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Grève à l’Apair Apurad : pénurie potentielle "dès demain soir" pour les dialyses


“Cela fait des années qu’on nous méprise et qu’on nous sous-estime. Mais aujourd’hui, c’est devenu visible de tous”, affirme Avearii Lachaux, déléguée syndicale de la CSTP-FO à l'Apair Apurad. Crédit photo : Thibault Segalard.
“Cela fait des années qu’on nous méprise et qu’on nous sous-estime. Mais aujourd’hui, c’est devenu visible de tous”, affirme Avearii Lachaux, déléguée syndicale de la CSTP-FO à l'Apair Apurad. Crédit photo : Thibault Segalard.
Tahiti, le 26 mars 2025 - En grève depuis huit jours, les agents de l’Apair Apurad ont déplacé leur mobilisation devant le siège de l’association à Paea, dénonçant l’absence de négociations réelles avec la direction depuis le début du conflit. La direction qui, elle, affirme que les grévistes bloqueraient les sorties des stocks, ce qui pourrait entraîner, dès demain soir, des ruptures potentielles d’approvisionnement en matériel de dialyse dans certains centres.
 
En grève depuis huit jours, les agents de l’association Apair Apurad ont délaissé le piquet de grève devant les locaux de Mama’o pour se rassembler, ce mercredi matin, à Paea, devant le siège de leur maison mère. Un déplacement symbolique, destiné à rompre le silence qui entoure leur mobilisation. “À Mama’o, la direction et le conseil d’administration passaient devant nous sans même venir nous adresser un mot”, déplore Avearii Lachaux, déléguée syndicale de la CSTP-FO.
 
Mais les négociations demeurent au point mort. “On ne peut même pas parler de négociations. Pour cela, il faut être deux”, lâche la syndicaliste. En toile de fond : l’absence du président de l’association, actuellement hors du territoire, selon les salariés mobilisés. Deux cadres seraient habilités et mandatés à le suppléer, affirment-ils, mais aucun ne semble disposé à prendre des décisions. “Ils ont la capacité juridique pour le faire, mais personne ne veut endosser cette responsabilité”, fustige Avearii Lachaux. Avant d’ajouter : “Ce n’est pas surprenant. Cela fait des années qu’on nous méprise et qu’on nous sous-estime. Mais aujourd’hui, c’est devenu visible de tous.” Pour rappel, les revendications restent inchangées. Les agents exigent une amélioration de leurs conditions de travail, qu’ils jugent “dégradées”. Ils dénoncent un taux de rotation du personnel devenu “incessant”, ainsi qu’une trop forte pression hiérarchique. À cela s’ajoute une demande de revalorisation salariale.
 
Une revalorisation impossible
 
Contactée, la direction de l’Apair Apurad assure avoir répondu favorablement à l’ensemble des revendications, à l’exception de celle portant sur une revalorisation salariale. “J’entends dire que nous refusons de prendre position, mais c’est faux : les positions sont prises. Nous en sommes à la troisième version d’un protocole d’accord”, affirme Frédérique Daviet, directrice des soins de l'association.
 
Selon elle, l’association a proposé “solutions et améliorations sur tous les points de revendication”, à l’exception de l’augmentation salariale réclamée – une hausse de 6 % par an – jugée financièrement intenable. “Nous sommes déficitaires depuis deux ans. Si nous accédons à cette demande, c’est la cessation de paiement”, tranche-t-elle. L’Apair Apurad aurait enregistré une perte de 67 millions de francs l'an dernier, et de 91 millions en 2023. En cause, selon la direction : l’impact de l’inflation, conjugué à la non-augmentation du prix des forfaits de soins versés par la Caisse de prévoyance sociale (CPS).
 
Par ailleurs, Frédérique Daviet pointe le “rôle contradictoire” de Patrick Galenon, secrétaire général de la CSTP-FO, syndicat à l’initiative du mouvement social, qui est également président du conseil d’administration… de la CPS.
 
Rupture de stock pour les dialyses
 
Une réunion entre représentants syndicaux et direction était pourtant prévue ce mercredi matin. Mais elle n’aura pas permis d’amorcer la moindre sortie de crise. “Ils nous ont présenté des choses inadmissibles”, affirme Avearii Lachaux. “On sent qu’ils ne prennent pas la gravité de la situation au sérieux. Ils nous prennent à la légère. C’est une crise aiguë.”
 
Mais au-delà du bras de fer social, c’est désormais la continuité des soins qui pourrait être compromise. La direction alerte sur les conséquences directes de la grève sur les patients dialysés. D’après Frédérique Daviet, les grévistes, désormais regroupés devant le siège de Paea, bloqueraient les sorties des stocks, et donc des dispositifs médicaux indispensables aux traitements, notamment des dialyses. “C’est gravissime. Dès demain (jeudi, NDLR) soir, certains patients risquent de ne plus pouvoir être dialysés, notamment à Mahina. Et d’autres centres pourraient suivre dans les jours à venir”, prévient-elle. Un avertissement qui donne la mesure de la tension à l’Apair Apurad, où la crise semble s’enraciner.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mercredi 26 Mars 2025 à 16:15 | Lu 1212 fois