Tahiti Infos

“Je vais aller vivre à la mairie”


Tahiti, le 8 janvier 2025 - À Faa’a, une dizaine de familles devront quitter les vieux bâtiments amiantés de l’armée, cédés à la commune, dans le cadre du Contrat de redynamisation des sites de défense. Sauf qu’elles refusent de quitter les lieux et menacent de s’installer dans les locaux de la mairie de Faa’a. La commune rappelle que c’est le Pays qui est compétent en matière de logement et qu’elle est prête à l’aider. Pour la commune, “toutes ces familles utilisent ce moyen pour faire pression sur les pouvoirs publics pour leur donner une maison”.
 
Dans le quartier Piafau à Faa’a, onze familles représentant près d’une trentaine de personnes sont complètement désemparées. Elles ont appris en décembre dernier, par les agents de la mairie de Faa’a, qu’elles devront quitter les lieux à la fin du mois de février prochain.
 
Raison invoquée : “des travaux de dépollution et de déconstruction” sont prévus. Sauf que les personnes qui vivent sur cette parcelle ne sont pas prêtes à quitter les lieux et menacent d’aller vivre à la mairie de Faa’a.
 
Effectivement, ces familles se sont installées dans les anciens bâtiments de l’armée situés sur le domaine Bopp Dupont. Un ensemble immobilier d’une superficie de 6 873 mqui a été cédé, en août 2018, pour un euro symbolique à la commune de Faa’a dans le cadre du Contrat de redynamisation des sites de défense (CRSD). Il était question d’y construire “un marché de proximité”.

“On a des terrains (…) mais nos familles ne vont pas vouloir de nous”

Salomé s’est installée sur ce domaine il y a plus de deux ans. Pour elle, cette nouvelle a été choquante. “Ils nous ont dit qu’on devait partir d’ici. J’ai des petits-enfants et je ne veux pas les voir sur la route (…) cela m’a fait mal au cœur.”
 
Elle affirme que tout comme elle, certains sont propriétaires terriens. “Mais comment faire ? On va aller sur nos terrains habiter où ? Les familles qui sont déjà installées dessus ne vont pas vouloir de nous (…). Nous allons aller vivre dans la mer ?”
 
Salomé soutient que leurs terres sont toujours en indivision et refuse d’y retourner tant que les terres n’ont pas été partagées. “On ne va pas aller dessus, après on va se disputer et se casser la gueule à cause de ces terrains-là. On demande de l’aide à la mairie”, dit-elle.     
 
Elle regrette que le tāvana de Faa’a, Oscar Temaru, ait envoyé ses agents à leur rencontre. “On a voté pour toi (…). Et c’est à toi de venir voir ta population qui est en souffrance (…). Quand il y a les élections, il sait à quelle porte aller frapper.”  
 
Salomé demande que la commune leur donne plus de temps. “Cela va être trop tôt aussi pour nous, les deux mois qu’il nous reste. On n’a pas vraiment le temps de chercher. Mais moi je ne vais plus chercher (…). Je vais emmener toutes mes affaires à la mairie. Je vais aller vivre à la mairie avec tous ceux qui vivent ici avec moi (…). Je demande juste de l’aide pour tous ceux qui vivent ici.”  
 
Depuis cette annonce, Salomé est perturbée : “Je ne dors plus, ni ne mange (…) car demain matin, toutes mes affaires seront sur la route. C’est ce à quoi je pense tous les jours.”

“Faire pression sur les pouvoirs publics pour leur donner une maison”

Le premier adjoint au maire de la commune de Faa’a, Robert Maker, assure qu’il y a quelques années, “on a été pris de court (…). Personne ne savait qu’il y avait des gens dessus. On est venu nous le dire et on a envoyé les mūto’i”. Il explique ensuite que ces familles étaient bien au courant qu’elles ne pouvaient pas s’installer sur ce domaine et surtout dans les bâtiments. “Dès le départ, nous avons fait remarquer à toutes les familles qu’il était interdit d’aller dans ces maisons, qu’elles mettaient leur propre santé en jeu dès lors que ces maisons sont plein d’amiante.”
 
Selon lui, les bâtiments devaient être désamiantés mais il indique que lorsque l’État a rétrocédé le domaine à la commune, il n’y avait aucun accès et “les logements sont toujours restés en place”. Il explique également que le désamiantage a un coût, même si l’État accompagne la commune. 
 
Le premier adjoint au maire se souvient encore que “dès 2020, les familles se sont installées malgré les interdictions (…). Elles sont restées dessus jusqu’à considérer qu’elles sont chez elles. La réalité, quand on examine bien la problématique, c’est que toutes ces familles-là utilisent ce moyen pour faire pression sur les pouvoirs publics pour leur donner une maison”.
 
Mais en attendant, la commune a envoyé une assistance sociale de la commune sur place pour y réaliser une enquête qui a ensuite été transmise au Pays. “La balle est dans le camp du Pays, et il faudra bien que le Pays cherche des solutions et nous sommes prêts à participer pour chercher des solutions. Il doit y en avoir.”
 
En effet, l’enquête révèle que certaines familles ont des revenus et qu’elles sont prêtes à rentrer dans les îles. “Peut-être que là, le Pays sera sollicité pour que ces personnes puissent bénéficier une aide de l’OPH pour pouvoir construire une maison décente pour elles (…). Ces personnes pourront rentrer dans leur île tranquillement.”  
 
Il ajoute également que certains ont “encore des points de chute ici, à Faa’a. Il y a des enfants qui sont sortis du foyer familial et qui se sont installés ici et qui sont prêts maintenant à rentrer chez eux. Ce n’est pas dans la culture de la commune qu’on déguerpisse les gens. Ce sont des situations délicates et douloureuses pour tout le monde.”

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mercredi 8 Janvier 2025 à 20:20 | Lu 1814 fois