Paris, France | AFP | mercredi 10/04/2019 - La première image d'un trou noir révélée mercredi par la collaboration internationale Event Horizon Telescope (EHT) constitue "la preuve la plus directe" jamais obtenue "de leur l'existence", explique l'un des scientifiques ayant participé à cette découverte. Frédéric Gueth, astronome au CNRS et directeur adjoint de l'Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM), détaille cette première.
Q: Une image d'un trou noir, comment un tel exploit a-t-il été possible ?
R: Lors des observations de l'Event Horizon Telescope (EHT), tous les télescopes millimétriques de la planète se sont mis ensemble pour faire la même observation, rigoureusement en même temps. En combinant les télescopes, une technique appelée interférométrie, on obtient une antenne virtuelle qui aurait la taille de la Terre.
Le millimétrique s'avère être la meilleure longueur d'onde pour l'étude des trous noirs. Ce type d'ondes passent à travers le nuage de poussière qui entoure le trou noir. Ce qui n'est pas le cas, par exemple, de l'infrarouge.
Q: Que voit-on sur l'image révélée mercredi ?
R: Par définition, un trou noir ne peut pas être observé. Et on ne pourra jamais. Mais nous savons que le disque d'accrétion, la matière qui entoure le trou noir -- du gaz extrêmement chaud, que nous appelons plasma, des restes d'étoiles déchiquetées par l'environnement gravitationnel -- est relativement brillant. Tant qu'elle n'a pas été avalée par le trou noir, cette matière peut être détectée. L'idée était donc d'observer le trou noir par contraste.
Ce que l'on voit sur l'image, c'est l'ombre de la limite +de non retour+ (baptisée l'horizon des évènements) du trou noir sur le disque d'accrétion brillant. L'horizon des évènements est un peu plus petit que l'ombre. Et le trou noir est à l'intérieur de l'horizon des évènements.
Ces observations ont permis de déterminer que le trou noir supermassif de la galaxie M87 avait une masse 6,5 (± 0,7) milliards de masse solaire. Un rayon de 22 microsecondes d'arc. Et qu'il tournait dans le sens des aiguilles d'une montre. Depuis la Terre, nous le voyons par au dessus, à 60°.
Q: Et maintenant ?
R: Comme cela a très bien marché en 2017, c'est clair que nous allons recommencer ! Et l'Event Horizon Telescope va encore évoluer dans les années qui viennent. Notamment avec l'arrivée de nouveaux télescopes dans la collaboration: Noema, la deuxième station le plus sensible, implantée sur le plateau de Bure, dans les Alpes françaises, et le Greenland Telescope (Groenland).
Cette image confirme de manière éclatante les modèles des trous noirs en rotation. On observe exactement ce qui était prévu. Cela fait plaisir.
L'enjeu maintenant va être de réussir à définir la densité exacte de la matière qu'il y a autour du trou noir, de mieux comprendre le champ magnétique dont le rôle est phénoménal ou la façon dont la matière dans le disque tourne...
Propos recueillis par Laurence COUSTAL
Q: Une image d'un trou noir, comment un tel exploit a-t-il été possible ?
R: Lors des observations de l'Event Horizon Telescope (EHT), tous les télescopes millimétriques de la planète se sont mis ensemble pour faire la même observation, rigoureusement en même temps. En combinant les télescopes, une technique appelée interférométrie, on obtient une antenne virtuelle qui aurait la taille de la Terre.
Le millimétrique s'avère être la meilleure longueur d'onde pour l'étude des trous noirs. Ce type d'ondes passent à travers le nuage de poussière qui entoure le trou noir. Ce qui n'est pas le cas, par exemple, de l'infrarouge.
Q: Que voit-on sur l'image révélée mercredi ?
R: Par définition, un trou noir ne peut pas être observé. Et on ne pourra jamais. Mais nous savons que le disque d'accrétion, la matière qui entoure le trou noir -- du gaz extrêmement chaud, que nous appelons plasma, des restes d'étoiles déchiquetées par l'environnement gravitationnel -- est relativement brillant. Tant qu'elle n'a pas été avalée par le trou noir, cette matière peut être détectée. L'idée était donc d'observer le trou noir par contraste.
Ce que l'on voit sur l'image, c'est l'ombre de la limite +de non retour+ (baptisée l'horizon des évènements) du trou noir sur le disque d'accrétion brillant. L'horizon des évènements est un peu plus petit que l'ombre. Et le trou noir est à l'intérieur de l'horizon des évènements.
Ces observations ont permis de déterminer que le trou noir supermassif de la galaxie M87 avait une masse 6,5 (± 0,7) milliards de masse solaire. Un rayon de 22 microsecondes d'arc. Et qu'il tournait dans le sens des aiguilles d'une montre. Depuis la Terre, nous le voyons par au dessus, à 60°.
Q: Et maintenant ?
R: Comme cela a très bien marché en 2017, c'est clair que nous allons recommencer ! Et l'Event Horizon Telescope va encore évoluer dans les années qui viennent. Notamment avec l'arrivée de nouveaux télescopes dans la collaboration: Noema, la deuxième station le plus sensible, implantée sur le plateau de Bure, dans les Alpes françaises, et le Greenland Telescope (Groenland).
Cette image confirme de manière éclatante les modèles des trous noirs en rotation. On observe exactement ce qui était prévu. Cela fait plaisir.
L'enjeu maintenant va être de réussir à définir la densité exacte de la matière qu'il y a autour du trou noir, de mieux comprendre le champ magnétique dont le rôle est phénoménal ou la façon dont la matière dans le disque tourne...
Propos recueillis par Laurence COUSTAL