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Kawekaweau, quête et enquête


PAPEETE, le 23 novembre 2017 - Thanh-Van Tran-Nhut, la mère de l'inspecteur mandarin Tân qui vit grâce aux éditions Philippe Picquier, a choisi la maison d'édition locale Au Vent des îles pour son dernier roman. Une plongée dans le journal d'un célèbre amiral qui arpente les Antipodes aux côtés de scientifiques, d'artistes et de matelots. Les aventures du héros sont saupoudrées d'une légende maorie, celle du fameux Kawekaweau.

Avant d'être auteure, Than-Van Tran-Nhut est une aventurière. Tout comme son héros Viktor (voir encadré Il était une fois). C'est une scientifique, curieuse, avide de grands espaces et de petites anecdotes de vie. De celles qui font le lit de ses romans.

"Les hémisphères nord et sud au gré du vent"

Née au Viêt-Nam en 1962, elle a grandi aux États-Unis, ses parents s'y étaient rendus pour étudier en 1968. Trois ans plus tard, toujours en famille, elle a gagné la France. "J’ai connu Huê, ancienne capitale impériale, puis le Michigan avec ses blizzards et ses grands lacs gelés, et ensuite de petites villes de Franche-Comté. À chaque pays correspondent une langue et des façons de vivre différentes. Pouvoir en faire l’expérience très tôt a été un immense avantage : on acquiert une flexibilité et une curiosité qui durent toute la vie." Portée par cette curiosité, elle a réalisé un tour du monde en 2002 avec un sac à dos pour tout bagage. "Les hémisphères nord et sud au gré du vent."

En 1999, alors qu’elle vivait une "vie d’ingénieur heureux", sa sœur Kim, physicienne, est venue la trouver avec un pari fou entre les mains, à savoir l’écriture d’un roman policier situé dans le Viêt-Nam du XVIIe siècle. À l’époque, les deux sœurs n’avaient, ni l’une ni l’autre, de réelle expérience littéraire. "Kim avait placé la barre assez haut. Alors j’ai pensé : Chiche ! "

Naissance de l'inspecteur mandarin Tân

Elle a alors donné naissance à l'inspecteur mandarin Tân, un jeune magistrat au service de l’empereur du Dai-Viêt (ancien nom du Viêt-Nam). Un personnage inspiré de l’arrière-grand-père maternel, devenu un mythe familial pour avoir réussi très jeune les concours impériaux. "Il incarnait l’intelligence et la probité", des valeurs exemplaires pour un officier de l’empire. Huit tomes sont sortis aux éditions Philippe Picquier en France.

En 2014, de nouvelles ailes ont poussé sur le dos de Than-Van Tran-Nhut. "J'avais besoin de voir du pays, de renouveler mes sources d'inspiration", explique-t-elle. Elle a visé la Nouvelle-Zélande et la résidence d'écrivains Randell Cottage à Wellington. Mais pour atteindre sa destination, il lui fallait un projet construit et bien ficelé. Comme à son habitude, elle s'est plongée dans les textes, scientifiques de préférence.

Than-Van Tran-Nhut a fini par tomber sur la publication d'un chercheur faisant état de la découverte d'un lézard géant naturalisé dans les collections d'un musée du sud de la France. "Je tenais là une première piste", indique l'auteure. De fil en aiguille, elle finit par apprendre que le spécimen vient de Nouvelle-Zélande, que c'est une espèce disparue, qu'il est associé à une légende maorie. Une légende qui se résume par un "qui voit le kawekaweau rejoint ses ancêtres". Un lézard, un lieu, un mythe teinté de malédiction… Le projet de Than-Van Tran-Nhut commençait, à ce stade, à se dessiner.

"Je pensais tomber sur un pensum, (…) alors que c'est tout le contraire que j'ai trouvé"

Pour affiner son projet, elle a poussé plus avant ses recherches. "Je voulais savoir comment ce spécimen était arrivée là." Elle a identifié une expédition, a établi l'identité du capitaine de cette expédition dont elle s'est procuré le journal de bord. "Je pensais tomber sur un pensum, sur un texte lourd alors que c'est tout le contraire que j'ai trouvé. Le journal de bord était un roman en soi rédigé avec beaucoup d'humanité. Il y a avait plein de description très précises, j'ai été happée par le texte." Than-Van Tran-Nhut a pu, alors, choisir une époque pour construire son propre roman.

Son projet a été retenu par le jury de la résidence d'écrivains. Elle y a séjourné six mois au cours desquels elle a pu approfondir ses recherches avec des documents relatifs à l'expédition de son projet archivés en Nouvelle-Zélande. Elle a rédigé Kawekaweau et découvert la maison d'édition Au Vent des îles qui avait déjà fait paraître des textes de résidents du Randell Cottage à Wellington.

Kawekaweau est sorti à l'occasion du salon du livre de Papeete qui vient de s'achever. Ce roman, pensé comme une enquête, s'appuie sur de nombreux éléments historiques. Pour ses lecteurs soucieux de distinguer le vrai du faux, Than-Van Tran-Nhut a repris sa casquette de scientifique. Elle a rédigé un appendice pour lister les rapports, études, articles sur lesquels elle s'est appuyée pour rédiger sa propre enquête.

Il était une fois…

À peine installé au Viêt-Nam avec sa femme, Viktor reçoit un colis de Lucie, son amour de jeunesse récemment décédée. Elle lui lègue des objets de leur vie commune, mais aussi un ultime défi : résoudre une énigme liée au lézard géant rapporté du Pays du long nuage blanc par une équipe de français au XIXème siècle – le mythique kawekaweau marqué d'une malédiction. Plongé dans le journal d'un célèbre amiral arpentant les antipodes, Viktor s'aperçoit qu'entre les lignes du rapport officiel se cache un drame ignoré de tous. Une boîte à trésor maorie, un pendentif en jade vert, des photos d'un monde évanoui… Ces objets d'un autre temps recèlent, eux aussi, le dernier message de Lucie à Viktor.

Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 23 Novembre 2017 à 11:18 | Lu 1064 fois