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Hausse de la TVA sur les produits sucrés : Pilule amère mais "logique" pour les industriels


Une rencontre entre le ministre de l'Économie et des Finances, Warren Dexter, et le Syndicat des industrielles de Polynésie, a eu lieu ce mardi afin d’envisager des pistes pour atténuer l'impact sur l’emploi et la production locale de la nouvelle taxation des produits sucrés. Crédit photo : Thibault Segalard.
Une rencontre entre le ministre de l'Économie et des Finances, Warren Dexter, et le Syndicat des industrielles de Polynésie, a eu lieu ce mardi afin d’envisager des pistes pour atténuer l'impact sur l’emploi et la production locale de la nouvelle taxation des produits sucrés. Crédit photo : Thibault Segalard.
Tahiti, le 2 octobre 2024 - Alors que le ministre des Finances, Warren Dexter, a annoncé la semaine passée une future hausse spectaculaire de la #TVA sur les produits sucrés, les négociations avec les industriels polynésiens vont démarrer. Avec une augmentation de 5 % à 16 % sur les sucreries, cette réforme risque de toucher le portefeuille des industriels locaux. Bruno Bellanger, directeur de la Brasserie de Tahiti et co-président du Sipof (Syndicat des industriels de Polynésie française), interrogé ce mardi, a exprimé sa surprise quant à cette annonce, tout en reconnaissant la “logique” derrière cette décision.
 
Une semaine après l'annonce surprise faite par le ministre des Finances, Warren Dexter, lors de la seconde séance de la session budgétaire, sur une hausse de la TVA sur les produits sucrés dès janvier 2025, les négociations avec le Syndicat des industriels de Polynésie française (Sipof) ont débuté.
 
Rencontré ce mardi dans son bureau du centre-ville de Papeete, Bruno Bellanger le directeur de la Brasserie de Tahiti et co-président du Sipof, tout en exprimant sa surprise, a expliqué qu'il n'était pas entièrement opposé à cette évolution fiscale. Il constate cependant n’avoir pas été prévenu en amont, et que l’annonce cette hausse de TVA de 11 points sur les produits sucrés a bien sûr fait l’effet d’une douche froide. “Entendre que les produits fabriqués localement vont subir une hausse de 11 points, c'est dur”, explique-t-il, en estimant pourtant qu’elle n’est pas totalement dénuée de sens. Selon lui, “augmenter la TVA sur des produits jugés mauvais pour la santé est un levier que nous connaissons depuis longtemps”. Il est vrai que l'idée d’une fiscalité plus sévère sur les produits nocifs traîne dans les arcanes gouvernementaux depuis des années. Si la forme de l’annonce a pu surprendre, la logique derrière elle, reste cohérente : “On se doutait bien que cela finirait par sortir et c'est logique”, même si cette fois-ci, le gouvernement semble résolu à passer à l'action.
 
Pour rappel, la réforme vise à augmenter la TVA sur les produits sucrés de 5% à 16%, ce qui représente un bond de 11 points. Lors de la présentation de ce projet de réforme devant les élus de Tarahoi, Warren Dexter a expliqué que cette augmentation concernerait directement les produits non encouragés pour des raisons de santé publique. “Donc demain, un bonbon qui est vendu avec 5% de TVA, va passer à 16%”, avait-il expliqué, avant de justifier le caractère inflationniste de ce projet en ces termes : “Chacun comprendra que sur des sujets de santé publique, ça ne pose pas de problème qu’il y ait de l’inflation sur ce genre de saloperies.”
 
La production locale en première ligne
 
Les industriels, eux, ne sont pas tout à fait de cet avis, notamment en ce qui concerne les répercussions sur la production locale. “Quand les prix augmentent, la demande baisse, c'est mécanique”, souligne Bruno Bellanger. La Brasserie de Tahiti, ainsi que d'autres producteurs locaux, pourrait voir leurs volumes de vente chuter. Un coup de massue qui, selon lui, risque de creuser davantage l'écart avec les importateurs. “Les recettes actuelles de la TCP [Taxe de consommation pour la prévention, autrement appelée Taxe sur le sucre, NDLR] qui sont de 1,8 milliard par an, sont déjà portées pour beaucoup par la production locale, avec les boissons gazeuses ou encore les crèmes glacées. Et les recettes prévues avec cette nouvelle loi sont encore plus importantes que la TCP, c'est de l'ordre de 2,3 milliards par an. 800 millions par les produits importés et 1,5 milliard sur les produits locaux. C’est-à-dire que la production locale qui va supporter les 2/3 de cette hausse”, souffle-t-il.
 
