Un portrait de John Bates Thurston, l’homme qui sauva Fidji du Ku Klux Klan.
Tahiti, le 23 janvier 2020 - L’odieux mouvement suprémaciste blanc né en 1865 à la fin de la guerre de Sécession dans le sud des États-Unis a engendré, quelques années plus tard, une sinistre filiale aux îles Fidji. Le consul britannique alors en place, Edward March, en fut un zélé soutien, un protecteur, un inspirateur et un fervent –mais discret– appui tandis que l’ancien consul, devenu Premier ministre du roi Cakobau, réussit à détruire ce mouvement. Retour sur une période sombre de la colonisation de cet archipel...
Le Ku Klux Klan en plein cœur de l’Océanie, avouez que cela a de quoi surprendre. Les faits sont pourtant avérés,même si l’his- toire officielle, écrite par les Bri- tanniques, ne s’est guère attardée sur cet épisode somme toute hon- teux du passé ; à l’époque, trois mille Blancs environ vivaient aux Fidji, Européens (très majoritai- rement des Britanniques), Aus- traliens (donc Britanniques aussi à l’époque) et Américains. Il est vrai que l’archipel offrait bien des centres d’intérêt depuis des décen- nies aux santaliers, baleiniers, col- lecteurs d’holothuries et d’écailles de tortues. Mais avant d’évoquer ce Ku Klux Klan tropicalisé, revenons en quelques lignes sur l’origine même de ce mouvement raciste américain.
Le Ku Klux Klan a vu le jour dans la nuit du 24 au 25 décembre 1865 aux Etats-Unis, dans la petite ville de Pulaski, dans le Tennessee. Quelques officiers sudistes avaient plus que du mal à digérer la défaite des troupes confédérées du sud face aux unionistes du nord et n’ac- ceptaient pas que les Noirs soient libres.
Aux îles Fidji, l’archipel était depuis toujours la proie de querelles cla- niques incessantes, de guerres tri- bales et la réputation d’îles aux cannibales des Fidji n’était pas usurpée. Face à cette insécurité permanente, faute d’interlocuteur reconnu par tous, petit à petit, un chef, Ratu Seru Epenisa Cakobau, sembla imposer son autorité bien au-delà de son seul clan et de sa seule île de Bau. Dès 1854, sous l’influence du missionnaire James Calvert, Cakobau avait renoncé au cannibalisme et était devenu chré- tien. Ce fut le début de son irrésis- tible ascension jusqu’au trône.
Le Ku Klux Klan a vu le jour dans la nuit du 24 au 25 décembre 1865 aux Etats-Unis, dans la petite ville de Pulaski, dans le Tennessee. Quelques officiers sudistes avaient plus que du mal à digérer la défaite des troupes confédérées du sud face aux unionistes du nord et n’ac- ceptaient pas que les Noirs soient libres.
Aux îles Fidji, l’archipel était depuis toujours la proie de querelles cla- niques incessantes, de guerres tri- bales et la réputation d’îles aux cannibales des Fidji n’était pas usurpée. Face à cette insécurité permanente, faute d’interlocuteur reconnu par tous, petit à petit, un chef, Ratu Seru Epenisa Cakobau, sembla imposer son autorité bien au-delà de son seul clan et de sa seule île de Bau. Dès 1854, sous l’influence du missionnaire James Calvert, Cakobau avait renoncé au cannibalisme et était devenu chré- tien. Ce fut le début de son irrésis- tible ascension jusqu’au trône.
Création d’un royaume unifié
Le roi Cakobau (photo de Francis H. Dufty) ; l’ancien cannibale était devenu chrétien et composait volontiers avec les planteurs et autres colons, mais la couleur de sa peau ne plaisait pas à ceux qui adhérèrent au Klan en 1871.
Le boom du prix du coton lié à la Guerre de Sécession aux Etats pas encore unis, les crises économiques et sociales en Europe, la promesse d’une vie facile dans les Mers de Sud avaient attiré sur les côtes fidjiennes nombre d’Occidentaux désireux de faire fortune ; tous les moyens étaient bons pour acquérir des terres : alcool, armes, ou plus simplement violence.
