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L'affaire des chargés d'études de l'assemblée fait "pschitt"


Tahiti, le 10 mars 2022 – Le juge d'instruction Frédéric Vue a ordonné un non-lieu le 22 février dernier dans l'affaire des chargés d'études de l'assemblée. Les anciens présidents du Pays et de l'assemblée, Gaston Flosse et Marcel Tuihani, ainsi que les quatre chargés de mission du secrétariat général de l'assemblée sont tous mis hors de cause.
 
Alors qu'elle défraie la chronique depuis plus de six ans, l'affaire dite des “chargés d'études” de l'assemblée de la Polynésie française s'est soldée par un non-lieu rendu le 22 février dernier par le juge d'instruction Frédéric Vue. Dans cette ordonnance, que Tahiti Infos a pu consulter, le magistrat instructeur reprend en détails l'ensemble des investigations, perquisitions, auditions et confrontations menées à l'encontre de l'ancien président Gaston Flosse, de l'ancien président de l'assemblée Marcel Tuihani et des quatre fameux chargés d'études de l'assemblée. Tous aujourd'hui mis hors de cause.
 
Mystérieux chargés d'études
 
C'était un fait parfaitement connu, l'affaire a éclaté lors de l'examen du budget de l'assemblée en pleine séance à Tarahoi le 15 décembre 2015. À l'époque, l'élue de l'opposition, Nicole Bouteau, avait interrogé publiquement le président de l'assemblée, Marcel Tuihani, sur la nature des missions confiées à quatre chargés de mission rattachés au secrétariat général de l'institution. Quatre chargés d'études aux missions assez nébuleuses, censés travailler pour l'ensemble des groupes politiques mais inconnus de la plupart des élus, et qui n'avaient rendu qu'un seul rapport en l'espace d'un an pour “39 millions de Fcfp” de dépenses de rémunérations par l'assemblée. Surtout, on retrouvait parmi ces quatre chargés d'études l'ancienne ministre de Gaston Flosse, Manolita Ly, le frère du sénateur Tahoera'a de l'époque et la fille d'une élue Tahoera'a de l'assemblée…
 
Les enquêteurs de la Direction de la sécurité publique (DSP) ont procédé début 2016 à une retentissante perquisition dans les locaux de l'assemblée. L'occasion de mettre la main sur les fiches de postes et les rares travaux des quatre chargés d'études, tous réalisés pour le compte du groupe Tahoera'a. Les fiches de postes des quatre cadres du secrétariat général prévoyaient pourtant qu'ils travaillent pour l'ensemble des groupes de l'assemblée, et notamment pour les présidents de commissions. Auditionnés par les enquêteurs, la plupart des élus à la tête des commission –Virginie Bruant, Michel Buillard, Charles Fong Loi, Teapehu Teahe, Armelle Merceron, Minarii Galenon et Jean Temauri– ont pourtant tous expliqué aux enquêteurs qu'ils n'avaient aucune idée du travail exact des quatre chargés d'études. Michel Buillard soulignant même avoir “appris l'existence des quatre chargés de mission par la presse”.
 
Les accusations vacillent
 
Rapidement, les investigations se sont focalisées sur l'ancien président de l'assemblée, Marcel Tuihani, et l'ancien président, Gaston Flosse. Auditionnés, placés en garde à vue et même confrontés, les deux hommes se sont expliqués à plusieurs reprises devant les enquêteurs, puis le juge d'instruction en charge du dossier. Marcel Tuihani confirmant être à l'origine des recrutements, mais sur “recommandation” de Gaston Flosse pour trois d'entre eux. Un président de l'assemblée qui a également indiqué aux enquêteurs avoir reçu l'instruction de son ancien président de recruter l'ancien président du Haut-conseil, Stéphane Diémert, mais avoir refusé. Propos confirmés par Gaston Flosse.
 
Reste que Marcel Tuihani, comme les quatre chargés d'études interrogés par la suite, se sont surtout attelés au cours de la procédure à justifier l'effectivité des travaux réalisés par ces personnels pour l'assemblée. Des travaux dont la “production de manière régulière” a même été confirmée par la suite par un rapport de la chambre territoriale des comptes, sans déterminer en revanche s'ils avaient bénéficié à d'autres élus que ceux du groupe Tahoera'a. Marcel Tuihani qui a également fustigé devant les enquêteurs la “mauvaise foi” des élus de l'assemblée qui affirmaient ne pas connaître l'existence de ces chargés d'études.
 
Affaire classée
 
Des arguments qui ont fini par convaincre le parquet et le juge d'instruction, puisqu'à la fois le réquisitoire définitif du procureur rendu en mars 2021 et l'ordonnance du juge d'instruction rendue il y a deux semaines ont conclu au non-lieu. “L'enquête préliminaire puis l'information judiciaire n'ont pas permis de caractériser les infractions poursuivies, de sorte qu'il n'y aura pas lieu à mise en examen, puis renvoi devant le tribunal correctionnel”, écrit le juge d'instruction. “En effet, les suspicions d'élus de l'assemblée, tous membres de groupes politiques opposés à celui au nom duquel Marcel Tuihani avait été élu à la présidence, ont été contredites par les déclarations des mis en cause, confortées par la documentation retrouvée en perquisition ou versée ultérieurement au dossier d'instruction”.
 
C'est ce qu'on appelle une affaire classée.
 

​Marcel Tuihani, ex-président de l'assemblée : “Tout ça pour ça”

“J'ai envie de dire tout ça pour ça. On éclabousse des gens qui font un travail d'intérêt public uniquement pour des ambitions politiques et par le fait d'une situation politique particulière… Rappelons qu'aucune plainte n'a été déposée et que c'est l'intervention d'une élue en pleine séance à l'assemblée qui a interpellé le parquet. Ensuite, certes les personnes qui ont été recrutés, ont été approchées par Gaston Flosse. Mais je veux simplement croire que les gens reconnaissent que la plupart des propositions de Gaston Flosse, s'agissant de techniciens, ont toujours été des propositions cohérentes et pragmatiques. Sans quoi, ce serait connu que Gaston s'entourerait de mauvaises personnes… Les personnes proposées étaient des personnes compétentes, en capacité de travailler pour l'assemblée et pour l'ensemble des élus. Donc en réalité, ce qui en ressort, c'est simplement la volonté de certaines personnes d'éclabousser des gens qui ne sont pas du tout concernés par le sujet de la politique. Et ceci pour une seule ambition : descendre un parti politique et un homme politique, quitte éventuellement à marcher sur la tête de personnes innocentes.”
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Vendredi 11 Mars 2022 à 16:04 | Lu 3523 fois