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Hollande, les journalistes et le livre de trop


Paris, France | AFP | vendredi 02/12/2016 - "Un président ne devrait pas dire ça...", pavé bourré de confidences de François Hollande, aura été le livre de trop: il a fini de saper l'image d'un président qui semblait préférer bavarder avec les journalistes plutôt que d'agir, selon les analystes.

Dans ce livre, François Hollande se confie sans filtre sur l’islam qui pose "problème", les footballeurs "qu'il faut muscler du cerveau", des magistrats "lâches", prône un "hara-kiri" pour le PS, se décrit en "spectre de l’Élysée", seul le soir devant BFMTV et un plateau-repas, prédit l'arrêt du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes et révèle l'organisation d'assassinats ciblés, entre autres.

Des confessions qui avaient choqué l'opinion, et ses fidèles. Son Premier ministre Manuel Valls avait fait part de sa "colère", le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis et Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale, avaient exprimé leur trouble.

Paru en octobre, "le livre a eu un effet dévastateur dans l'opinion", souligne Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. "Ça a enraciné ou réactivé des craintes sur sa capacité à être président", avec "le sentiment qu'il s'intéressait plus à sa postérité, au commentaire qu'à l'action".

"Cela a décimé le rang des soutiens du président. C'est ça aussi qui a poussé Manuel Valls à entamer (une) stratégie d'empêchement", analyse-t-il

"Il y a eu un sentiment d'excès: lorsque les Français apprennent qu'il a eu une centaine d'heures d'entretiens avec (les auteurs Gérard) Davet et (Fabrice) Lhomme, qu'il est même allé dîner chez eux, cela exacerbe les procès en incompétence, en inaction", ajoute l'analyste.

Car avant le tandem Davet-Lhomme, qu'il a vus 61 fois, il a eu 32 entretiens avec Antonin André et Karim Rissouli, auteurs cet été de "Conversations privées avec le président", une douzaine avec Elsa Freyssenet ("Ça n'a aucun sens"). Il a aussi répondu à Cécile Amar pour "Jusqu'ici tout va mal", à Françoise Fressoz pour "Le stage est fini", à Bastien Bonnefous pour "Le pari" ou encore à Hervé Asquin (journaliste à l'AFP) pour "L'Élysée selon Hollande". Avec souvent des épanchements sur son état d'esprit et parfois des phrases malheureuses ("j'ai pas eu de bol" concernant le chômage).

Il s'est aussi prêté à des documentaires sur les coulisses de la présidence ("le Pouvoir", de Patrick Rotman et Pierre Favier, "Un temps de président", d'Yves Jeuland, qui l'a suivi pendant six mois). Et quand Cyrille Eldin, du "Petit Journal", passant un samedi d'avril devant l’Élysée, lui envoie un SMS, le président le reçoit aussitôt trois quarts d'heure.

- Un 'président de téléréalité' -
"François Hollande a été le seul président qui n'a maintenu aucune distance avec les journalistes", critique l'expert en communication politique Philippe Moreau Chevrolet.

"Il a été un président de téléréalité, qui commentait sans cesse son action en temps réel. Mais il n'a pas assez de maîtrise de ce type d'exposition. Il ne sait pas parler en direct aux Français, et croit que quand on parle aux journalistes, on parle aux Français. Grave erreur", ajoute-t-il.

Les journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme ne s'estiment pas responsables de sa chute.

"Nous avons fait notre travail de journalistes" même si "certains s'en sont emparés pour décrédibiliser le président", a déclaré Gérard Davet mercredi matin sur RTL.

Mais il estime que le pouvoir était pour François Hollande "un poids, une souffrance personnelle , une solitude extrême". "Nous n'excluons pas qu'il puisse se sentir aujourd'hui vraiment libre", a expliqué le journaliste sur France Info.

"Le décalage est terrible pour lui, entre une campagne qu'il a réussie et un quinquennat qu'il a totalement raté sur le plan de la communication. C'est d'autant plus surprenant que c'est un homme qui connaît les médias par cœur. Jamais un président n'aura aussi mal parlé, aussi peu parlé, à son peuple", a renchéri Fabrice Lhomme.

Trente journalistes politiques, interrogés en septembre-octobre par le cabinet Vae Solis, ont classé François Hollande 43e sur 50 personnalités politiques en termes de qualité de communication. Ce qui n'empêchait pas 62% d'entre eux de prédire qu'il serait le candidat des socialistes à la présidentielle.

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Rédigé par () le Vendredi 2 Décembre 2016 à 05:59 | Lu 700 fois