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Gaston Flosse : "Vous avez abandonné le Pays, M. Temaru !"


Gaston Flosse, Nuihau Laurey et Tearii Alpha, samedi 13 juillet à l'APF
Gaston Flosse, Nuihau Laurey et Tearii Alpha, samedi 13 juillet à l'APF
PAPEETE, samedi 13 juillet 2013 - Gaston Flosse a prononcé un discours accusateur devant un hémicycle appelé à débattre les aménagements du collectif budgétaire et les éléments d'une réforme fiscale "de sortie de crise". Il a présenté également les éléments du plan de relance voulu par son équipe. Le Pays "doit retrouver une situation saine, et la considération des prêteurs", a déclaré le Président. Gaston Flosse très critique d'emblée à l'égard de la politique du gouvernement "indépendantiste" Temaru (2011-2013) accusé d'avoir "abandonné le Pays".

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"Voici près de 60 jours que notre majorité et notre gouvernement sont en place.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire, nous nous attendions à trouver du travail. Hé bien nous n’avons pas été déçus !

Et si nous sommes aujourd’hui devant vous, avec un projet de loi fiscale dont je laisserai le vice-président vous parler plus en détail, c’est bien parce que la situation était grave. La Polynésie était en état d’abandon. Vous avez abandonné le Pays, M. Temaru !

Notre situation financière était désastreuse. L’année dernière, notre Pays n’a pu être sauvé de la débâcle financière que grâce au gouvernement de la France, grâce au versement d’une dotation exceptionnelle de 6 milliards de XPF, complétée par un prêt de 5 milliards de XPF garanti par l’Agence française de développement.

Cette situation catastrophique ne va pas se redresser par un coup de baguette magique. Mais, alors que le gouvernement indépendantiste a appelé l’Etat à son secours sans apport significatif, notre gouvernement veut montrer que l’effort et le travail doivent d’abord être faits par nous-mêmes.

Comment pourrions-nous être considérés et écoutés par l’Etat si nous arrivions la main tendue ?

Comment pourrions-nous accepter d’être encore rangés parmi les pays en situation de quasi faillite, en situation spéculative par les organismes de notation internationaux, avec une gouvernance « très négative » ?

Il importait donc de réagir vigoureusement pour que le plus tôt possible, nous retrouvions une situation saine, et la considération des prêteurs. Le plus tôt possible, cela veut dire que quelques nouveaux impôts comme ceux sur l’alcool et le tabac seront mis en place le 1er août, mais que les plus importants ne viendront soulager notre situation financière qu’à partir du 1er octobre, ou du 1er janvier de l’année prochaine.

Le budget joue un rôle essentiel dans la vie de notre Pays.

"Venir au secours de la population"

Quand la commande publique a chuté de près de deux tiers, et que les délais de paiement atteignent parfois les 80, voire 90 jours, quelles sont les victimes ? Hé bien ce sont les entreprises !

Beaucoup d’entre elles ont dû fermer. Et en fermant, ou en réduisant leurs effectifs, elles mettaient des employés au chômage et des familles dans la misère. Depuis le Taui, 15 000 personnes ont perdu leur emploi, 15 000 foyers ont basculé dans la pauvreté.

La misère ! J’en avais eu la manifestation à de nombreuses reprises pendant la campagne et je connaissais les chiffres terrifiants du chômage et de la pauvreté.

Mais quand j’ai décidé de reprendre les journées « portes ouvertes », j’ai pu voir et entendre ce que la population subissait.

Comment pourrait-on ne rien faire, ou faire semblant de faire ?

Il m’est donc apparu que nous avions des efforts considérables à consentir. Croyez-moi, décider d’imposer ses concitoyens n’a rien d’agréable. Mais il fallait prévoir de quoi redresser nos comptes et disposer d’un excédent sur notre budget de fonctionnement, pour pouvoir retrouver une réelle capacité d’investissements publics. Et il fallait également venir au secours de la population.

Nous avons voulu que ces projets essentiels apparaissent clairement, en toute transparence. C’est pourquoi nous avons créé le « fonds de l’investissement et de la garantie de la dette » alimenté au départ par 4 milliards de XPF de dividendes de l’OPT, puis par un certain nombre de prélèvements et les produits des cessions d’actifs ultérieures.

Nous avons également créé le « fonds pour l’emploi et la lutte contre la pauvreté » qui regroupera l’ensemble des mesures sociales nécessaires pour combler la fracture qui s’instaure entre nos concitoyens. Elle risquerait, si nous n’y apportions pas de remède, de détruire complètement le tissu de notre société.

Nous les élus, nous serons touchés comme tout le monde par les augmentations de la CST ou de la TVA. Il n’y a pas d’exemption pour nous. Mais nous avons voulus, tous, vous, Mesdames et Messieurs les Représentants, et nous, au gouvernement, donner l’exemple. Et je n’oublie pas les membres du CESC. Soyez-en remerciés. Pour les ministres, qui viennent à leur bureau avec leur propre voiture, qui subissent une nouvelle diminution de leurs indemnités, et qui travaillent au minimum 12 heures par jour, l’effort est particulièrement lourd. Mais cette équipe, votre équipe, a le cœur à l’ouvrage, et je tiens à la saluer, et à saluer son ardeur.

