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L’alliance des peuples au service de la planète


Tahiti, le 14 novembre 2022 - Barbara Glowczewski, anthropologue, directrice de recherche au CNRS, travaille avec les Warlpiri et d'autres peuples aborigènes d'Australie depuis 1979. Son dernier livre met en valeur des alliances d’Aborigènes avec d'autres peuples, dont les Polynésiens, pour la justice sociale et environnementale.


Votre dernier livre Réveiller les esprits de la terre parle des luttes pour défendre la terre des Aborigènes d’Australie et d’autres peuples et collectifs dans le monde. En quoi ces luttes répondent-elles aux urgences climatiques et alimentaires ?

 
“Depuis 43 ans, je travaille comme anthropologue avec des Warlpiri du désert et d’autres peuples d’Australie. J’ai vu la pertinence des liens ancestraux qu’ils entretiennent avec les plantes, les animaux et les phénomènes climatiques ou astronomiques. Grâce à leurs savoirs, des Aborigènes contribuent au succès de programmes visant à empêcher l’extinction de certaines espèces animales, évincées par le bétail importé dont les sabots ont détruit les sols. La technique de petits feux pratiquée depuis des millénaires pour empêcher les mégafeux est louée. Les Aborigènes sont employés par les parcs nationaux pour ce travail de soin de la terre donné comme modèle lors de la COP 21 en 2015 afin de combattre les émissions de carbone. Hommes et femmes disent “nettoyer” la terre par les petits feux allumés lors de la chasse et de la collecte en brousse. Ainsi, ils empêchent certaines plantes d’en étouffer d’autres et de s’enflammer de manière dangereuse pendant la saison sèche. Cet écobuage est aussi nécessaire pour des plantes comestibles dont les graines éclosent grâce au feu. Nombreux sont aussi les Aborigènes à se battre pour tenter d’empêcher la destruction des terres par les mines ou la fracturation hydraulique pour le gaz de schiste qui détruisent les sols et polluent les eaux.”
 
 
Vous avez préfacé le livre de l’auteur aborigène Bruce Pascoe, intitulé L’émeu dans la nuit et paru chez Petra en 2022. Que nous apprend-il qui puisse nous aider aujourd’hui ?
 
“Pascoe, essayiste aborigène très engagé, a été nommé en 2020, professeur d'études agricoles à l'université de Melbourne. Cela fait suite à des années de débat public autour des thèses qu’il défend pour valoriser l’existence d’une protoagriculture ancestrale. Il s’appuie sur une multitude d’archives dont l’importance fut minimisée ou incomprise. En effet, bien des explorateurs, archéologues ou géographes ont décrit des pratiques aborigènes mettant en valeur leurs terres pour assurer la fertilité de toutes les espèces, animales ou végétales comme les ignames et les graines avec lesquelles ils faisaient du pain. Pascoe appelle à favoriser la consommation de nourritures natives, souvent déjà collectées et produites par des petites entreprises aborigènes qui trouvent de plus en plus de demandes dans les boutiques et les restaurants des villes.”
 
Quel message retenir de tout cela ?
 
“De nombreux peuples sont riches de savoirs, il faut les écouter et encourager les pratiques traditionnelles de soin de la terre qui ont fait leurs preuves en assurant tant la biodiversité que la diversité humaine dont nous avons besoin pour réparer la planète.”
 

Rédigé par Salon du livre le Lundi 14 Novembre 2022 à 09:29 | Lu 409 fois