La structure du marché de la distribution en Polynésie crée "des situations de rente". Cela permet aux distributeurs de conserver des marges élevées, au détriment des consommateurs.
PAPEETE, le 20 septembre 2019 - Dans un long avis analysant le marché de l'importation, l'Autorité polynésienne de la concurrence livre ses recommandations pour corriger les déséquilibres de notre économie et faire enfin baisser les prix.
Pourquoi la vie est-elle si chère en Polynésie ? C'est pour répondre à cette question que l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC) s'est autosaisie en janvier pour un avis. C'est spécifiquement le marché de l'importation qui a été analysé. Un des magistrats de l'Autorité, un économiste diplômé de l'ENA venu de l'Autorité de la concurrence métropolitaine, a travaillé six mois sur le sujet. Il a rencontré une quarantaine d'acteurs économiques, importateurs, entreprises, fédérations patronales et associations de consommateurs. Après un mois de consultations publiques, il a recueilli et intégré à l'avis une vingtaine de contributions venant des entreprises et des consommateurs. Pour finir, c'est un rapport de 122 pages qui a été rendu public ce vendredi 20 septembre, après avoir été présenté à nos élus de tous bords pendant la semaine.
Cet avis commence par démontrer que les prix élevés en Polynésie ne sont pas seulement dus à notre éloignement. "Sur 100 francs d'importation, le prix d'achat chez le fournisseur ne représente que 27 francs. Le transport représente 8 francs. 21 francs sont les taxes diverses, les droits de douanes et surtout la TVA. Enfin, la plus grosse partie du prix est la marge commerciale des distributeurs, les importateurs, grossistes et détaillants, à 44 francs" nous explique Jacques Mérot, président de l'APC. Une marge de 44 % pour les importateurs et distributeurs, "c'est important, et notre rôle dans cet avis a été d'examiner qu'est-ce qui pouvait faire que ces marges étaient à ce point élevées."
Dans les départements d'Outre-mer comme La Réunion, où les taxes sont faibles (il n'y a même aucune taxe sur les produits de l'Union européenne) et où les commerces se livrent une concurrence acharnée, les prix sont seulement 7% plus élevés qu'en métropole. En Polynésie, nos prix sont 38% plus élevés...
Pourquoi la vie est-elle si chère en Polynésie ? C'est pour répondre à cette question que l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC) s'est autosaisie en janvier pour un avis. C'est spécifiquement le marché de l'importation qui a été analysé. Un des magistrats de l'Autorité, un économiste diplômé de l'ENA venu de l'Autorité de la concurrence métropolitaine, a travaillé six mois sur le sujet. Il a rencontré une quarantaine d'acteurs économiques, importateurs, entreprises, fédérations patronales et associations de consommateurs. Après un mois de consultations publiques, il a recueilli et intégré à l'avis une vingtaine de contributions venant des entreprises et des consommateurs. Pour finir, c'est un rapport de 122 pages qui a été rendu public ce vendredi 20 septembre, après avoir été présenté à nos élus de tous bords pendant la semaine.
Cet avis commence par démontrer que les prix élevés en Polynésie ne sont pas seulement dus à notre éloignement. "Sur 100 francs d'importation, le prix d'achat chez le fournisseur ne représente que 27 francs. Le transport représente 8 francs. 21 francs sont les taxes diverses, les droits de douanes et surtout la TVA. Enfin, la plus grosse partie du prix est la marge commerciale des distributeurs, les importateurs, grossistes et détaillants, à 44 francs" nous explique Jacques Mérot, président de l'APC. Une marge de 44 % pour les importateurs et distributeurs, "c'est important, et notre rôle dans cet avis a été d'examiner qu'est-ce qui pouvait faire que ces marges étaient à ce point élevées."
Dans les départements d'Outre-mer comme La Réunion, où les taxes sont faibles (il n'y a même aucune taxe sur les produits de l'Union européenne) et où les commerces se livrent une concurrence acharnée, les prix sont seulement 7% plus élevés qu'en métropole. En Polynésie, nos prix sont 38% plus élevés...
La vie est 38 % plus chère à Tahiti qu'en métropole... Pourtant, dans les départements d'Outre-mer le surcoût est seulement de 7 à 12 %. Notre éloignement et notre insularité ne suffisent pas à expliquer cette différence selon l'Autorité polynésienne de la concurrence.
L'APC a identifié trois facteurs principaux qui participent à nos prix élevés :
LA LOGISTIQUE
"Quand on lit le rapport, il y a des facteurs géographiques qui jouent sur les prix, c'est assez objectif. Néanmoins, on peut agir là aussi" explique Jacques Mérot. Il cite les frais d’acconage très élevés au Port autonome, notamment parce que les trois entreprises qui s'en occupent ne sont jamais mises en concurrence. Il souligne également qu'il faut investir dans le port de Papeete pour pouvoir accueillir de plus gros porte-containers, sous peine de devoir bientôt faire passer toutes nos marchandises par la Nouvelle-Zélande et donc accroitre les coûts.
