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"Inceste intergénérationnel”, 6 ans ferme pour un papi pédophile


Vêtu d'un débardeur noir, le crâne dégarni, le visage marqué par le temps, le prévenu n'a pas levé les yeux durant toute l'audience. Il a été condamné pour de multiples agressions sexuelles sur sa fille et deux de ses petites-filles. Crédit photo : Thibault Segalard.
Vêtu d'un débardeur noir, le crâne dégarni, le visage marqué par le temps, le prévenu n'a pas levé les yeux durant toute l'audience. Il a été condamné pour de multiples agressions sexuelles sur sa fille et deux de ses petites-filles. Crédit photo : Thibault Segalard.
Tahiti, le 8 octobre 2024 – Dans une affaire “d'inceste intergénérationnel” marquée par de multiples agressions sexuelles sur sa fille et ses deux petites-filles, un sexagénaire a écopé de 6 ans de prison ferme, ce mardi matin, devant le tribunal correctionnel de Papeete.
 
Mardi matin, le tribunal correctionnel de Papeete a jugé une affaire qualifiée “d'inceste intergénérationnel” par l'avocat de la partie civile. Un homme d'une soixantaine d'années était jugé pour l’agression sexuelle de sa fille, Hina (nom d'emprunt), à deux reprises en 1998 et 2008, ainsi que deux de ses petites-filles, mineures de moins de 15 ans, à plusieurs reprises entre 2017 et juillet 2023, jusqu'à son placement en détention provisoire.
 
Un prévenu impassible
 
Vêtu d'un débardeur noir, le crâne dégarni, le visage marqué par le temps, le prévenu n'a pas levé les yeux durant toute l'audience, impassible, se contentant de fixer le sol et de répondre très brièvement, en tahitien, aux questions du tribunal, attestant très régulièrement qu'il ne se souvenait plus des faits. L’homme a tenté de justifier cette attitude à l’appui d’un accident vasculaire cérébral (AVC) dont il a été victime en 2022, affirmant que cela lui aurait fait perdre sa capacité de concentration. Il avait pourtant reconnu les faits lors de son interrogatoire devant le juge d'instruction.
 
Protégé par une omerta familiale probablement orchestrée par sa femme, le prévenu a pu faire subir à plusieurs générations de femmes de sa famille — filles et petites-filles — des agressions sexuelles répétées. Il avait déjà été condamné en 2000 et 2006 pour des agressions sexuelles sur sa propre fille, qui témoignait ce mardi devant le tribunal. Elle a admis n'avoir pas tout dit lors des précédents procès, par honte “d'envoyer son père en prison”. D'autres sœurs de la victime ont confirmé lors de l'enquête avoir également subi des attouchements de la part de leur père.
 
Une enquête déclenchée par l'école
 
L’affaire a été révélée grâce à l’équipe pédagogique de l’école de la plus jeune des petites-filles. Alertés par le comportement de l'enfant, qui se rendait souvent aux toilettes, les enseignants ont posé des questions, auxquelles la fillette a répondu qu’elle “n’aimait pas son papi” parce qu’il la “touchait en bas [...] me regardait dans la chambre”, a-t-elle confié.
 
Très vite, les enquêteurs ont alors interrogé les autres membres de la fratrie, composée de cinq enfants, et découvert un climat de terreur au sein du foyer. L'aînée de la fratrie, âgée de 16 ans, a révélé que son grand-père la touchait depuis l’âge de six ans. “Il me touchait la poupoune, la bouche, essayait de m’embrasser”, a-t-elle déclaré, ajoutant : “Il a tellement de trucs dont je ne me rappelle plus...” Elle a également évoqué, toujours devant les enquêteurs, le jour où il lui avait dit frontalement qu'il avait “envie de la lécher”. Toujours enfermé dans son mutisme, le sexagénaire a soufflé “ne pas se souvenir” de ces événements.
 
De plus, ces agressions sexuelles dans le foyer ont été accompagnées de violences physiques sur l'un des garçons de la fratrie. Le prévenu l'aurait notamment frappé à plusieurs reprises mais lui aurait aussi jeté une “papaye sur la tête”.
 
L’expertise psychologique des enfants, présentée par le président du tribunal, a mis en lumière la gravité de leur situation. L'aînée de la fratrie, âgée de 16 ans, présente un risque suicidaire élevé et vit dans une peur constante pour ses frères et sœurs, encore sous le même toit que leur grand-père. Son frère, fréquemment frappé, est en état de “sidération”. En somme, le rapport fait état d'enfants “en danger” et vivant dans une “insécurité permanente”. Quant au prévenu, il ne présente aucune altération de discernement ni anomalie mentale mais souffre, de toute évidence, d’un trouble pédophilique.
 
Révélations tardives de la mère
 
Auditionnée à son tour dans le cadre de l'enquête autour de ses enfants, la mère – elle-même agressée sexuellement –, a témoigné de ce qu'elle avait elle-même subi dans sa jeunesse, donnant même des précisions dont elle n'avait jamais parlé auparavant. Bien que son père ait déjà été condamné pour des agressions à son encontre, elle a vécu d'autres épisodes traumatisants, notamment lorsqu'elle avait 10 ans, où il avait “mis son pénis dans sa bouche”. Partie vivre sur un atoll des Tuamotu à l'âge adulte avec son mari, c’est la mort brutale de ce dernier, en 2016, qui l’avait contrainte à revenir vivre chez ses parents, dans l'antre de ses traumatismes infantiles. “Je ne pouvais pas garder mes enfants seules et ma mère m'avait affirmé que mon père avait changé”, a-t-elle expliqué au tribunal. C'est en 2022 qu'elle a découvert les abus commis sur ses propres enfants. Une omerta familiale s’est alors installée, sa mère la pressant de ne pas porter plainte sous peine d'être “mise à la porte”, et demandant à ses petits-enfants de garder le silence, affirmant que “papi est malade”.
 
Six ans ferme
 
À la barre, l'avocate de la partie civile, représentant les trois enfants victimes, a évoqué une fratrie “peu chanceuse”, marquée par une enfance difficile. “Après la mort de leur père, ils espéraient trouver un vrai grand-père. Ce ne fut pas le cas”, a-t-elle déclaré. Pour elle, ces faits caractérisent un “inceste intergénérationnel” mené par un “grand-père prédateur” et couvert par sa femme. Le procureur a pour sa part décrit une “pyramide d'abus sexuels sur deux générations”, avant de requérir une peine de six ans d’emprisonnement assortie de deux ans de suivi socio-judiciaire. Lorsque la parole a été donnée au prévenu avant que le tribunal ne se retire pour délibérer, ce dernier, à la surprise de tous, a quitté son mutisme en se fendant pour la première et unique fois, d'excuses envers ses victimes : “Je demande pardon pour ce que j'ai fait.” Un mea culpa tardif.

Le tribunal condamne ce papi pédophile à six ans de prison et prononce son maintien en détention. À sa sortie, il devra suivre un suivi socio-judiciaire de six ans avec interdiction de prendre contact avec les victimes, de paraitre à leur domicile ou de se présenter sur le terrain familial. Il sera également inscrit sur le fichier national des auteurs de crimes sexuels.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mardi 8 Octobre 2024 à 16:09 | Lu 2813 fois