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Hubert Haddad de retour à la barre


Tahiti, le 11 octobre 2022 – L'ancien président de la SEP Karl Meuel et l'homme d'affaires Hubert Haddad ont été entendus mardi à la barre du tribunal correctionnel de Papeete, sur le volet des "contrats publicitaires" du procès qui s'est ouvert lundi. Karl Meuel est accusé d'avoir engagé des dépenses mirobolantes au profit du groupe d'Hubert Haddad en contrepartie de dessous de table, mais les deux hommes ont nié les faits.
 
Au deuxième jour du procès pour corruption, détournement de fonds publics et prise illégale d'intérêts visant au premier chef l'ancien président de la Société Environnement Polynésien (SEP), Karl Meuel, le tribunal s'est penché sur les nombreux et juteux contrats publicitaires passés entre la SEP et la société 2H, dirigée par le sulfureux homme d'affaires, Hubert Haddad. Lors de l'examen de la gestion de la SEP opéré par la Chambre territoriale des comptes en 2009, cette dernière avait relevé que le montant annuel des contrats passés entre les deux sociétés avait été multiplié par sept entre 2003 et 2008. Les investigations menées ensuite dans le cadre de l'enquête préliminaire, puis de l'information judiciaire avaient permis d'établir que le montant annuel des contrats avait bondi de 10,5 millions de Fcfp en 2000 à 106 millions en 2007. Ces contrats avaient été passés sans aucune mise en concurrence et la SEP versait systématiquement 50% de leur montant dès la signature. L'enquête avait également établi qu'Hubert Haddad avait reversé dans le même temps des dessous de table en liquide à Karl Meuel. Des "dons" pour des œuvres caritatives, a rectifié Karl Meuel.
 
Treize ans après la révélation de cette affaire, les deux hommes ont été entendus par le tribunal correctionnel, mardi, pour s'expliquer sur les accusations de corruption qui leur sont donc reprochées dans le volet "contrats publicitaires" de cette affaire. Interrogé mardi durant deux longues heures, Karl Meuel a soutenu que même si la SEP était dans une situation financière difficile, qu'il avait engagé ces conséquentes dépenses au profit du groupe 2H car cela faisait partie de son "plan de communication". "Il était important de toucher la population, j'ai donc communiqué abondamment et j'y ai mis les moyens nécessaires."
 
Pour Karl Meuel, il n'aurait servi à rien de faire des appels d'offres puisque le groupe avait "l'exclusivité sur certains supports". Au regard des sommes "exorbitantes" dépensées par la SEP, un témoin entendu dans cette affaire avait pourtant indiqué aux enquêteurs qu'il s'interrogeait sur le comportement déraisonné de Karl Meuel. Dans le même temps, ce dernier avait reçu plusieurs sommes d'argent en numéraire d'Hubert Haddad. Des pots-de-vin pour les enquêteurs, mais des dons à des œuvres caritatives et à une école israélienne pour l'intéressé. "Faire du caritatif avec l'argent des autres, il y a quelque chose qui ne va pas là-dedans", s'est amusé le président du tribunal mardi.
 
Hubert Haddad "mis dehors"
 
Circulez, il n'y a rien à voir. Entendu après Karl Meuel, l'homme d'affaires Hubert Haddad a nié en bloc les faits reprochés. Avant cela, l'ancien poids lourd de la communication au fenua a expliqué avoir été "mis dehors par la Polynésie" après l'affaire Haddad-Flosse de corruption et trafic d'influence instruite entre 2007 et 2013 et dont la prescription est aujourd'hui suspendue à une décision de la Cour de cassation.
 
Concernant l'affaire de la SEP, Hubert Haddad a ensuite concédé n'avoir prêté que 200 000 Fcfp à Karl Meuel, car ce dernier, qui "a toujours besoin d'argent", lui avait demandé de l'aide. Mais concernant l'augmentation du nombre des contrats et du montant de ces contrats passés entre la SEP et son groupe 2H, il a affirmé que les choses avaient toujours été faites en toute légalité. "Je suis venu pour que l'on me juge. Soit le tribunal peut juger que je suis un voleur, un homme honnête ou un homme d'affaires qui fait comme il peut."
 
L'instruction du dossier s'étant terminée mardi soir, la journée de mercredi sera consacrée aux plaidoiries et aux réquisitions du procureur de la République.

Dominique Auroy, au nom de l'amitié

L'homme d'affaires, Dominique Auroy, est poursuivi dans le cadre de cette affaire pour "recel de détournement de fonds publics". Le juge d'instruction soupçonne en effet que le rachat en 2007 par la SEP de la chaîne de tri de la société Tamara'a Nui de Dominique Auroy – devenue par la suite Société Développement promotion – pour 37 millions de Fcfp, concomitamment au versement par Dominique Auroy de 15 millions de Fcfp à Karl Meuel, ait été un arrangement destiné à détourner l'argent public de la société d'économie mixte. Plusieurs témoins entendus par les enquêteurs avaient expliqué que le matériel acheté était "hors d'usage", "rouillé" et "à l'abandon". Mais Dominique Auroy a formellement réfuté cette thèse à la barre du tribunal, mardi. Il a affirmé avoir fait un simple prêt de 15 millions de Fcfp à son "ami" Karl Meuel en 2007, avant de vendre les restes de Tamara'a Nui à la SEP. Deux opérations totalement distinctes selon Dominique Auroy.
 
Après avoir spontanément dressé le portrait de sa vie et de ses œuvres en Afrique et en Polynésie, l'homme d'affaires a confié que son "seul tort est d'avoir fait confiance à un ami". "Je l'ai dépanné comme je pourrais le faire avec des amis ou des membres de ma famille". Dominique Auroy a ainsi soutenu que Karl Meuel l'avait appelé car il avait besoin d'"aide". Ne voulant pas faire preuve d'"impolitesse", l'ancien propriétaire de La Dépêche de Tahiti explique qu'il n'a pas demandé à son "ami" à quoi était destiné le prêt. Soutenant que la chaîne de tri était en "parfait état", Dominique Auroy a ensuite assuré à la barre du tribunal qu'il n'était intervenu "à aucun moment" dans le cadre de cette vente et qu'il n'était plus actionnaire de Tamara'a Nui.

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 11 Octobre 2022 à 19:40 | Lu 2103 fois