"Des moyens de financement existent, notamment à travers la taxe de péage, qui pèse sur les importations dont elle représente 1,25 % du prix CAF. (Elle) a été détournée de son usage puisque, destinée initialement à financer les investissements du port, elle finance en réalité son fonctionnement" note l'avis. Il souligne aussi que le port pourrait très largement s'autofinancer s'il faisait payer les loyers de tous ses locataires à Motu Uta au prix du marché, au lieu de fixer ces indemnités d'occupation "à des niveaux très favorables pour ses occupants."
LES TAXES, QUOTAS ET AUTRES BARRIÈRES À L'ENTRÉE
Parmi les autres facteurs les plus évidents conduisant à des prix élevés il y a, bien sûr, les taxes. Dans les prix au magasin, il faut compter 13 % de TVA en moyenne, en plus de 8 % de droits de douanes et d'une vingtaine de taxes diverses... Qui varient considérablement. Il y a ainsi la Taxe de développement local (TDL) qui peut aller jusqu'à 82 % de la valeur CAF d'un produit. Le rendement de cette taxe est faible, mais elle a un effet très important sur certains produits très spécifiques, qui n'est pas toujours justifié. Le rapport explique ainsi que "la TDL présente un rendement relativement faible, mais elle est au cœur des critiques des différents acteurs rencontrés au cours de l’instruction, compte tenu des effets de distorsion qu’elle produit, notamment en dissuadant l’importation de certains produits." D'autant qu'elle touche certains produits qui ne sont pas fabriqués localement...
LA LOGISTIQUE
"Quand on lit le rapport, il y a des facteurs géographiques qui jouent sur les prix, c'est assez objectif. Néanmoins, on peut agir là aussi" explique Jacques Mérot. Il cite les frais d’acconage très élevés au Port autonome, notamment parce que les trois entreprises qui s'en occupent ne sont jamais mises en concurrence. Il souligne également qu'il faut investir dans le port de Papeete pour pouvoir accueillir de plus gros porte-containers, sous peine de devoir bientôt faire passer toutes nos marchandises par la Nouvelle-Zélande et donc accroitre les coûts.
"Des moyens de financement existent, notamment à travers la taxe de péage, qui pèse sur les importations dont elle représente 1,25 % du prix CAF. (Elle) a été détournée de son usage puisque, destinée initialement à financer les investissements du port, elle finance en réalité son fonctionnement" note l'avis. Il souligne aussi que le port pourrait très largement s'autofinancer s'il faisait payer les loyers de tous ses locataires à Motu Uta au prix du marché, au lieu de fixer ces indemnités d'occupation "à des niveaux très favorables pour ses occupants."
LES TAXES, QUOTAS ET AUTRES BARRIÈRES À L'ENTRÉE
Parmi les autres facteurs les plus évidents conduisant à des prix élevés il y a, bien sûr, les taxes. Dans les prix au magasin, il faut compter 13 % de TVA en moyenne, en plus de 8 % de droits de douanes et d'une vingtaine de taxes diverses... Qui varient considérablement. Il y a ainsi la Taxe de développement local (TDL) qui peut aller jusqu'à 82 % de la valeur CAF d'un produit. Le rendement de cette taxe est faible, mais elle a un effet très important sur certains produits très spécifiques, qui n'est pas toujours justifié. Le rapport explique ainsi que "la TDL présente un rendement relativement faible, mais elle est au cœur des critiques des différents acteurs rencontrés au cours de l’instruction, compte tenu des effets de distorsion qu’elle produit, notamment en dissuadant l’importation de certains produits." D'autant qu'elle touche certains produits qui ne sont pas fabriqués localement...
En plus de toutes ces taxes, il y a aussi plusieurs barrières non tarifaires sur le Territoire. Jacques Mérot explique que ces barrières non tarifaires "sont des interdictions d'importation ou des quotas d'importation (NDLR : par exemple les quotas d'importation de fruits et légumes fixés tous les mois par la conférence agricole). Ce que nous proposons, c'est d'éliminer ces barrières non tarifaires parce qu'elles sont encore plus dommageables à l'économie que les droits de douanes. Le rapport inclut en page 39 un schéma qui explique bien cette idée. Quand on met des taxes sur un produit, on augmente son prix. La consommation se réduit, la production locale augmente un peu, et le Pays récupère quelques taxes. Mais l'économie dans son ensemble y perd, parce que les pertes des consommateurs sont supérieures à ces gains. Mais quand on instaure des quotas d'importation, il se passe le même effet car on crée artificiellement des pénuries, mais n'y a même pas d'argent qui rentre dans les caisses du Pays, donc l'économie y perd encore plus. L'idée est donc de réduire au maximum ces barrières. D'abord on enlève les barrières non tarifaires pour que l'économie y perde moins, mais ensuite il faut diminuer les barrières tarifaires pour ne pas surélever inutilement les prix. Bien sûr qu'il faut que de l'argent entre dans les caisses du Pays, mais on pourrait concevoir que l'on instaure un impôt sur le revenu à la place des taxes à la consommation. C'est un choix politique."