A l’époque, deux personnages influents étaient très proches du roi aux Fidji : il s’agissait de John Bates Thurston (31 janvier 1836-7 février 1897), consul honoraire de Grande-Bretagne en 1871 (il avait été consul en poste -par intérim- de 1869 à 1871 comme consul des Fidji et des Tonga) et de George Austin Woods (1828-1905), arrivé de Nouvelle-Zélande aux Fidji en février 1871.
Les deux hommes savaient que les Européens, majoritairement des Britanniques, ne gagneraient rien à ce qu’un conflit ouvert les oppose aux Fidjiens et pour eux, le pays, dirigé par un seul homme, en l’occurrence Cakobau, permettait d’offrir aux planteurs des garanties dans la mesure où son gouvernement serait constitué essentiellement d’Européens. En juin 1871, Thurston parvint à convaincre les planteurs qu’une alliance entre eux et celui qu’il souhaitait voir devenir roi garantirait un avenir serein à leurs affaires. En échange, les chefs fidjiens auraient de leur côté la garantie que leur archipel conserverait son indépendance. Le marché fut conclu, une monarchie constitutionnelle fut instaurée ; le nouveau monarque, sans pouvoir réel, avait à son service un gouvernement favorable aux planteurs et constitué de nombre d’entre eux. C’est ainsi que l’on retrouva George Austin Woods éphémère Premier ministre, puis ministre des Terres et du Travail et même ministre des Affaires indigènes dans la foulée.
Sous l’égide de Thurston, Cakobau créa une assemblée législative ethniquement mixte, au sein de laquelle n’importe quel résident des Fidji pouvait être élu (Fidjien d’origine ou Européen).
Mais dès 1869, un grain de sable s’était introduit dans ces rouages apparemment bien huilés : Thurston, d’origine catholique, n’avait jamais été aimé des protestants qui avaient manœuvré pour faire nommer un nouveau consul, E. B. March ; et lui, en sous-main, faillit bien renverser le roi...
A l’époque, deux personnages influents étaient très proches du roi aux Fidji : il s’agissait de John Bates Thurston (31 janvier 1836-7 février 1897), consul honoraire de Grande-Bretagne en 1871 (il avait été consul en poste -par intérim- de 1869 à 1871 comme consul des Fidji et des Tonga) et de George Austin Woods (1828-1905), arrivé de Nouvelle-Zélande aux Fidji en février 1871.
Les deux hommes savaient que les Européens, majoritairement des Britanniques, ne gagneraient rien à ce qu’un conflit ouvert les oppose aux Fidjiens et pour eux, le pays, dirigé par un seul homme, en l’occurrence Cakobau, permettait d’offrir aux planteurs des garanties dans la mesure où son gouvernement serait constitué essentiellement d’Européens. En juin 1871, Thurston parvint à convaincre les planteurs qu’une alliance entre eux et celui qu’il souhaitait voir devenir roi garantirait un avenir serein à leurs affaires. En échange, les chefs fidjiens auraient de leur côté la garantie que leur archipel conserverait son indépendance. Le marché fut conclu, une monarchie constitutionnelle fut instaurée ; le nouveau monarque, sans pouvoir réel, avait à son service un gouvernement favorable aux planteurs et constitué de nombre d’entre eux. C’est ainsi que l’on retrouva George Austin Woods éphémère Premier ministre, puis ministre des Terres et du Travail et même ministre des Affaires indigènes dans la foulée.
Sous l’égide de Thurston, Cakobau créa une assemblée législative ethniquement mixte, au sein de laquelle n’importe quel résident des Fidji pouvait être élu (Fidjien d’origine ou Européen).
Mais dès 1869, un grain de sable s’était introduit dans ces rouages apparemment bien huilés : Thurston, d’origine catholique, n’avait jamais été aimé des protestants qui avaient manœuvré pour faire nommer un nouveau consul, E. B. March ; et lui, en sous-main, faillit bien renverser le roi...
Un KKK semi-clandestin
En juin 1871, alors que le gouvernement de Cakobau était formé, une organisation semi-secrète voyait le jour ; elle se baptisa Ku Klux Klan, revendiquant la même idéologie que le Klan américain, à savoir la suprématie des Blancs et le renversement du « roi noir ».
