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Hong-My Phong, l’écriture pour passion, entre autres


Hong-My Phong, l’écriture pour passion, entre autres
TAHITI, le 16 novembre 2022 - Elle vient de signer son deuxième roman policier intitulé Pater Familia, il fait suite à Femmes Écorchées paru en 2019. Mais l’écriture n’est pas la seule activité de Hong-My Phong. Elle est esthéticienne et photographe. Elle assume aussi le rôle de secrétaire de la Société d’astronomie de Tahiti. Toutes ces activités, apparemment détachées les unes des autres, sont en réalité tout à fait accordées.

“Cette fois-ci, c’est un roman qui parle des hommes”, annonce Hong-My Phong à propos de son deuxième livre. Intitulé Pater Familias, ce roman policier fait suite à Femmes Écorchées paru en 2019. Un ouvrage prometteur, que portaient deux personnages principaux : Charlène Siu et Luc Savage. Tous deux sont de retour, plus fouillés et consistants. “J’ai l’impression que cet ouvrage est meilleur que le précédent”, estime l’auteure.

Trouver des parades

Pour écrire ce deuxième roman, Hong-My Phong a eu à cœur de rester cohérente, d’aborder divers sujets comme la drogue, la prison, la prostitution, sans pour autant perdre le fil de l’histoire. “Toute la difficulté est là”, constate-t-elle. Donner du corps à ses personnages, décrire des phénomènes de société tout en faisant avancer l’enquête, “car c’est bien elle le cœur d’un policier”. Il faut “trouver des parades” pour que la rédaction, et donc la lecture demeurent fluide.

Hong-My Phong a écrit un premier roman au lycée mais elle s’est véritablement lancée dans l’écriture il y a une dizaine d’année. “Petite, je lisais beaucoup. J’achetais toujours plein de livres avec mon argent de poche. Mon père me disait : ‘mais pourquoi lis-tu autant ? Tu devrais écrire tes propres histoires !’” La graine a été semée à ce moment-là. Elle a germé, poussé, éclos. Elle a débutté la rédaction de Femmes Écorchées en 2011. Le roman parle, lui, de femmes, de maltraitance. L’ouvrage était terminé en 2015. Il a été proposé à des éditeurs dans la foulée, mais il a fallu de nombreuses années de patience avant qu’il ne soit édité. Car il a été publié en 2019 par 'Api Tahiti. “En raison des nombreux refus d’éditeurs j’ai pensé qu’il était vraiment mauvais.

Entre-temps, le père de Hong-My Phong est décédé, en 2016. “Je le regrette profondément, car il n’a pas pu voir ce que j’avais réussi. Sa disparition m’a beaucoup affectée et m’a longtemps empêchée d’écrire.” Pater Familias a été conçu en mémoire à ce père parti trop tôt. “C’est une façon de lui rendre hommage.” Un autre événement a été déterminant à la genèse de ce 2e roman. Il s’agit d’un fait-divers qui a eu lieu à Papara, non loin de chez Hong-My Phong. Un père jaloux a tué sa fille avec laquelle il avait des rapports sexuels. “En découvrant cette histoire sordide, je me suis posé un certain nombre de questions : Comment cela est-il possible ? Comment peut-on tuer sa fille, en arriver là ?” L’auteure dit s’inspirer largement de l’actualité pour écrire. Elle a d’ailleurs démarré le 3e tome qui traitera cette fois-ci d’adolescents. “On en parle beaucoup en ce moment.” Elle avoue aussi puiser librement dans les témoignages de ses clientes. Car Hong-My Phong est également esthéticienne.

“On ne lui posait pas de questions”

Le grand-père paternel de Hong-My était un Hakka de Chine. Il a émigré au Vietnam. Son père a grandi dans ce pays d’Asie. Engagé dans l’armée française, sans doute poussé par sa propre famille, il a participé aux guerres d’Indochine et l’Algérie. Il a été naturalisé français et s’est installé en Polynésie probablement dans les années 1960. Discret, il n’entrait jamais dans les détails de sa vie “et on ne lui posait pas de questions”, se souvient Hong-My Phong. “Il a rencontré ma mère lors d’un voyage d’affaire à Taïwan.” À la maison la famille communiquait en mandarin. “Une langue que je parle et que je m’efforce d’apprendre à mes propres enfants.” En revanche, les parents de Hong-My Phong fréquentaient peu la communauté chinoise. “Je suis imprégnée de la culture chinoise, mais aussi de la culture tahitienne, grâce à tous mes amis, et française, via l’école. J’aime l’idée d’être un peu tout ça à la fois.”

