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Joachim Villedieu, violoncelliste, rêve de grands orchestres


Crédit : Gregory Boissy.
Crédit : Gregory Boissy.
TAHITI, le 7 septembre 2022 - Joachim Villedieu a découvert le violoncelle lors d’un cours d’éveil musical au Conservatoire artistique de Polynésie française à l'âge de 6 ans. Il a su, dès cet instant, qu'il avait trouvé sa vocation. Aujourd'hui âgé de 25 ans, et après 19 ans de pratique, Joachim étudie à Lausanne à la haute école de musique et rêve d’entrer dans un orchestre de renom.

Joachim Villedieu avait seulement 6 ans lorsqu'il a découvert le violoncelle. Ses parents l’avaient inscrit en classe d’éveil musicale au Conservatoire artistique de Polynésie française (CAPF). Des parents attachés à la musique, comme l'explique sa mère Marjorie : “Nous pensons que cette pratique apporte quelque chose d’important, que cela complète l’éducation, ce n’est pas inutile”. Son père joue du violon, sa sœur, de 9 ans son aînée, du piano.

“Lorsque j’ai vu le violoncelle, j’ai su”

Les parents de Joachim ont d’abord envisagé pour lui l’apprentissage du violon, dans les pas de son père. “Nous nous disions que nous ne pouvions pas avoir deux pianos à la maison, et puis le piano est un instrument difficilement transportable, de ce fait sa pratique est relativement solitaire.” Ils l’ont inscrit en cours d’éveil musical pour démarrer. “Je me rappelle que nous allions à la rencontre des professeurs du conservatoire pour qu’ils nous parlent de leur instrument et nous initient. Lorsque j’ai vu le violoncelle, j’ai su. Cela m’a plu sans vraiment que je comprenne pourquoi.” Joachim Villedieu a tout de même essayé le violon, mais sans accrocher. “Cela ne me parlait pas.” Il n’a pas réussi à se détacher du violoncelle. “On a été surpris”, reconnaît sa mère qui ajoute : “il nous a fait découvrir cet instrument”.

Théoriquement, Joachim Villedieu était trop jeune pour apprendre le violoncelle. Mais après discussion avec le professeur du conservatoire, Simon Pillard, et parce qu’il était déjà grand en taille pour son âge, Joachim Villedieu a pu commencer dès 7 ans. Ses parents ont loué un instrument à l’établissement. “Pour l’anecdote, celui que j’ai eu au début n’avait pas d’archet, j’ai donc travaillé en pizzicato pendant au moins trois mois.” Le pizzicato est une manière de jouer un instrument à corde sans archet, en pinçant les cordes. “Ce n’était pas plus mal, cela m’a permis de me familiariser plus facilement avec le violoncelle.” Les premiers temps, il ne s’est pas posé de question, il a aimé jouer et apprendre. “Il a progressé rapidement au début, alors que cela me paraissait vraiment difficile”, se rappelle Marjorie. Au bout de quatre ou cinq années, les choses se sont un peu corsées. Il a fallu encore plus d’engagement personnelle et de volonté tandis qu’en parallèle, l’apprentissage scolaire était de plus en plus exigeant, et prenant. “Le primaire, c’est un peu l’âge d’or. Enfin cela m’a paru facile, je n’avais pas grand-chose à faire pour y arriver.” Le collège lui a demandé plus d’efforts.

Médaille d'or du conservatoire à 14 ans

Joachim Villedieu a grandi avec son instrument. Il a pratiqué la musique sur un violoncelle de taille 1/8e puis, ¼, ½ … Il a étudié avec le même enseignant au conservatoire jusqu’à obtenir une médaille d’or (devenue depuis le Diplôme d’étude musicale). C’était en 2012, il avait 14 ans. Il a été médaillé plus jeune que la moyenne. À l’école –il a étudié au collège de Tipaerui puis au lycée Gauguin– il a suivi une filière scientifique. Ce qui lui donne un profil assez rare. “Je m’aperçois, en côtoyant maintenant des musiciens, que ceux-ci ont plutôt des profils littéraires”, indique Joachim Villedieu. Au lycée, il n’avait toujours pas d’idée de ce qu’il souhaitait faire. Il envisageait une école d’ingénieur, comme sa sœur. À cette époque, devenir musicien n’était pas encore à l’ordre du jour. “En réalité, je ne me posais pas vraiment la question.

