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Internet : l’offre Vodasurf Mobile déclarée "déloyale" à la demande de Viti


PAPEETE, 18 juin 2018 - Le tribunal mixte de commerce enjoint la société PMT-Vodafone de cesser la commercialisation de son offre internet Vodasurf Mobile et de résilier tous les contrats d’abonnement conclus, sous 30 jours. L’avocat de PMT, Me Quinquis, annonce qu’il fait appel pour demander la levée de l’exécution provisoire de cette décision rendue vendredi.

La transformation du marché polynésien des télécoms vers plus de concurrence semble inévitable dès cette année. Ses premières heures se jouent en attendant à couteaux tirés devant la justice.

Mardi dernier, la société Viti, actuellement fournisseur d’accès à internet, a obtenu du tribunal administratif une injonction ordonnant au Pays de lui délivrer sous 30 jours une licence d’opérateur de téléphonie mobile. Le même jour, en audience, c’est le recours de Pacific Mobile Telecom (PMT-Vodafone) qui occupait les magistrats du tribunal administratif. A l’instar de Viti, le tribunal devrait aller dans le sens de PMT-Vodafone qui demande à être autorisé en tant que fournisseur d'accès à internet. La réglementation plaide en sa faveur, puisque le secteur des télécommunications est ouvert à la concurrence depuis 2003, en Polynésie française. PMT est autorisée depuis 2011 à commercialiser des offres de téléphonie et internet mobiles sur le marché local. La société estime aujourd’hui nécessaire d’obtenir une licence de FAI, ce qui lui permettrait de commercialiser des offres internet fixe et améliorer la qualité de son service d'internet mobile. Depuis plusieurs mois, les deux concurrents de la SAS Vini, filiale de l’Office des postes et télécommunications (OPT), envisagent chacun de son côté une convergence de leur offre télécom afin de proposer un service voix, internet et data à leurs abonnés. Aussi, avant septembre prochain, les usagers polynésiens devraient-ils être en capacité de choisir entre trois opérateurs proposant une offre télécoms complète avec un accès à internet fixe et mobile couplé à un service voix et data.

Mais, si les intérêts des sociétés PMT-Vodafone et Viti semblent se rejoindre lorsqu’il s’agit d’ébranler le monopole historique de l'OPT, rien ne prédispose ces deux opérateurs télécoms à une bienveillance commerciale mutuelle. Et c’est dans ce contexte que la société Viti a saisi le tribunal mixte de commerce fin mars dernier et obtenu vendredi qu’il enjoigne la société PMT-Vodafone de cesser la commercialisation de son offre Vodasurf Mobile, pour "concurrence déloyale". Cette offre commercialise depuis fin 2017 des cartes à puce permettant aux usagers de Vodafone d’accéder à son réseau internet 4,5 G, y-compris à domicile au moyen d'un routeur spécial.

C’est cet accès internet à domicile, au moyen d'un routeur, qui pose problème pour la SAS Viti. Selon elle, cette offre revient à intervenir en fournisseur d’accès à internet, sans autorisation. Et pour Viti, qui détient cette licence de FAI, cela relève de la "concurrence déloyale". Viti demandait en conséquence au tribunal d’enjoindre PMT de retirer l’offre Vodasurf Mobile du marché et de résilier tous les contrats d’abonnement souscrits au titre de cette offre.

La société PMT-Vodafone a bien tenté de défendre que ses routeurs fonctionnent au moyen de "cartes SIM". Mais le tribunal mixte de commerce constate que l’arrêté 581-CM du 4 mai 2011 se borne pour l’heure à autoriser PMT à "établir et à exploiter un réseau de télécommunication de troisième génération ouvert au public et à fournir un service de télécommunication mobile ouvert au public".

Sur la forme, PMT a plaidé en faveur d’une irrecevabilité de la demande de Viti tendant à la résiliation des contrats Vodasurf Mobile déjà souscrits, en vertu d’une disposition du code civil qui interdit à un tiers d’agir en résiliation d’une convention dont il n’est pas partie (art. 1165).

Sur le fond, PMT se défend d’avoir commis la moindre faute de nature à créer une situation de concurrence déloyale. L'enseigne polynésienne Vodafone dit avoir agi en respect de sa licence d’opérateur, et sous le contrôle des autorités de régulation.