Au lycée, elle aurait aimé faire de la littérature. “Je me voyais journaliste, ou plutôt photoreporter. Photographe de guerre même. J’ai grandi avec les albums photos de mon père à la guerre, les hélicoptères, la brousse…” Elle s’imaginait que pour atteindre son but, il lui fallait obtenir un baccalauréat L [Littéraire, NDLR]. “Mes professeurs m’en ont dissuadée. J’avais de trop mauvaises notes en espagnol.” Elle a été encouragée à s’inscrire en économie-gestion. Ce qui ne la motivait pas plus que ça. Elle a ainsi mis les bouchées doubles pour améliorer ses notes en mathématiques et pouvoir entrer dans une filière scientifique. “j’avais de bonnes notes en physique-chimie, il n’y avait que les maths qui péchaient.

“Je me sens utile”

Son baccalauréat en poche, elle s’est inscrite en BTS Esthétique et Cosmétique à Montpellier. Elle a d’abord été attirée par le travail en laboratoire de cosmétique. Après quelques stages, en laboratoire et en institut, elle a opté pour les soins. “Je me suis aperçue que j’aimais vraiment écouter les gens, moi qui ne parle pas, ou peu. J’aimais et j’aime toujours leur apporter un bien-être psychique, et psychologique. Je me sens utile.


Hong-My a ensuite travaillé deux ans à Cannes : “La ville du festival ! J’ai adoré. J’aime le cinéma depuis petite.” Puis, elle est revenue en Polynésie et s’est installée à Papara, non loin de ses parents. “J’étais jeune, un peu naïve. Je suis allée voir la banque en espérant obtenir de quoi me lancer, mais je ne partais vraiment de rien. Je n’ai donc rien obtenu, en toute logique.” Découragée, “un peu humiliée aussi”, elle a pris son courage à deux mains pour réussir. Elle a persévéré. “Une amie de ma mère, Kim Lan, m’a beaucoup aidée. J’ai également demandé des subventions.” C’était en 1999. Très vite, le bouche-à-oreille a fonctionné. Elle a pu compter sur une clientèle fidèle. “Il n’y avait rien à l’époque et rares étaient celles et ceux qui allaient se former en France.”

Une fois son institut de beauté ouvert, elle a retrouvé la photographie. Au lycée, elle était inscrite au club photo de l’établissement. Elle immortalisait puis développait ses films. En prenant la direction d’une filière scientifique, elle a abandonné son rêve, et mis de côté la photographie. Dans son institut, à Papara, elle s’est mise à prendre des clichés ‘avant-après’ de ses clientes. Puis, elle s’est formée pour professionnaliser sa pratique : “Quand je partais en métropole me former à l’esthétique, j’en profitais pour me former à la photographie.” Elle a investi dans du matériel de qualité. “Quand on vend une prestation, les résultats doivent être au rendez-vous”, affirme-t-elle. Elle cherche toujours à faire mieux, quels que soient les domaines de sa vie. Aujourd’hui, elle dispose même d’un petit studio pour cette activité de photographe qu’elle exerce en parallèle de l’esthétique. Elle est d’ailleurs membre de l’association Hōho’a et expose depuis 2011.

En plus, passionnée de science en général, et d’astronomie en particulier, elle fait partie de la Société d’astronomie de Tahiti dont elle est la trésorière. Passion couronnée par un Diplôme universitaire d’astronomie passé à distance avec l’observatoire de Paris.

“En fait, tout est lié”

Esthéticienne, photographe, auteure, passionnée de sciences, fascinée par le ciel et ses étoiles, tout cela semble trahir un tempérament éclectique et un peu dispersé. Mais selon Hong-My Phong, ce qui lie toute ces activités est une sorte “d’éternité”. Les photographies, comme les mots posés immortalisent images et idées. L’astronomie est le champ de l’infini. Selon elle, l’univers pose plein de questions, c’est une énigme permanente. “Nous sommes, comme le disait Hubert Reeves, des poussières d’étoiles. Nous sommes composés d’atomes qui viennent des étoiles !” Les énigmes sont l’essence même des romans policiers. “Je suis cartésienne, mais j’ai aussi besoin de créer. Je garde un pied partout.” Elle a ce qu’il faut pour assouvir tous ses besoins. “En fait, tout est lié”, conclut-elle.


Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 16 Novembre 2022 à 19:44 | Lu 1079 fois