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Jean-Marc Regnault s'interroge sur le concept d'Indo-Pacifique


Tahiti, le 8 avril 2024 - Pour la Revue Défense Nationale, l'historien Jean-Marc Regnault a pris position sur le concept d'Indo-Pacifique, jugeant que cette appellation pouvait apparaître comme du néocolonialisme au vu du passé colonial français en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.

L'Indo-Pacifique est une zone géographique combinant les océans Indien et Pacifique et est un concept en constante évolution, de par la stratégie, économique, militaire ou commerciale qu'opèrent de nombreuses puissances mondiales dans la zone. Un thème fourre-tout qui a attiré l'attention de l'historien Jean-Marc Regnault, professeur à l'Université de la Polynésie française, connu pour ses prises de position affirmées contre les essais nucléaires. En effet, dans une tribune consacrée à la Revue Défense Nationale, il s'est interrogé sur le consentement des populations locales de la zone vis-à-vis du concept même de l'Indo-Pacifique. “Les promoteurs du concept d’Indo-Pacifique auraient-ils privilégié une approche très ciblée, en réservant leurs discours aux communautés stratégiques et aux leaders d’opinion, sans chercher à diffuser cette nouvelle catégorie spatiale auprès du grand public”, écrit-il d'ailleurs, s'inquiétant que le terme, créé par les puissances occidentales pour faire face à l'influence chinoise dans la zone, apparaisse comme une forme de néocolonialisme.

Passé colonial et essais nucléaires

En effet, le passé colonial de la France, que ce soit en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie, avec également les essais nucléaires, est un frein à l'adhésion complète des populations locales à la stratégie française dans la zone, selon Jean-Marc Regnault, qui reprend une déclaration datant de juillet 2023 de Daniel Goa, président de l'Union Calédonienne : “La France a un problème avec les Chinois. Pas nous, nous vivons depuis 4 000 ans avec eux. Et jusqu’à preuve du contraire, la Chine ne nous a jamais colonisés, ni annexés comme l’a fait la France. Au contraire, elle demeure le premier client de la Nouvelle-Calédonie avec plus de 150 milliards d’échanges commerciaux. […] Notre vrai problème à nous, ce n’est pas les Chinois, c’est la puissance occupante qu’est la France, qui nous colonise, nous inféode, nous occupe et qui veut perpétuer son système de pillage.”

Cependant, toujours d'après l'historien, les indépendantistes océaniens ont du mal à prendre en compte que la stratégie chinoise n'est plus du soft power mais bien une attitude plus hégémonique. “Quant à l'État, aujourd’hui comme souvent dans le passé, une méconnaissance des cultures ultramarines ne le conduit pas spontanément à parler de l’Indo-Pacifique avec des mots océaniens”, explique-t-il.

Rédigé par Thibault Segalard le Lundi 8 Avril 2024 à 17:18 | Lu 1645 fois