Pourtant son professeur Simon Pillard lui avait déjà suggéré de prendre la direction d’une carrière musicale. Mais cela impliquait de partir pour la métropole pour intégrer un conservatoire de niveau plus élevé. “Ça ne me disait pas, cela me faisait même un peu peur, j’étais jeune.” Ses parents, quelque peu réticents à l’idée, n’ont pas insisté. “Cela voulait dire qu’il se retrouvait seul là-bas, nous n’étions pas préparés à ça.”

Pour autant, la suggestion de Simon Pillard n’est pas restée sans impact. Joachim Villedieu est allé en métropole lors des vacances scolaires pour suivre des stages. Il avait 13 ans la première fois, il a suivi un stage d’une dizaine de jours avec un professeur du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, Jérôme Pernoo. Il a renouvelé l’expérience plusieurs fois. L’un des stages l’a particulièrement marqué, c’était à Tignes, en 2014. Il venait de terminer son année de première. Pas moins de 600 élèves étaient réunis autour de professeurs de renom. “C’est à ce moment-là que j’ai choisi de suivre des études de musique. Je me suis dit, je veux connaître ça plus tard, vivre dans cet univers.” Les professeurs, sensibles et passionnés “étaient de belles personnes”. Ils ont partagé leur savoir, leur expérience, leur goût de l’effort. “J’en suis sorti grandi, c’était très inspirant.” Au lycée, Joachim Villedieu a assuré le minimum en terminale, “n’en déplaise à mes profs”. Au CAPF, il a poursuivi son apprentissage avec assiduité, suivant un cycle post Diplôme d’étude musical. Son baccalauréat en poche, c’est tout un monde qui s’est ouvert. “Le cursus de musicien n’est pas très courant, on ne savait pas bien ce qu’il pouvait y avoir au bout, ni même comment faire”, précise Marjorie.

Une stratégie risquée

Une chose était sûre, Joachim Villedieu n’avait pas le niveau pour intégrer l’un des deux établissements métropolitains d’études supérieures de la musique : le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris ou celui de Lyon. Il a visé un conservatoire régional. Il a passé trois concours d’entrée, celui du Conservatoire à rayonnement régional (CRR) de Paris, celui de Rueil-Malmaison et celui de Boulogne-Billancourt. “Comme prévu, le niveau de ces trois conservatoires était déjà incroyablement élevé !”, indique Joachim Villedieu qui s’est présenté sans préparation particulière. “C’était très courageux”, décrit sa mère. Le jeune Polynésien a suivi un stage puis a travaillé seul en attendant les épreuves. “Je reconnais que c’était un peu risqué comme stratégie. Je m’y prendrais autrement si c’était à refaire.” Ses efforts ont tout de même payé.

Il est resté trois ans au CRR. Pendant ce temps, il a passé des concours pour la suite. Le premier ouvrait la porte du Conservatoire national supérieur de danse et de musique de Lyon. Un échec. “J’y allais pour prendre la température, pour me tester.” La deuxième année, il a tenté Paris où il a passé un tour (les sélections se déroulent sur plusieurs tours). La troisième année, Joachim Villedieu a mis les bouchées doubles, il a tenté Paris, Lyon et la Haute école de musique et conservatoire de Lausanne en Suisse. Dans ces établissements, chaque année, les candidats sont une soixantaine à espérer décrocher l’une des 5 ou 6 places disponibles (les meilleures années !). Il a été pris.

Il a suivi et obtenu une licence pendant laquelle il a continué à perfectionner sa pratique du violoncelle tout en travaillant l’écriture musicale, l’analyse, l’histoire de la musique. Les cours se répartissent sur la semaine en 2 heures de pratique d’instrument avec un professeur et une douzaine d’heures d’enseignement théorique. “Il faut compter en plus, 3 à 4 heures par jour de travail personnel de l’instrument”, précise Joachim Villedieu. Aujourd’hui, il est en deuxième année de master il a pris comme orientation la filière concertiste qui est la plus générale comparée à la filière pédagogie, soliste ou musique d’orchestre.

De passage au fenua, il a donné un concert jeudi 1er octobre au CAPF. Depuis, il a repris la route de Lausanne. Son rêve serait d’intégrer une formation renommée comme l'orchestre de Radio France, le London Symphony Orchestra ou le Berliner Philarmoniker. Il s’en approche, doucement mais sûrement.


Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 7 Septembre 2022 à 20:19 | Lu 1068 fois