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"Il nous manque 100 millions pour financer le centre d'accueil des SDF"


Tahiti, le 1er juillet 2021 – Si les 20 millions de Fcfp offerts jeudi par l'homme d'affaires Albert Moux, au profit du futur centre d'accueil de jour pour les SDF permettent au Secours catholique de commencer à projeter les travaux, 100 millions manquent pour boucler le financement. Reconnaissant, le vicaire de la cathédrale de Papeete, Père Christophe, espère que ce geste en inspirera d'autres pour concrétiser le projet.
 
Sur les 100 millions qu'ils vous restent à trouver, avez-vous déjà des pistes ?
“On préférait ne pas recevoir l'argent avant d'avoir trouvé le foncier. Ça s'est concrétisé avec monsieur Moux qui a tenu parole maintenant que nous avons le terrain. On était d'accord pour communiquer là-dessus afin de stimuler les vocations. Une fois que le permis de construire sera déposé, on pourra parler davantage du projet, dont tout l'aspect du travail mené dans l'ombre. C'est vrai que jusque-là, on n'avait pas beaucoup d'informations à donner. Après, on a des bienfaiteurs plus modestes qui continuent à donner régulièrement. Mais c'est sûr qu'à un moment donné, il faut souhaiter avoir des donneurs un peu plus conséquents pour avancer de façon significative”.

Vous allez donc pouvoir commencer à construire ?
“Oui parce que nous avons les garanties de l'Église catholique derrière qui s'engage. Il faut juste que le permis de construire soit aux normes. Le 5 juillet justement, on a une réunion avec l'architecte pour finaliser le dépôt du permis de construire. Celui-ci a déjà fait les deux études nécessaires sur ce terrain de 1 765 mètres carrés à Mamao. Il a également préparé les lots et les appels d'offres”.

“Les donneurs plus conséquents permettent d'avancer de façon significative”

Outre les SDF, Père Christophe prend aussi le temps de recueillir un chien errant qu'il a baptisé Cathédrale. Crédit photo : EC
Outre les SDF, Père Christophe prend aussi le temps de recueillir un chien errant qu'il a baptisé Cathédrale. Crédit photo : EC
Il s'agit d'accueillir et de former, non d'héberger ?
“L'objectif n'est pas de l'hébergement. Ce qui sera probablement du ressort de l'association te Torea à Fare Ute. Notre expérience du terrain nous montre qu'il faut distinguer l'hébergement du lieu de formation, de reconstruction ou de santé. Dans un premier temps, ceux qui sont à la rue ne veulent pas forcément intégrer un lieu pour dormir avec un groupe. Mais il faut quand même pouvoir les accueillir. Si on offre un repas le soir en plus du repas du matin, tu ne peux pas dire à certains de rester dormir et aux autres de partir. On a vraiment voulu que ce soit séparé”.

Sait-on déjà comment le bâtiment sera structuré ?
“C'est un centre de jour dans lequel il y aura un espace médical et éventuellement des vacations d'une gynéco, d'un psy ou d'autres médecins spécialisés, toujours dans le cadre du bénévolat. Il y aura une cuisine et une salle à manger. Le bâtiment sera conçu de façon à pouvoir être aménagé en dortoir en cas de crise comme pour le Covid, mais aussi en cas d'urgence ou de catastrophe naturelle. C'est un grand espace couvert qui doit pouvoir accueillir 150 personnes. A l'étage, il y aura deux espaces formations de bases : atelier couture, confiture et alphabétisation. Ce n'est pas diplômant, mais ça permet de remettre nos protégés sur une activité. Il y aura aussi un aspect formation avec le Séfi mais plus dans le cadre d'une mise à disposition de locaux pour évoluer dans un environnement plus adapté. Parce qu'ils ont des habitudes entre eux. Le local sera ouvert à certaines associations comme les alcooliques anonymes”.

“On a des familles qui appellent à l'aide pour la première fois”

La mise à disposition de cette parcelle domaniale, derrière l’institut Mathilde Frébault, de 1 765 mètres carrés, c'était inespéré ?
“On a été gâté par le Pays, la superficie du terrain est au-delà de nos espérances, mais nécessaire pour accueillir un parking ou des espaces verts que je n'avais pas forcément intégrés dans le projet et qui sont imposés par le plan général d'aménagement de la commune. La surface est aussi idéalement située : il n'y a pas trop d'habitations autour, on ne devrait donc pas déranger contrairement à Vaininiore. On est proche de la ville, puisqu'il s'agit d'attirer les SDF, de les former et de les relancer. Dans la foi, on a souvent des idées et on est conforté quand ce qu'on reçoit dépasse nos attentes. Au bout du compte, on a un terrain idéal en termes d'espace et d'emplacement. Il n'y a pas de raisons que le patron là-haut nous fasse ce clin d'œil et qu'il nous lâche au moment de concrétiser la construction”.

Le confinement a-t-il mis en exergue l'importance de ce centre ?
“Le confinement nous a surtout permis de recenser avec exactitude le nombre de SDF. Il a fallu les mettre à l'abri dans des centres, en comptabilisant les repas distribués tous les soirs. On a donc confirmé qu'il y avait bien 300 SDF. C'est un chiffre qui augmente lentement depuis 25 ans au même titre que la croissance démographique. Le but de tout ce qu'on met en place, dont ce centre d'accueil, c'est bien de remettre ces gens sur les rails. Quand tu vois la fierté des ceux qui s'en sortent et qui reviennent avec un CDI, même si c'est le Smig, c'est une très grosse satisfaction”.

La crise sanitaire a-t-elle eu un impact sur vos activités, ou sur la précarité sociale ?
“Sur notre activité pas vraiment. On note par contre au niveau des dons, une plus grande générosité certainement liée à cette crise et de la population touchée par la précarité. On est passé de 30 colis alimentaires avant la crise à 400 l'année dernière, et là on est parti pour atteindre encore 400 cette année. Ce sont des familles qui ont un toit mais qui viennent demander de l'aide pour la première fois avec des situations de perte d'emploi ou de menace d'expulsion. Je n'ai pas l'impression que l'impact soit conséquent sur les gens qui vivent déjà dans la rue, plus sur ceux des quartiers. Le Pays va devoir faire face à ces personnes qui sont en situation de précarité, qui sont plus vulnérables qu'avant. Des gens qui n'ont pas l'habitude de demander, qui n'avaient déjà pas beaucoup, mais suffisamment pour ne pas avoir besoin d'appeler à l'aide”.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Jeudi 1 Juillet 2021 à 18:53 | Lu 3770 fois