Rempang, Indonésie | AFP | mercredi 03/10/2023 - Assis sur une passerelle entre les maisons sur pilotis, Sadam Husen, petit pêcheur indonésien, craint pour sa communauté: pour faire place à une usine de verre à capitaux chinois, la population locale risque de devoir quitter à jamais l'île où elle a toujours vécu.
Le gouvernement indonésien a ordonné aux 7.500 habitants historiques de l'île Rempang, dans l'archipel des îles Riau, de faire leurs bagages et de quitter les lieux.
Selon Jakarta, le groupe chinois Xinyi Glass, l'un des premiers producteurs mondiaux de verre et de panneaux solaires, compte investir 11,6 milliards de dollars (10,9 mds d'euros) dans une usine, après un accord entre le président indonésien Joko Widodo et son homologue chinois Xi Jinping.
Située dans la zone stratégique du détroit de Malacca, l'île de 17.000 ha est riche en sable de quartz, nécessaire à la fabrication de verre et de panneaux solaires.
Mais la population ne l'entend pas de cette oreille.
"C'est de plus en plus tendu", confie le pêcheur de 32 ans, qui a manifesté pacifiquement contre le projet d'expulsion. "Nous n'avons pas envie de prendre la mer. Le plus important est de sauver notre village".
"Je veux vivre en paix. Cela fait un mois que je n'arrive pas à dormir", ajoute Sadam Husen.
Des manifestations récentes ont tourné à l'émeute à Batam. Aux cocktails Molotov et aux jets de pierres et bouteilles, la police a répondu par des gaz lacrymogènes et des canons à eau.
Des dizaines de manifestants ont été interpellés et un renfort de quelque 200 policiers anti-émeute a été envoyé sur place.
Sous la pression, les autorités ont annoncé que le départ des villageois, initialement prévu fin septembre, était reporté à une date non précisée.
Des milliers d'emplois
Selon les autorités, l'usine, dont la construction doit débuter l'an prochain, va transformer l'île en un "éco-projet" qui va créer des milliers d'emplois et attirer des milliards d'investissements d'ici 2080.
Contacté par l'AFP, le groupe chinois Xinyi Glass n'a pas fait de commentaires.
Pékin a massivement investi au cours des dernières années en Indonésie dans des projets d'infrastructures ou miniers provoquant parfois de vives réactions de la part de la population locale. En janvier dernier, des affrontements meurtriers avaient éclaté dans une mine de nickel sur l'île indonésienne des Célèbes.
"Nous sommes tous d'accord sur le fait que l'Indonésie a besoin d'argent et l'un des moyens d'y parvenir est à travers l'investissement", soutient Muhammad Rudi, le maire de la ville de Batam.
Et celui qui préside également l'agence gouvernementale BP Batam de s'interroger: "S'ils (la Chine, ndlr) prennent peur et partent, qu'adviendra-t-il de Rempang ?".
Mais l'existence des familles qui vivent essentiellement de la pêche "est sans conteste menacée par ce projet", dénonce Parid Ridwanuddin, membre de l'ONG indonésienne Walhi.
Officiellement, quelque 700 familles sont concernées et pourraient, en compensation, recevoir chacune un terrain de 500 m2 et une maison de 45 m2, représentant environ 120 millions de roupies (7.330 euros).
En attendant que les maisons soient construites, les insulaires seront relogés dans des appartements à Batam et recevront chacun 1,2 million de roupies (73 euros) par mois pendant six mois.
Mais pour certains, il ne s'agit là que de promesses. "Aucun contrat n'a été signé, ce ne sont que des paroles", dénonce Timo, 67 ans, chef du village de Monggak, qui comme beaucoup d'Indonésiens, ne porte qu'un seul nom.
Selon les autorités, les résidents ne possèdent aucun titre de propriété. Les habitants rétorquent qu'ils vivent ici depuis plus d'un siècle, documents à l'appui.
"Si Dieu veut que cela arrive, je ne peux rien faire. En attendant, je resterai sur place et je ne signerai pas", a assuré à l'AFP une habitante du village de Sembulang, sous couvert d'anonymat.
Climat de peur
Sur la route qui mène de Batama à Rempang, de grands panneaux appellent les habitants à quitter leur maison.
Dans les rues de Sembalung, le second village concerné par l'ordre d'expulsion, la présence policière et militaire est forte.
Selon la même habitante qui requiert l'anonymat, des policiers ont fait du porte à porte pour contraindre la population à partir. "J'ai peur qu'ils entrent chez moi au milieu de la nuit et m'expulsent", confie-t-elle.
Le maire dément de son côté que son personnel ait intimidé les habitants.
Mais selon Amnesty International Indonésie, "la présence excessive de policiers et de soldats (...) a créé un climat de peur et vise à intimider les résidents", dénonce Usman Hamid, le directeur de l'ONG.
Si les autorités assurent que le projet d'usine n'occupera que 2.300 des 10.000 ha de l'île, le projet, selon l'ONG Wahli, pourrait endommager la vie marine de Rempang, polluer la zone et entraîner une surexploitation de ses vastes ressources en sable.