Né à Levuka, alors capitale des Fidji, ce KKK océanien regroupa autour de lui et sous sa bannière tous les Européens racistes forcenés. Le mouvement fut baptisé Ku Klux Klan sur l’initiative d’un adhérent américain, mais la majorité des adhérents était des Britanniques. Comme dans les petites villes du sud des Etats-Unis, ses membres ne se cachaient pas vraiment et le consul britannique March apparut, avec une relative discrétion tout de même, comme le principal soutien de l’organisation.
Le Klan naquit au terme d’un bruyant meeting qui se tint dans un local baptisé Keyse’Place. Les membres firent le serment de s’opposer au gouvernement de Cakobau, de le boycotter, de refuser de payer des taxes, de garder le secret sur leurs débats et de porter des armes à feu. Keyse’Place, un hôtel construit sur pilotis, devint le siège du KKK et il fut décidé de fortifier le bâtiment.
Après les « belles » paroles, les actes : début 1872, le Klan rassembla ses troupes pour passer à l’action. Sous serment, il fut décidé de condamner les ministres du gouvernement du roi (ministres pour la plupart britanniques). Deux de ces ministres vinrent à une assemblée du KKK pour ne récolter que des invectives : le Premier ministre Sydney C. Burt, qui avait rédigé la constitution, et Georges Austin Woods, ministre des Terres et du Travail.
Né à Levuka, alors capitale des Fidji, ce KKK océanien regroupa autour de lui et sous sa bannière tous les Européens racistes forcenés. Le mouvement fut baptisé Ku Klux Klan sur l’initiative d’un adhérent américain, mais la majorité des adhérents était des Britanniques. Comme dans les petites villes du sud des Etats-Unis, ses membres ne se cachaient pas vraiment et le consul britannique March apparut, avec une relative discrétion tout de même, comme le principal soutien de l’organisation.
Le Klan naquit au terme d’un bruyant meeting qui se tint dans un local baptisé Keyse’Place. Les membres firent le serment de s’opposer au gouvernement de Cakobau, de le boycotter, de refuser de payer des taxes, de garder le secret sur leurs débats et de porter des armes à feu. Keyse’Place, un hôtel construit sur pilotis, devint le siège du KKK et il fut décidé de fortifier le bâtiment.
Après les « belles » paroles, les actes : début 1872, le Klan rassembla ses troupes pour passer à l’action. Sous serment, il fut décidé de condamner les ministres du gouvernement du roi (ministres pour la plupart britanniques). Deux de ces ministres vinrent à une assemblée du KKK pour ne récolter que des invectives : le Premier ministre Sydney C. Burt, qui avait rédigé la constitution, et Georges Austin Woods, ministre des Terres et du Travail.
Demande de soumission du roi au Klan
Une députation fut ensuite formée pour demander au roi de se soumettre aux vœux du Klan tout en exigeant, en prime, la démission du ministre Burt. Le tout avec la bénédiction et les encouragements de March, un consul décidément pas ordinaire. L’idée du KKK était d’imposer en réalité à Cakobau un retour aux urnes, dans l’espoir que les membres du Klan, en supervisant les élections à leur manière, rafleraient plus de sièges et obtiendraient même des postes de ministres. March, comme les membres officiels du Klan, refusèrent d’ailleurs d’appeler Cakobau par son titre, se contentant avec mépris de le ramener au seul rang de « chef de l’île de Bau ».
Cakobau fut peut-être longtemps seulement chef de Bau, mais bien installé sur son trône, il considéra les exigences du Klan comme émanant d’une populace ne méritant aucune attention. La délégation fut donc renvoyée.
Le Klan ne perdant rien de son arrogance décida d’élargir sa base, sachant que le trois lettres KKK ne permettraient pas de mobiliser les foules (tout les Blancs n’étaient pas des racistes extrémistes). Pour cela il fallait gagner à sa cause des éléments plus modérés de la société civile. Le Klan créa donc la British Planters Mutual Protection Society, aux apparences plus présentables, et surtout un Volunteer Corps, une sorte de milice. Le ministre Burt n’était pas aimé de beaucoup de colons et ceux-ci adhérèrent donc volontiers à la nouvelle Society. Les menaces d’un Klan se considérant désormais comme beaucoup plus fort se firent plus agressives, laissant entendre que le clash entre le gouvernement et les colons ne pourrait pas se faire sans conflit armé.
