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Immobilier : Après la flambée, la stabilisation


Face à un marché verrouillé par la rareté du foncier et une hausse mécanique des coûts, l’accession à la propriété au Fenua n’est plus seulement une question de budget, mais une véritable épreuve de force. Crédit photo : Archives TI.
Face à un marché verrouillé par la rareté du foncier et une hausse mécanique des coûts, l’accession à la propriété au Fenua n’est plus seulement une question de budget, mais une véritable épreuve de force. Crédit photo : Archives TI.
Tahiti, le 1er mars 2025 – Au Fenua, l’immobilier flambe et l’accès à la propriété devient un luxe. En six ans, les prix ont grimpé de façon exponentielle, portés par la rareté du foncier et l’envolée des coûts de construction. Faut-il y voir un emballement spéculatif ou une hausse inévitable dictée par le marché ? Au salon de l’immobilier et de l'investissement, ce samedi, agents et promoteurs sont unanimes : la hausse est structurelle.

L’immobilier polynésien semble être engrené dans une spirale inflationniste. En l’espace de cinq ans, les prix ont bondi de manière exponentielle, faisant de l’accès à la propriété un luxe réservé à une élite toujours plus restreinte. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. "Une maison à 85 millions de francs aujourd’hui, nous la vendions à 65 millions il y a six ans. En moyenne, il y a eu une augmentation de 20 à 25 %" expliquait l'an dernier Liliane Biancuzzi, gérante de Poerava Immobilier.
 
Un constat partagé par les professionnels présents au salon de l’immobilier et de l’investissement, organisé ce samedi au Hilton de Tahiti. Mais qu’en est-il des causes réelles de cette flambée ? Une bulle spéculative qui menace d’éclater ? Pas du tout, rétorquent les experts interrogés. "Ce n’est pas de la spéculation, c’est un marché sous tension", tranche Jacques, de l'agence immobilière Sotheby’s. "Les prix montent vite, parce que la demande et l'argent sont là. Mais au-delà des montants affichés, le vrai problème pour les acheteurs est de trouver chaussure à leur pied."
 
Même analyse du côté du promoteur immobilier Franck Zermati, à la tête d'Imagine Promotion. "Ce n'est pas une bulle (...) En tant que promoteur qui est en Polynésie française depuis 20 ans, on peut affirmer que les prix ont largement augmenté ces 5-6 dernières années (...)". Selon lui, cette augmentation serait structurelle, et très largement imputable à deux facteurs. "C'est une hausse mécanique. Les prix du foncier et de la construction ont largement augmenté."
 
Foncier et construction : La double peine des acheteurs
 
Le principal levier de cette inflation reste la terre elle-même. Le foncier, ressource précieuse et limitée, se négocie aujourd’hui à des niveaux inédits. "Tout le monde l’a constaté, les terrains ne se vendent plus au même prix qu’il y a dix ans", souligne Franck Zermati.
 
Mais le terrain ne fait pas tout. Le coût de la construction s’est lui aussi envolé, sous l’effet conjugué de l’inflation des matériaux et de l’augmentation du fret. "Avant, quand tu achetais un bien à 100, il revenait à 130 après taxes", détaille le promoteur. "Aujourd’hui, ce même produit coûte déjà 130 à l’achat, et comme les taxes sont proportionnelles, le prix final explose."
 
Selon lui, le coût de la construction dans l'immobilier polynésien a longtemps été sous-évalué. "Nous sommes dans une phase de rattrapage. Il faut rappeler qu’il était autrefois moins cher, au prix du mètre carré, de construire en Polynésie que dans des villes moyennes de l'Hexagone. Ce n'était pas logique, d'autant que tous les produits en France sont en général moins chers qu'à Tahiti."
 

Le Salon de l'immobilier et de l'investissement a rassemblé une foule considérable, ce samedi, au Hilton. Crédit photo : Thibault Segalard.
Le Salon de l'immobilier et de l'investissement a rassemblé une foule considérable, ce samedi, au Hilton. Crédit photo : Thibault Segalard.
Un plafond en vue, mais pas de baisse à l’horizon
 
Si la flambée des prix semble s’être installée durablement, certains signaux laissent entrevoir un ralentissement. "Aujourd’hui, la tendance est à la stabilisation", estime Franck Zermati. "Les prix ne grimperont plus aussi vite, sauf pour des emplacements uniques."

Une accalmie confirmée par Jacques, de Sotheby’s : "À un moment donné, la hausse des prix s’arrêtera d’elle-même, car il y aura une décorrélation entre ce que les acheteurs sont prêts à payer et ce que le marché propose."
Mais une baisse franche des prix ? Inenvisageable, selon les spécialistes. "Il y a trop peu de biens disponibles pour qu’un retournement s’amorce", tranche Liliane Biancuzzi. La pénurie de foncier reste le verrou principal du marché.
 
Des mesures gouvernementales
 
Conscient de la difficulté croissante d’accéder à la propriété, le gouvernement polynésien a récemment annoncé deux mesures phares destinées aux ménages modestes. Premièrement, la réduction des droits d’enregistrement, passés de 11 % à 7 % lors d’une acquisition. Deuxièmement, le très attendu prêt à taux zéro, prévu pour juillet. Il viendra remplacer les taux réduits de frais de notaire pour les primo-accédants. Ce dispositif permettra de financer jusqu’à 50 % du prix d’achat, avec un plafond fixé à 12 millions de francs. Une aide bienvenue, mais qui ne suffira qu’à une frange limitée d’acheteurs, les plus modestes
 
Des initiatives bien accueillies par les professionnels. "C’est une très bonne idée", salue Liliane Biancuzzi. "C'est très bien. Cela aidera ceux qui, jusqu’ici, ne pouvaient pas acheter", abonde Franck Zermati.
 
Acheter maintenant ou attendre ?
 
Dans ce contexte, la question doit tarauder bon nombre d’acheteurs : faut-il acheter aujourd’hui ou espérer un retournement ? Pour les professionnels, la réponse ne fait aucun doute. Attendre une baisse des prix serait un pari risqué. "Il faut comprendre que l’immobilier, ce n’est pas une voiture produite en série", explique le patron d'Imagine Promotion. "Chaque bien est unique. Si un acheteur trouve un bien qui lui correspond, il faut l'acheter. Car demain, il pourrait être encore plus cher, ou ne plus être disponible." Même discours du côté de Jacques, de Sotheby’s : "Le marché ne va pas reculer, il faut acheter maintenant."
 
Face à un marché verrouillé par la rareté du foncier et une hausse mécanique des coûts, l’accession à la propriété au Fenua n’est plus seulement une question de budget, mais une véritable épreuve de force. Et dans cette course effrénée, il semble bien que seuls les plus fortunés verront la ligne d’arrivée.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Samedi 1 Mars 2025 à 15:42 | Lu 4665 fois