LE MANQUE DE CONCURRENCE
Mais fixer tous les problèmes cités plus haut ne servira à rien si tous les gains sont captés par les importateurs et distributeurs pour augmenter leurs marges déjà conséquentes. Le rapport cite même le groupe Wane qui "détient plus de 50 % des surfaces de ventes sur le segment des supermarchés et hypermarchés". Comme l'explique Jacques Mérot, "le distributeur qui a une position de leader va décider des prix de distribution. Ses concurrents pourraient réagir, mais s'ils se lancent dans une guerre des prix, ils vont la perdre parce qu'ils n'ont pas la capacité financière pour tenir dans la durée. Donc ils vont naturellement s'aligner sur le prix fixé par celui qu'on appelle le 'Price Maker'."
En pratique, le marché de la distribution en Polynésie manque donc terriblement de concurrence et les distributeurs peuvent conserver leurs marges importantes, créant "des situations de rente". L'APC aurait eu le pouvoir d'agir pour corriger le tir à sa création, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui : "La possibilité de remettre en cause une position dominante soulevant des préoccupations de concurrence (...) a disparu de l’ordonnancement juridique polynésien avec la modification du code de la concurrence (loi du 9 août 2018), ne laissant pratiquement aucune chance d’agir sur la structure actuelle des marchés pour les rendre plus concurrentiels" note l'avis. Pas de chance.
Enfin, l'avis note que la culture de la concurrence est très faible en Polynésie. "Les associations de consommateurs sont peu nombreuses et sans subventions publiques pérennes et les signalements des pratiques anti-concurrentielles auprès de la DGAE ou de l'Autorité sont rares." Les entreprises ont peur de perdre leurs gros clients si elles dénoncent leurs pratiques abusives... Mais leur attitude pourrait évoluer, comme en témoigne la saisine portée par l’Union des importateurs de Polynésie française contre le groupe Wane sur ses pratiques dans le marché des boissons réfrigérées, qui a abouti à une condamnation du leader de la grande distribution à 235 millions de francs d'amende.
La décision de mettre en place ces recommandations est maintenant entre les mains de nos élus. "C'est un document technique. Nous n'avons pas vocation à être dans le débat politique" explique Jacques Mérot. "Nous analysons un sujet, nous décortiquons les mécanismes, puis nous faisons quelques propositions d'ordre technique. Après, le gouvernement le mettra ou ne le mettra pas en œuvre. Il peut très bien avoir de bonnes raisons (...) de ne pas le mettre en œuvre, qui dépassent les aspects concurrentiels, et nous n'avons pas à entrer dans ce débat-là. Notre raison d'être est de fournir des outils."
LE MANQUE DE CONCURRENCE
Mais fixer tous les problèmes cités plus haut ne servira à rien si tous les gains sont captés par les importateurs et distributeurs pour augmenter leurs marges déjà conséquentes. Le rapport cite même le groupe Wane qui "détient plus de 50 % des surfaces de ventes sur le segment des supermarchés et hypermarchés". Comme l'explique Jacques Mérot, "le distributeur qui a une position de leader va décider des prix de distribution. Ses concurrents pourraient réagir, mais s'ils se lancent dans une guerre des prix, ils vont la perdre parce qu'ils n'ont pas la capacité financière pour tenir dans la durée. Donc ils vont naturellement s'aligner sur le prix fixé par celui qu'on appelle le 'Price Maker'."
En pratique, le marché de la distribution en Polynésie manque donc terriblement de concurrence et les distributeurs peuvent conserver leurs marges importantes, créant "des situations de rente". L'APC aurait eu le pouvoir d'agir pour corriger le tir à sa création, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui : "La possibilité de remettre en cause une position dominante soulevant des préoccupations de concurrence (...) a disparu de l’ordonnancement juridique polynésien avec la modification du code de la concurrence (loi du 9 août 2018), ne laissant pratiquement aucune chance d’agir sur la structure actuelle des marchés pour les rendre plus concurrentiels" note l'avis. Pas de chance.
Enfin, l'avis note que la culture de la concurrence est très faible en Polynésie. "Les associations de consommateurs sont peu nombreuses et sans subventions publiques pérennes et les signalements des pratiques anti-concurrentielles auprès de la DGAE ou de l'Autorité sont rares." Les entreprises ont peur de perdre leurs gros clients si elles dénoncent leurs pratiques abusives... Mais leur attitude pourrait évoluer, comme en témoigne la saisine portée par l’Union des importateurs de Polynésie française contre le groupe Wane sur ses pratiques dans le marché des boissons réfrigérées, qui a abouti à une condamnation du leader de la grande distribution à 235 millions de francs d'amende.
La décision de mettre en place ces recommandations est maintenant entre les mains de nos élus. "C'est un document technique. Nous n'avons pas vocation à être dans le débat politique" explique Jacques Mérot. "Nous analysons un sujet, nous décortiquons les mécanismes, puis nous faisons quelques propositions d'ordre technique. Après, le gouvernement le mettra ou ne le mettra pas en œuvre. Il peut très bien avoir de bonnes raisons (...) de ne pas le mettre en œuvre, qui dépassent les aspects concurrentiels, et nous n'avons pas à entrer dans ce débat-là. Notre raison d'être est de fournir des outils."