Autour de Keyse’Place, circulaient en permanence des groupes d’hommes en armes, mais Cakobau, bien conseillé, fit installer une batterie de canons sur la colline de Niukaudi, qui dominait la place forte du Klan. Les deux camps se faisaient face, à la merci du moindre incident. Des deux côtés, on assurait que des troupes de Fidjiens et de Tongiens étaient entraînées de nuit par les protagonistes. Le conflit était désormais inévitable, mais il allait avoir lieu d’une manière que le Klan n’avait pas prévu...
Cakobau fut peut-être longtemps seulement chef de Bau, mais bien installé sur son trône, il considéra les exigences du Klan comme émanant d’une populace ne méritant aucune attention. La délégation fut donc renvoyée.
Le Klan ne perdant rien de son arrogance décida d’élargir sa base, sachant que le trois lettres KKK ne permettraient pas de mobiliser les foules (tout les Blancs n’étaient pas des racistes extrémistes). Pour cela il fallait gagner à sa cause des éléments plus modérés de la société civile. Le Klan créa donc la British Planters Mutual Protection Society, aux apparences plus présentables, et surtout un Volunteer Corps, une sorte de milice. Le ministre Burt n’était pas aimé de beaucoup de colons et ceux-ci adhérèrent donc volontiers à la nouvelle Society. Les menaces d’un Klan se considérant désormais comme beaucoup plus fort se firent plus agressives, laissant entendre que le clash entre le gouvernement et les colons ne pourrait pas se faire sans conflit armé.
Autour de Keyse’Place, circulaient en permanence des groupes d’hommes en armes, mais Cakobau, bien conseillé, fit installer une batterie de canons sur la colline de Niukaudi, qui dominait la place forte du Klan. Les deux camps se faisaient face, à la merci du moindre incident. Des deux côtés, on assurait que des troupes de Fidjiens et de Tongiens étaient entraînées de nuit par les protagonistes. Le conflit était désormais inévitable, mais il allait avoir lieu d’une manière que le Klan n’avait pas prévu...
Armés, baïonnette au canon
Smith était un planteur blanc qui n’aimait guère les Fidjiens et qui se permit, bien dans l’esprit du Klan, de tuer un chef local. Confiant en son impunité, il descendit à Lavuka au vu et au su de tous et prit une chambre à l’hôtel Criterion, une provocation destinée à montrer que le gouvernement n’oserait pas s’en prendre à lui.
Pour le Klan, c’était une occasion en or d’aider Smith à braver l’autorité du roi, le consul britannique March donnant son feu vert afin que trente hommes en armes du KKK, baïonnette au canon, tiennent des piquets de surveillance destinés à empêcher l’arrestation de Smith. Le Klan tenait là, pensait-il, le déclencheur d’une vraie guerre des Blancs contre les Noirs. Sauf que les éléments modérés de la colonie jugèrent cette provocation du Klan disproportionnée et bien trop dangereuse pour leurs affaires ; laisser le Klan prendre les armes et l’emporter, c’était voir les navires de commerce éviter les ports fidjiens pendant longtemps.
Une trentaine de ces modérés s’allièrent alors aux forces de police et cette troupe parvint sans heurt, compte tenu de sa supériorité numérique, à arrêter les membres armés du Klan gardant le Criterion et, dans la foulée, à mettre en prison le dénommé Smith.
Cakobau lui-même intervint, sommant les KKK de rentrer dans le rang, ce que les rebelles traduisirent par une déclaration de guerre, guerre évidemment raciale. Burt, lui, préféra démissionner pour tenter d’apaiser les tensions. Ce qui contenta beaucoup de ses adversaires qui, du coup, satisfaits de ce départ, cessèrent de supporter le Klan, jugé par trop extrémiste.
