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Joie aux Fidji après un accord de coalition conclu par l'opposition évinçant le Premier ministre


Crédit SAEED KHAN / AFP
Crédit SAEED KHAN / AFP
Suva, Fidji | AFP | mardi 20/12/2022 - Des Fidjiens en liesse ont envahi mardi les rues de la capitale, Suva, pour célébrer la fin des 16 années au pouvoir de Frank Bainimarama et la conclusion d'un accord par l'opposition pour former un nouveau gouvernement de coalition.

Sitiveni Rabuka, ancien chef du gouvernement et deux fois putschiste, devrait prochainement le remplacer au poste de Premier ministre de cet Etat du Pacifique, après avoir obtenu le soutien d'un petit parti et une majorité parlementaire suffisante pour gouverner.

"Je voudrais remercier et féliciter le peuple des Fidji", a déclaré M. Rabuka en revendiquant la victoire. "(Il) a voté pour le changement".

M. Rabuka et ses alliés au sein de la nouvelle coalition ont promis de rénover la démocratie fidjienne et d'instaurer un gouvernement "plus bienveillant, compatissant" et transparent après ce qu'ils considèrent comme une décennie et demie de pouvoir en partie autoritaire. 

"Cela fait trop longtemps", a déclaré Vilivo Amo, un étudiant en sciences politiques de 21 ans, présent comme des milliers d'autres personnes dans les rues de Suva. "Ils ramènent la démocratie."

"(Avec le) gouvernement actuel, les gens sont pris à partie sans raison, ils ont des problèmes avec la police. Cela va changer."

Le scrutin de mercredi n'avait pas permis de départager les deux principales forces politiques du pays, menées par MM. Rabuka et Bainimarama.

Chacune avait depuis courtisé le parti social-démocrate (Sodelpa) pour constituer une telle majorité.

Après plusieurs jours de tractations, cette petite formation a affirmé mardi que son bureau avait voté par 16 voix contre 14 en faveur d'une coalition conduite par M. Rabuka.

A peine la nouvelle commençait-elle à circuler que des partisans euphoriques de M. Rabuka entonnaient un chant polyphonique à l'extérieur de son siège de campagne.

Des feux d'artifice éclataient, des klaxons de voitures retentissaient et des militants dansaient dans les rues en brandissant des cônes de signalisation, des châles et des pancartes.

"Nouveau gouvernement !", scandaient-ils en fidjien, tandis que les membres de la coalition nouvellement élue reprenaient le chant américain du Mouvement des droits civiques "We shall overcome" ("Nous triompherons").

Elijah Rokoderea, un soutien de M. Rabuka, a confié qu'il était soulagé de voir M. Bainimarama évincé.

"Cela fait 16 ans que ce gouvernement oppressif (est en place). On ne peut même pas organiser de manifestations", a-t-il déclaré du siège de campagne de M. Rabuka.

Le vigile Mitele Tuqiri s'est quant à lui dit en extase. "Nous allons fêter ça ce soir et puis demain cela continuera."

Quatre coups d'Etat

M. Bainimarama a pris ses fonctions en 2006 à la faveur d'un coup d'Etat, avant de remporter plus tard deux élections pour légitimer son pouvoir.

Son gouvernement a fréquemment utilisé la justice afin d'écarter des opposants et de réduire au silence ses détracteurs et les médias.

Dans son discours de victoire, M. Rabuka, surnommé "Rambo", a adressé un message conciliant à son rival de longue date.

"Je voudrais remercier le parti sortant Fiji First (de M. Bainimarama, NDLR). J'espère qu'il acceptera le résultat".

Ce dernier ne s'est pas exprimé en public depuis le vote de mercredi. Face à des journalistes, il s'était alors engagé à respecter l'issue du scrutin.

Quatre coups d'Etat ont eu lieu aux Fidji ces 35 dernières années et la possibilité d'une immixtion de l'armée a plané sur les élections de 2022.

M. Rabuka avait écrit au commandement des troupes pour lui demander d'intervenir après avoir mis en doute les résultats du vote, retardés par des "anomalies" techniques, mais avait été éconduit par les militaires.

Avant la fin du dépouillement des bulletins de vote, M. Rabuka avait été convoqué par la police et interrogé, puis relâché.

Le parti social-démocrate et son chef le très religieux Viliame Gavoka avaient réclamé des postes ministériels-clés et l'établissement d'une ambassade fidjienne à Jérusalem.

Selon une copie de l'accord obtenue par l'AFP, le prochain gouvernement créera une "mission diplomatique en Israël", révisera la Constitution et se penchera sur plusieurs dossiers considérés comme essentiels par les Fidjiens autochtones.

Le parti social-démocrate obtiendra les portefeuilles ministériels de l'Education, du Tourisme et des Affaires autochtones, en vertu de cet accord.

M. Rabuka et ses alliés au sein de la nouvelle coalition avaient par ailleurs signalé avant le scrutin leur désir de distendre les liens avec la Chine, de laquelle M. Bainimarama s'était rapproché.

le Mardi 20 Décembre 2022 à 06:19 | Lu 508 fois