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Indemnisations du nucléaire : une cellule d’État en visite dans les quartiers


Le haut-commissariat a mis en place depuis 2022 une cellule itinérante pour aider les victimes des essais nucléaires français à constituer leur dossier d'indemnisation. Ce mardi, elle était installée dans le quartier de la Mission à Papeete.
Le haut-commissariat a mis en place depuis 2022 une cellule itinérante pour aider les victimes des essais nucléaires français à constituer leur dossier d'indemnisation. Ce mardi, elle était installée dans le quartier de la Mission à Papeete.
Tahiti, le 26 septembre 2023 – Les agents de l'État se rendent dans les quartiers de Papeete afin d'aider la population dans la constitution de leur dossier de demande d'indemnisation au titre de la loi Morin. Depuis le début d'année 2023, ce sont plus de 600 dossiers qui ont été acceptés dans le cadre de ces missions.
 
Ce mardi 26 septembre, à la maison de quartier “Te hotu o te aroha” de la Mission, les agents du haut-commissariat avaient rendez-vous avec les victimes des essais nucléaires afin de les aider dans la constitution de leur dossier d'indemnisation auprès du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen). En effet, 27 ans après la fin des essais nucléaires en Polynésie française, certaines victimes sont toujours dans l'attente d'une indemnisation. Promulguée le 5 janvier 2010, et modifiée à plusieurs reprises depuis, la loi Morin prévoit les conditions ouvrant droit à réparation financière pour “toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français”. Si en théorie le message semble clair, dans son application, en revanche, la loi rencontre certaines difficultés d'origines diverses.
 
“Le problème le plus récurrent que l'on rencontre avec les personnes qui viennent nous voir, c'est l'incapacité de fournir des certificats de résidence durant la période des essais nucléaires”, explique Samuel Hamblin, agent du haut-commissariat. Pour rappel, deux grands critères sont pris en compte pour prétendre à une indemnisation du Civen : Avoir séjourné en Polynésie française entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998, et être porteur de l'une des 23 maladies reconnues comme potentiellement radio-induites. Et parmi celles-ci, les cancers sont majoritaires : Cancer du corps thyroïde, cancer de l'utérus, cancer du côlon, ou encore cancer cutané pour ne citer qu'eux. Autre difficulté rencontrée, prouver que ces cancers sont bel et bien radio-induits.
 
Des malades qui n'y croient plus
 
“Je suis arrivé en Polynésie en 1974, j'étais dans la marine. J'y étais à Moruroa, et aujourd'hui, j'ai des carcinomes [variété de cancer cutané] qui apparaissent un peu partout sur ma peau. Le médecin militaire de l'époque, sans examen et à vue d'œil, avait décrété que comme j'étais blanc de peau je ne supportais tout simplement pas le soleil. Il avait refusé mon dossier d'indemnisation. Aujourd'hui je n'y crois plus à tout ça, mais c'est mon fils qui a insisté pour que je vienne”, témoigne Philippe Lambert, résident polynésien depuis près de 50 ans maintenant. Un sentiment partagé par les autres personnes venues à la maison de quartier “Te hotu o te aroha”, ce mardi matin à la Mission,  pour trouver des réponses auprès des agents de l'État. En effet, Tevaite et sa sœur Heiata ne sont pas malades, mais les deux femmes sont venues représenter leur père : “Il ne voulait pas venir. Pour lui, la France ne reconnaîtra jamais ses torts. Mais nous on vient quand même se renseigner pour lui, car on s'inquiète.” 
 
L'État à l'action
 
De son côté, l'État, représenté localement par les agents du haut-commissariat, assure mettre les bouchées doubles dans l'accompagnement des victimes. “Notre service a été créé suite au passage du président de la République Emmanuel Macron en juillet 2021 et grâce aux interventions des associations locales. Depuis 2022, nous avons entamé une grosse campagne de suivi des conséquences des essais nucléaires dans les Tuamotu-Est, mais aussi à Tahiti du côté de Taiarapu-Est. Pour cette année 2023, nous continuons nos missions dans les îles et nous nous attaquons au grand Papeete”, affirme fièrement Samuel Hamblin, agent de mission.
 
Et pour cause, désormais, l'État propose de s'occuper en partie des démarches administratives lors de la constitution des dossiers : “Nous savons que ces démarches représentent un frein pour les Polynésiens. C'est pourquoi aujourd'hui, grâce à des procurations que l'on fait signer aux victimes, nous pouvons avoir accès directement au dossier médical ou encore au relevé de carrière auprès de la CPS. Ce qui pouvait mettre un mois à obtenir pour une personne lambda, nous pouvons l'avoir désormais en deux semaines par nous même. Aujourd'hui, dans la constitution du dossier Civen, les demandeurs doivent s'occuper de récupérer un certificat de résidence justifiant qu'ils étaient en Polynésie française entre 1966 et 1998. On s'occupe du reste.” Selon le haut-commissariat, depuis le début de l'année 2023, plus de 600 dossiers auraient été validés et d'ici la fin de l'année ils devraient être plus de 800 à être retenus. Reste à savoir quand, et à quelle hauteur, les victimes seront indemnisées.

Prochaines dates :
 
Vendredi 28 septembre 8 à 12 heures : Maison de quartier de Tamatini à Mamao (ancienne école maternelle)
 
Mardi 10 octobre 8 à 12 heures : Maison de quartier de Pinai dans la vallée de Tipaerui
 
Jeudi 12 octobre de 8 à 12 heures : Maison de quartier de Blue Lagoon à Taunoa (en face de l'école Taimoana)
 
Mardi 17 octobre de 8 à 12 heures : Maison de quartier de Temauri Village à Titioro (avant la résidence Timiona)
 
Mardi 24 octobre de 8 à 12 heures : Maison de quartier Puatehu au fond de la vallée de Titioro
 
Jeudi 26 octobre de 8 à 12 heures : Maison de quartier Punahere à Vaitatava

 
 

Rédigé par Wendy Cowan le Mardi 26 Septembre 2023 à 14:39 | Lu 1794 fois