Pour le Klan, c’était une occasion en or d’aider Smith à braver l’autorité du roi, le consul britannique March donnant son feu vert afin que trente hommes en armes du KKK, baïonnette au canon, tiennent des piquets de surveillance destinés à empêcher l’arrestation de Smith. Le Klan tenait là, pensait-il, le déclencheur d’une vraie guerre des Blancs contre les Noirs. Sauf que les éléments modérés de la colonie jugèrent cette provocation du Klan disproportionnée et bien trop dangereuse pour leurs affaires ; laisser le Klan prendre les armes et l’emporter, c’était voir les navires de commerce éviter les ports fidjiens pendant longtemps.
Une trentaine de ces modérés s’allièrent alors aux forces de police et cette troupe parvint sans heurt, compte tenu de sa supériorité numérique, à arrêter les membres armés du Klan gardant le Criterion et, dans la foulée, à mettre en prison le dénommé Smith.
Cakobau lui-même intervint, sommant les KKK de rentrer dans le rang, ce que les rebelles traduisirent par une déclaration de guerre, guerre évidemment raciale. Burt, lui, préféra démissionner pour tenter d’apaiser les tensions. Ce qui contenta beaucoup de ses adversaires qui, du coup, satisfaits de ce départ, cessèrent de supporter le Klan, jugé par trop extrémiste.
Le Klan déclenche les hostilités
Cependant le KKK, avec l’affaire Smith, avait, en quelque sorte, presque goûté au sang, à l’ivresse de la rébellion armée et le départ de Burt lui fit exiger celui du bras droit de Cakobau, John Bates Thurston, alors Premier ministre de son gouvernement. Thurston, ferme mais respectueux des Fidjiens, avait été très populaire, notamment lorsqu’il fut, avant March, de 1867 à 1869, consul de Grande-Bretagne par intérim des Fidji et des Tonga. Il n’était pas question pour lui de démissionner et de laisser sa place à un membre du Klan.
C’est à ce moment-là qu’entra en scène un invité surprise, en l’occurrence le navire de guerre britannique HMS Cossack, une chance aux yeux du Klan de montrer que Cakobau n’était pas capable de gouverner le pays.
H. J. Beatson, alors vice-président de la fameuse British’s Planters Mutual Protection Societyet membre éminent du KKK, prit l’initiative d’adresser une lettre injurieuse au Chief Justice(le Garde des Sceaux) alors que le même jour, deux membres du Klan avaient été arrêtés et mis en prison à la suite d’une bagarre en ville. La tension, du fait de ces deux événements, fut telle que les magasins et entrepôts fermèrent leurs portes, les femmes étant conduites hors de la cité. Il était temps car trois tirs avec un petit canon, émanant de Keyse’s House, donnèrent au Klan le signal du déclenchement des hostilités.
C’est à ce moment-là qu’entra en scène un invité surprise, en l’occurrence le navire de guerre britannique HMS Cossack, une chance aux yeux du Klan de montrer que Cakobau n’était pas capable de gouverner le pays.
H. J. Beatson, alors vice-président de la fameuse British’s Planters Mutual Protection Societyet membre éminent du KKK, prit l’initiative d’adresser une lettre injurieuse au Chief Justice(le Garde des Sceaux) alors que le même jour, deux membres du Klan avaient été arrêtés et mis en prison à la suite d’une bagarre en ville. La tension, du fait de ces deux événements, fut telle que les magasins et entrepôts fermèrent leurs portes, les femmes étant conduites hors de la cité. Il était temps car trois tirs avec un petit canon, émanant de Keyse’s House, donnèrent au Klan le signal du déclenchement des hostilités.
Douglas choisit d’aider Cakobau
Dessin paru dans le Harper's Magazine d'octobre 1874 critiquant l'alliance de la White League et du Ku Klux Klan contre la reconstruction du Sud.
Thurston s’était préparé et face aux insurgés, il aligna deux cents hommes, policiers et civils armés. Les bâtiments officiels et gouvernementaux furent occupés et ainsi gardés et protégés. Les « soldats » du KKK s’agitèrent certes beaucoup, mais pour pas grand-chose. Fort de ce premier succès, Thurston ordonna que tous les membres du Klan soient arrêtés et que soient tués ceux qui refuseraient ou résisteraient. La peur changea de camp. Les rebelles quittèrent le centre-ville et se réfugièrent dans leur quartier général. Thurston savait qu’il n’avait pas les moyens d’organiser et de tenir un long siège. Il fit amener toute l’artillerie dont il disposait sur les sites dominant le Klan ; celui-ci de son côté ne disposait évidemment pas suffisamment d’armement lourd.