"Nous n'accepterons jamais d'être déplacés", conclut Timo, "nous avons le cœur lourd".
Le gouvernement indonésien a ordonné aux 7.500 habitants historiques de l'île Rempang, dans l'archipel des îles Riau, de faire leurs bagages et de quitter les lieux.
Selon Jakarta, le groupe chinois Xinyi Glass, l'un des premiers producteurs mondiaux de verre et de panneaux solaires, compte investir 11,6 milliards de dollars (10,9 mds d'euros) dans une usine, après un accord entre le président indonésien Joko Widodo et son homologue chinois Xi Jinping.
Située dans la zone stratégique du détroit de Malacca, l'île de 17.000 ha est riche en sable de quartz, nécessaire à la fabrication de verre et de panneaux solaires.
Mais la population ne l'entend pas de cette oreille.
"C'est de plus en plus tendu", confie le pêcheur de 32 ans, qui a manifesté pacifiquement contre le projet d'expulsion. "Nous n'avons pas envie de prendre la mer. Le plus important est de sauver notre village".
"Je veux vivre en paix. Cela fait un mois que je n'arrive pas à dormir", ajoute Sadam Husen.
Des manifestations récentes ont tourné à l'émeute à Batam. Aux cocktails Molotov et aux jets de pierres et bouteilles, la police a répondu par des gaz lacrymogènes et des canons à eau.
Des dizaines de manifestants ont été interpellés et un renfort de quelque 200 policiers anti-émeute a été envoyé sur place.
Sous la pression, les autorités ont annoncé que le départ des villageois, initialement prévu fin septembre, était reporté à une date non précisée.
Des milliers d'emplois
Selon les autorités, l'usine, dont la construction doit débuter l'an prochain, va transformer l'île en un "éco-projet" qui va créer des milliers d'emplois et attirer des milliards d'investissements d'ici 2080.
Contacté par l'AFP, le groupe chinois Xinyi Glass n'a pas fait de commentaires.
Pékin a massivement investi au cours des dernières années en Indonésie dans des projets d'infrastructures ou miniers provoquant parfois de vives réactions de la part de la population locale. En janvier dernier, des affrontements meurtriers avaient éclaté dans une mine de nickel sur l'île indonésienne des Célèbes.
"Nous sommes tous d'accord sur le fait que l'Indonésie a besoin d'argent et l'un des moyens d'y parvenir est à travers l'investissement", soutient Muhammad Rudi, le maire de la ville de Batam.
Et celui qui préside également l'agence gouvernementale BP Batam de s'interroger: "S'ils (la Chine, ndlr) prennent peur et partent, qu'adviendra-t-il de Rempang ?".
Mais l'existence des familles qui vivent essentiellement de la pêche "est sans conteste menacée par ce projet", dénonce Parid Ridwanuddin, membre de l'ONG indonésienne Walhi.
Officiellement, quelque 700 familles sont concernées et pourraient, en compensation, recevoir chacune un terrain de 500 m2 et une maison de 45 m2, représentant environ 120 millions de roupies (7.330 euros).
En attendant que les maisons soient construites, les insulaires seront relogés dans des appartements à Batam et recevront chacun 1,2 million de roupies (73 euros) par mois pendant six mois.
Mais pour certains, il ne s'agit là que de promesses. "Aucun contrat n'a été signé, ce ne sont que des paroles", dénonce Timo, 67 ans, chef du village de Monggak, qui comme beaucoup d'Indonésiens, ne porte qu'un seul nom.
Selon les autorités, les résidents ne possèdent aucun titre de propriété. Les habitants rétorquent qu'ils vivent ici depuis plus d'un siècle, documents à l'appui.
"Si Dieu veut que cela arrive, je ne peux rien faire. En attendant, je resterai sur place et je ne signerai pas", a assuré à l'AFP une habitante du village de Sembulang, sous couvert d'anonymat.
Climat de peur
Sur la route qui mène de Batama à Rempang, de grands panneaux appellent les habitants à quitter leur maison.
Dans les rues de Sembalung, le second village concerné par l'ordre d'expulsion, la présence policière et militaire est forte.
Selon la même habitante qui requiert l'anonymat, des policiers ont fait du porte à porte pour contraindre la population à partir. "J'ai peur qu'ils entrent chez moi au milieu de la nuit et m'expulsent", confie-t-elle.
Le maire dément de son côté que son personnel ait intimidé les habitants.
Mais selon Amnesty International Indonésie, "la présence excessive de policiers et de soldats (...) a créé un climat de peur et vise à intimider les résidents", dénonce Usman Hamid, le directeur de l'ONG.
Si les autorités assurent que le projet d'usine n'occupera que 2.300 des 10.000 ha de l'île, le projet, selon l'ONG Wahli, pourrait endommager la vie marine de Rempang, polluer la zone et entraîner une surexploitation de ses vastes ressources en sable.
"Nous n'accepterons jamais d'être déplacés", conclut Timo, "nous avons le cœur lourd".