D'autant que, toujours selon le directeur de la Brasserie, les producteurs locaux, en plus de subir cette augmentation, sont également soumis à des cotisations sociales, bien plus importantes que celles des importateurs. “La production locale paye déjà, au travers de la CPS et des cotisations sociales de ses salariés, une partie de la PSG [Protection sociale généralisé, NDLR]”
 
Des pistes floues dans un triangle vicieux
 
Bien sûr, le Sipof n'a pas tardé à réagir. Une rencontre a eu lieu avec le ministre de l'Économie, du Budget et des Finances, afin de trouver des pistes pour atténuer l'impact sur l’emploi et la production locale. “On a quelques idées en cours, mais rien de vraiment concret”, admet Bruno Bellanger qui explique que si le ministre va au terme de cette réforme, il se retrouvera inexorablement coincé dans une équation à trois inconnues : l’inflation, la protection de l’emploi et les besoins en recettes fiscales. “Il va devoir jongler entre ces trois impératifs, et on verra ce qu'il en sort. Nous serons attentifs à ce que la production locale n'y perde pas. Mais nous sommes prêts à accompagner le gouvernement dans ses projets.”
 
De quoi mettre la pression sur les épaules de Warren Dexter. D'autant que, pour les industriels, c’est clair comme de l’eau gazeuse : ces 11 points de TVA seront aux dépens des prix aux consommateurs. “On va moins vendre. Et quand on vend moins, on produit moins. C’est aussi simple que ça. Le portefeuille des gens n’est pas extensible.”
 
“C'est l'éducation le véritable levier
 
Malgré tout, Bruno Bellanger ne doute pas de la volonté du gouvernement d’aller jusqu’au bout de cette réforme. “Warren Dexter semble bien décidé à ne pas s’arrêter en chemin”, constate-t-il. Sur le fond, même les industriels reconnaissent la logique de la démarche : la dégradation de la santé publique a des conséquences économiques lourdes, et la PSG pèse déjà 120 milliards de francs sur un budget global de 600 milliards. Les projections ne sont pas rassurantes, et la question demeure : “Qui va payer pour tout cela ?”
 
Pour lui, la réponse est évidente : ce seront les cotisations sociales qui, in fine, feront grimper le coût du travail et réduiront la compétitivité des entreprises locales. Moins de compétitivité signifie moins de ventes, et donc moins de cotisations sociales. “C’est une spirale négative dans laquelle on ne peut pas se permettre de tomber”, conclut-il. Malgré les effets à court terme, le dirigeant de la Brasserie de Tahiti est résigné à s’adapter à cette nouvelle réalité. “C’est à nous de nous ajuster, même si, ça nous touche temporairement.” Cependant, il reste dubitatif sur les effets de cette réforme. Selon lui, la taxation, à long terme, n'a jamais été la solution : “C'est l'éducation le véritable levier.”

"Une erreur monumentale de la CTC"

Lors de son interview accordée aux médias, Bruno Bellanger a également mis en cause le dernier rapport de la Chambre territoriale des comptes (CTC) concernant l’obésité en Polynésie. Ce rapport soulignait que les sodas dans les territoires et départements d’outre-mer, dont la Polynésie, contenaient deux fois plus de sucre qu’en métropole. Une affirmation que Bellanger a vigoureusement contestée : "C’est une erreur monumentale, totalement faux. Leurs données sont erronées, je le dis haut et fort. J’ai d’ailleurs demandé un rendez-vous avec le président de la CTC pour vérifier leurs sources, car je connais parfaitement les taux de sucre de nos produits."
 

La CTC répond à Bruno Bellanger

"Le rapport de la Chambre territoriale des comptes relatif à la prévention de l’obésité chez les jeunes (15-25 ans) en Polynésie française a été communiqué par le Pays à l’assemblée de la Polynésie française en amont de sa publication, conformément aux  procédures fixées par le code des juridictions financières pour des enquêtes de ce type.

Rédigé par Thibault Segalard le Mercredi 2 Octobre 2024 à 13:49 | Lu 1108 fois