A bord de son navire, le capitaine Douglas, commandant du Cossack, avait suivi l’affaire de près, voulant savoir si le gouvernement de Cakobau était dans la capacité -ou non- de gouverner ; face à la détermination de Thurston, Douglas s’estima fixé et envoya un de ses officiers demander à Thurston de ne pas canonner les KKK jusqu’au lendemain matin. Il en envoya un autre parlementer avec les insurgés et leur meneur, Beatson (March n’était jamais en première ligne bien entendu), les sommant de rendre les armes. Un massacre inutile fut ainsi évité et surtout, le Klan perdit la face, ne pouvant plus se vanter de son invincibilité face aux autorités. Le « roi noir » avait été plus fort que les « grands Blancs »...
A bord de son navire, le capitaine Douglas, commandant du Cossack, avait suivi l’affaire de près, voulant savoir si le gouvernement de Cakobau était dans la capacité -ou non- de gouverner ; face à la détermination de Thurston, Douglas s’estima fixé et envoya un de ses officiers demander à Thurston de ne pas canonner les KKK jusqu’au lendemain matin. Il en envoya un autre parlementer avec les insurgés et leur meneur, Beatson (March n’était jamais en première ligne bien entendu), les sommant de rendre les armes. Un massacre inutile fut ainsi évité et surtout, le Klan perdit la face, ne pouvant plus se vanter de son invincibilité face aux autorités. Le « roi noir » avait été plus fort que les « grands Blancs »...
Ultime protestation du KKK
Nathan Bedford Forrest (1821- 1877), ancien général sudiste, fut le premier “Grand Sorcier” du Ku Klux Klan aux Etats-Unis. Le 12 avril 1864, pendant la Guerre de sécession, il avait ordonné le massacre de plusieurs centaines de soldats noirs de l’armée du Nord à Fort Pilow.
Du côté des planteurs, hors la ville, beaucoup alors se plaignirent des actions de la minorité ayant adhéré au Klan et qui, selon eux, jetait le discrédit sur tout le pays. Même certains pro-Klan changèrent et d’opinion et d’avis, demandant le rétablissement et le respect de l’ordre et de la loi.
Le Ku Klux Klan avait perdu. Les insurgés déposèrent les armes, non sans tenir un ultime meeting, dénonçant le fait que Thusrton, un Blanc, ait eu recours à des troupes de Fidjiens contre eux qui étaient aussi des Blancs. Ils adressèrent même au capitaine Douglas une lettre de protestation contre Thurston, mais le marin leur fit répondre que la cause était entendue.
Une phrase de cette réponse sonna comme le coup de grâce pour le Klan : « lorsque des citoyens britanniques vivent à l’étranger, ils doivent obéir aux lois de ce pays ». Sous-entendu, ni Londres, ni en définitive Washington ne soutiendraient un tel mouvement et ses revendications raciales...
Le Ku Klux Klan se le tint pour dit et ne fit plus jamais reparler de lui aux îles Fidji. Quant au HMS Cossack, il quitta l’archipel en septembre 1872. L’épisode du Klan avait duré tout de même un an !
Le Ku Klux Klan avait perdu. Les insurgés déposèrent les armes, non sans tenir un ultime meeting, dénonçant le fait que Thusrton, un Blanc, ait eu recours à des troupes de Fidjiens contre eux qui étaient aussi des Blancs. Ils adressèrent même au capitaine Douglas une lettre de protestation contre Thurston, mais le marin leur fit répondre que la cause était entendue.
Une phrase de cette réponse sonna comme le coup de grâce pour le Klan : « lorsque des citoyens britanniques vivent à l’étranger, ils doivent obéir aux lois de ce pays ». Sous-entendu, ni Londres, ni en définitive Washington ne soutiendraient un tel mouvement et ses revendications raciales...
Le Ku Klux Klan se le tint pour dit et ne fit plus jamais reparler de lui aux îles Fidji. Quant au HMS Cossack, il quitta l’archipel en septembre 1872. L’épisode du Klan avait duré tout de même un an !