Le tribunal de commerce a cependant jugé que le fait, pour PMT, d’exercer une activité économique sans l’autorisation requise, en violation de la réglementation, crée une distorsion dans le jeu de la concurrence sur le marché polynésien du secteur des télécoms. Et que "cette distorsion est un acte de concurrence déloyale".

La décision rendue vendredi ordonne à PMT-Vodafone de cesser la commercialisation des offres Vodasurf Mobile sous 5 jours et de résilier, sous 30 jours, tous les contrats conclus au titre de cette offre. Surtout, le tribunal ordonne l’exécution provisoire de son jugement.

"Je vais bien sûr relever appel de cette décision", assure Me François Quinquis, avocat de la société PMT-Vodafone. "Je vais saisir M. Le premier président de la cour d’appel aux fins de suspension de l’exécution provisoire. Cette décision me fâche, parce qu’elle intervient sans grand fondement juridique : comment peut-on enjoindre une société d’avoir à résilier des contrats, alors même que la SAS Viti n’est pas partie à ces contrats ? C’est une question de relativité des contrats. Surtout, vous n’êtes pas sans savoir que le tribunal administratif est saisi d’un recours visant à nous accorder le droit de commercialiser de l’internet de façon large et générale. De sorte que cette décision ne m’apparaît pas fondée, mais de surcroît complètement en opposition avec la décision que s’apprête à rendre la juridiction administrative".

Dans cet autre dossier, le tribunal administratif doit se prononcer mardi 26 juin et devrait, s'il suit l'avis exposé par le rapporteur public mardi dernier, enjoindre le Pays de délivrer une licence de fournisseur d'accès à internet en faveur de PMT-Vodafone.

Que vaut notre licence d’internet mobile si on ne peut pas commercialiser d’internet mobile ? (Patrick Moux)

Le vice-président de PMT-Vodafone a vivement réagi au jugement du tribunal mixte de commerce mettant en demeure sa société de cesser la commercialisation de l'offre Vodasurf Mobile. Pour Patrick Moux, cette décision est incompréhensible : "On a hâte de voir les motivations réelles derrière cela. En Polynésie, nous avons une particularité, en dehors d’être un beau pays, c’est d’être le seul pays au monde à ne pas pouvoir vendre de l’internet mobile. Nulle part ailleurs vous verrez ça. Que vaut notre licence d’internet mobile si on ne peut pas commercialiser d’internet mobile ? Cette décision est une hérésie totale".

Dans son jugement, le tribunal analyse que vous avez commercialisé de l’internet fixe alors que vous n’avez pas de licence pour cela.
L'offre Vodasurf Mobile n’a rien à voir avec de l’internet fixe. Nous faisons une offre d’internet mobile au moyen d’une carte SIM qui concerne la data. C’est une offre mobile comme nous en vendions au départ de Vodafone. Maintenant, les technologies ont évolué et nous sommes plus compétitifs que nos concurrents. Et j’observe que l’on est en train de nous le reprocher. Tout le monde se plaint du service Viti et cherche à passer chez Vodafone. Nous allons faire appel de ce jugement et laisser une autre juridiction juger.
Nous allons surtout observer attentivement la réaction des consommateurs polynésiens. Pour l’instant, nous avons reçu énormément de soutiens. Et je veux profiter de cet instant pour remercier publiquement tous ceux qui nous soutiennent. Ces messages nous touchent vraiment, et nous font chaud au cœur parmi le personnel de Vodafone. Les gens reconnaissent notre valeur.


Avez-vous vendu beaucoup d’offres Vodasurf Mobile, depuis fin 2017 ?
Plus de 3000. Et c’est facile : beaucoup de clients se plaignent des services actuels, et notamment ceux de Viti. Ils disent que ça rame… Avec Vodasurf Mobile, la connexion est fluide. C’est pour cela que l’on n’a pas fait beaucoup de publicité sur ce produit. On ne voulait pas alourdir notre réseau. On a choisi au cas par cas, pour ne pas détériorer notre service.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 18 Juin 2018 à 11:20 | Lu 3789 fois