plus apaisées avec le gouvernement de Polynésie, au service du développement économique et de l’emploi. Derrière les faux débats et les invectives lancés ici ou là, il y a une réalité sociale en Polynésie à laquelle je suis très attentif et qui, pour tout dire, me préoccupe. En cinq ans, ce sont plus de 5 500 emplois qui ont été détruits en Polynésie, tandis que les bons alimentaires ont été multipliés par cinq.
C’est la raison pour laquelle je souhaite proposer, dans l’année qui suivra mon élection, une grande loi pour le développement économique et social de la Polynésie française. Celle-ci sera déposée au Parlement après une étroite concertation avec vous. Je discuterai des grandes options à retenir avec tous ceux qui le voudront en Polynésie, et je souhaite que le gouvernement local y prenne toute sa place. Mais une chose est certaine :
je suis déterminé à prendre mes responsabilités pour que la Polynésie retrouve le chemin de la croissance et de l’emploi. Vous avez des ressources extraordinaires, des savoir-faire immenses, un positionnement géostratégique au cœur du Pacifique qui concentrera bientôt
50 % des échanges commerciaux dans le monde, une culture et une histoire d’une très grande richesse. Vos atouts sont donc réels, il n’est pas normal que la Polynésie se retrouve dans la situation dans laquelle elle est aujourd’hui.

Je suis prêt à mettre l’ensemble des sujets sur la table lors des discussions qui prépareront cette loi, qui fixera les grandes orientations économiques et sociales pour la Polynésie sur les 15 ou 20 prochaines années. Il nous faut relancer, avec le pays, l’emploi et la formation des jeunes. Il nous faut construire davantage de logements, notamment pour les foyers les plus modestes. Il nous faut mieux accompagner la Protection sociale généralisée, notamment via le Régime de Solidarité. Il nous faut définir les contours d’une caisse de retraite complémentaire pour les fonctionnaires des trois fonctions publiques. Il nous faut moderniser l’aéroport de FAA, et reconvertir les sites militaires et les atolls de MURUROA et de HAO. Il nous faut régler le problème du
foncier par la création d’un tribunal qui aura les moyens de rendre des décisions dans des délais raisonnables. Il nous faut choisir les deux ou trois grandes orientations économiques sur lesquelles l’État et le pays concentrent leurs compétences pour relancer l’activité et l’emploi.
Vous connaissez, en outre, mon attachement à la défiscalisation qui est un levier de croissance indispensable pour la Polynésie. Je souhaite désormais que les services de l’État puissent instruire localement les dossiers de défiscalisation allant jusqu’à 360 millions de francs pacifique, contre 180 millions aujourd’hui. Concrètement, cela veut dire que nous allons multiplier par deux les marges de manœuvre laissées aux services locaux, ce
qui donnera de l’air aux entrepreneurs et donc à l’emploi.

S’agissant de l’emploi, je n’oublie pas qu’une part significative de ceux qui travaillent en Polynésie relève de la fonction publique. Là aussi, il faut changer totalement la logique dans laquelle on s’était enfermé depuis des années. C’est pourquoi je souhaite proposer l’instauration d’une priorité régionale dans la fonction publique. Je veux que davantage de Polynésiens accèdent à des responsabilités au sein des services de l’État, pour que
la haute fonction publique soit plus représentative de votre territoire.
J’ouvrirai donc des concours spécifiques en Polynésie lorsque l’État aura besoin de recruter des nouveaux agents, y compris de catégorie A. Tous les postes soumis à concours seront concernés par cette « priorité de première affectation » : police, santé,préfecture…
S’agissant plus spécifiquement des enseignants, je souhaite que la convention entre le Ministère de l’Éducation nationale et le gouvernement de Polynésie soit clarifiée pour que les affectations de professeurs, notamment stagiaires, se fassent dans de meilleures conditions. Des décisions récentes ont pu faire naître de la frustration, voire de la colère. Il nous faut clarifier les choses sur ce point, pour que les enseignants ne fassent plus les frais de ces zones d’ombre. Je souhaite aussi rassurer les enseignants et les parents d’élèves :
compte tenu notamment de la situation de trésorerie du pays, je considère que l’État doit continuer à verser directement les salaires des enseignants.
Mais il y a une étape de plus à franchir : je souhaite permettre un retour plus facile sur le Fenua des fonctionnaires polynésiens en poste dans l’hexagone. Pour cela, je propose que la moitié des postes de fonctionnaires qui doivent être pourvus par mutation le soient par la CAP locale, alors que l’autre moitié continuera à l’être par la CAP nationale.
Mes chers compatriotes, j’appartiens à une famille politique qui n’a jamais été ambiguë sur son attachement à ce que la Polynésie demeure avec la France. Je n’oublie pas ce que la France doit à la Polynésie, et je sais qu’une large majorité des Polynésiens partage ce point de vue. Je ne suis l’allié d’aucun parti indépendantiste, ni ici en Polynésie, ni ailleurs. Bien au contraire, je veux remercier l’ensemble des familles autonomistes de m’avoir apporté leur soutien dès le premier tour de cette élection. À une élection présidentielle, il faut être clair sur la direction que l’on souhaite faire prendre à la France et à la
Polynésie. Je le suis, et j’ai mis mes actes en conformité avec mes convictions. Vous savez pouvoir compter sur mon engagement résolu à ce sujet.
Je ne suis pas là pour vous dire ce que vous avez à faire, je suis là pour accompagner vos projets car je crois à la richesse de votre territoire et aux talents des hommes et des femmes qui y vivent. Je suis aussi là pour vous protéger lorsque vous en avez besoin. J’aurai le plus
grand plaisir à venir vous le dire directement dès que possible au cours de mon prochain
mandat si les Français me renouvellent leur confiance.
Je vous ai toujours dit la vérité car c’est ma manière de vous respecter et, pourquoi ne pas le dire, de vous aimer.
Vive la Polynésie française, vive la République, et vive la France !

Rédigé par () le Mercredi 18 Avril 2012 à 06:37 | Lu 2542 fois