« British » au final...
Si la British Mutual Planter’s Protection Society continua certes à s’opposer au gouvernement, plus personne ne s’avisa de prendre les armes contre Cakobau ou son gouvernement. Le racisme de certains Anglo-Saxons blancs envers les Fidjiens « noirs » fut certes loin d’être éradiqué, mais du moins le KKK ne prit-il pas le pouvoir pour faire régner un ordre suprémaciste et raciste sur cet archipel océanien... Malheureusement pour Cakobau, faute d’une gestion saine de son pays, il se vit forcé de demander, en 1872, le rattachement des Fidji à la couronne britannique. Ce qui fut formalisé le 10 octobre 1874.
Sir John Bates Thurston : La poisse avant la réussite
En 1879, John Thusrton invita un botaniste à venir depuis l’île Maurice pour l’aider à créer un jardin botanique au centre de Suva. Les Botanical Gardens de Fidji changèrent de nom en 1979 pour devenir les Thurston Gardens, en hommage à l’homme qui avait, entre autres, sauvé Fidji du Ku Klux Klan.
Né à Londres le 31 janvier 1836, dans une famille catholique, John Bates Thurston entra à quatorze ans dans la marine ; il devint officier en 1855 mais, victime du choléra, il fut obligé d’abandonner sa carrière. Il s’installa en Australie pour reprendre des forces et devint éleveur de moutons avant que sa ferme ne soit détruite par une inondation. En 1864, il participa à une vaste expédition botanique dans le Pacifique Sud ; malchance dans la marine, malchance en Australie, la poisse s’acharna contre lui puisque son navire fit naufrage aux Samoa où il resta dix-huit mois avant d’être secouru et ramené aux Fidji.
Sur place, la chance tourna enfin : il dénicha un emploi au consulat britannique où ses mérites le firent nommer consul par intérim des Fidji et des Tonga en 1869. Il prit alors la pleine mesure de ses possibilités de diplomate en parvenant à convaincre en juin 1971 le grand chef Cakobau de s’entendre avec les colons blancs (majoritairement britanniques). En contrepartie, il assura les chefs fidjiens qu’ils conserveraient leur indépendance s’ils se plaçaient sous la houlette d’un roi, Cakobau. Thurston devint Premier ministre du 23 mars au 10 octobre 1874.
Peu doué pour les affaires, Cakobau vit son Etat faire quasiment faillite, ce qui permit à Thurston d’accélérer le rapprochement entre Londres et les Fidji, le Foreign Office acceptant finalement le principe d’annexer les Fidji à l’empire en 1872. L’acte d’annexion est daté du 10 octobre 1874.
En 1885, Thurston fut nommé gouverneur des Fidji, poste qu’il conserva jusqu’à sa mort le 7 février 1897, à l’âge de 61 ans.
Anobli, Sir Thurston était chevalier dans l’ordre de St Michel et St George et membre de la Royal Geographical Society.
Sur place, la chance tourna enfin : il dénicha un emploi au consulat britannique où ses mérites le firent nommer consul par intérim des Fidji et des Tonga en 1869. Il prit alors la pleine mesure de ses possibilités de diplomate en parvenant à convaincre en juin 1971 le grand chef Cakobau de s’entendre avec les colons blancs (majoritairement britanniques). En contrepartie, il assura les chefs fidjiens qu’ils conserveraient leur indépendance s’ils se plaçaient sous la houlette d’un roi, Cakobau. Thurston devint Premier ministre du 23 mars au 10 octobre 1874.
Peu doué pour les affaires, Cakobau vit son Etat faire quasiment faillite, ce qui permit à Thurston d’accélérer le rapprochement entre Londres et les Fidji, le Foreign Office acceptant finalement le principe d’annexer les Fidji à l’empire en 1872. L’acte d’annexion est daté du 10 octobre 1874.
En 1885, Thurston fut nommé gouverneur des Fidji, poste qu’il conserva jusqu’à sa mort le 7 février 1897, à l’âge de 61 ans.
Anobli, Sir Thurston était chevalier dans l’ordre de St Michel et St George et membre de la Royal Geographical Society.