Pacte de redressement

Nous devons réduire encore nos dépenses de fonctionnement car il est temps de libérer l’initiative privée et de nous concentrer sur ce que la puissance publique doit et sait faire parce qu’elle est la seule garante de l’intérêt général. C’est pourquoi nous mettrons en place un programme d’incitation au départ de nos agents, étalé sur 3 ans. Ils seront donc 800 au total : 200 en 2013, 300 en 2014, 300 en 2015. Déjà, vont quitter leur emploi dans les semaines qui viennent une centaine de personnes atteintes par la limite d’âge, allégeant les dépenses d’environ 800 millions de XPF. Je suis persuadé que la plupart d’entre elles trouveront à utiliser leur expérience dans le secteur privé.

Vous allez vous prononcer sur des réformes difficiles, même si elles ont été remarquablement équilibrées par notre ministre des finances et notre gouvernement.

Mais en le faisant, vous devez vous dire que vous amènerez une meilleure solidarité entre nos concitoyens et que vous permettrez le redémarrage de nos investissements publics, tombés progressivement à bien peu de choses.

Mais vous ferez encore plus. Vous montrerez à l’Etat la force de nos convictions et de notre volonté dans la voie exigeante de l’autonomie.

La mission que nous allons accomplir dans quelques jours avec les ministres concernés pour rencontrer à Paris le gouvernement de la République, et bien sûr en premier lieu notre interlocuteur naturel, le ministre de l’outre-mer Victorin Lurel, sera forte des décisions prises. Elle pourra aborder les discussions sur notre développement économique et social et notre avenir avec la conscience d’être un véritable partenaire et non un quémandeur.

Nous partons avec des dossiers solidement étayés. Et nous savons que notre mission a été bien préparée par Madame Girardin qui met autant de fougue à défendre la Polynésie qu’elle en mettait à représenter l’Etat. Nous savons aussi que ces dossiers ne resteront pas dans des tiroirs, car notre représentante spéciale en assurera le suivi avec sa redoutable efficacité.

Nous aurons redressé la situation que nous avons trouvée d’autant plus vite que notre partenariat avec l’Etat sera actif, sincère et rénové.

Mais nous tenons aussi à développer le partenariat avec le secteur privé. C’est pourquoi la réforme fiscale comporte des simplifications et des allègements pour les entreprises naissantes, et les PME. Et c’est pourquoi nous ferons appel pour nos grands projets créateurs d’emploi à des investisseurs privés, soit en délégation de service public, chaque fois qu’applicable, soit en proposant des schémas d’aménagement sur des terrains domaniaux, dont la Polynésie restera propriétaire et qu’elle louera.

Quelques projets sont déjà en cours.

Projet Tahiti Mahana Beach

Tout d’abord la perspective de désenclavement de la Polynésie par la possibilité d’une ligne aérienne entre la Chine et l’Amérique Latine ouvre de nouvelles perspectives de développement du tourisme, asphyxié par le coût d’accès à la destination.

La ligne en question, qui intéresse les autorités aéronautiques chinoises, chiliennes est susceptible de bénéficier d’un transfert du trafic existant au travers de divers trajets ; par l’Europe, par les Etats-Unis ou encore l’Australie. Elle constituera un lien permanent sur lequel les voyages touristiques vers notre destination peuvent se greffer.

La ligne permettra le développement de projets d’investissements en Polynésie française, notamment ceux en provenance de Chine.

Les contacts pris dans ce pays par les missions qui y ont été envoyées ont permis de rendre réaliste le projet chinois d’investissement dans l’aquaculture. La société intéressée disposera d’une ferme d’éclosion et de « pré-grossissement », et elle fournira aux aquaculteurs polynésiens, car seuls les aquaculteurs polynésiens détiendront les concessions maritimes ; les débouchés qu’elle maîtrise sur le continent asiatique. Cela n’a plus rien à voir avec le projet de colonisation chinoise de tous nos espaces marins envisagé par Oscar Temaru.

Le gouvernement, pour stimuler les investissements hôteliers, a désigné une zone dont la puissance publique est propriétaire, et qui pourra atteindre une superficie de 50 ha après remblai. En bordure de mer, proche de l’aéroport et de Papeete, « Tahiti Mahana Beach », sera le lieu d’un aménagement touristique d’ampleur comportant quelque 1 500 chambres. L’aménagement, le premier du genre en Polynésie française, fera l’objet d’un concours international qui donnera aux investisseurs intéressés les règles d’implantation à suivre. Le terrain sera loué à long terme et non vendu.

Cette zone hôtelière bénéficiera de la proximité du lycée hôtelier, permettra après son achèvement de donner des emplois directs à 2 500 polynésiens, et beaucoup plus indirectement.

Il me semble à ce sujet avoir entendu des critiques sur l’achat par la Polynésie du terrain de l’ancien hôtel Sofitel Maeva Beach, un bord de mer à Punaauia à 12 000 francs francs le mètre carré. Qui peut faire mieux ?

A ceux qui sont les auteurs des critiques, je dis simplement : qu’auriez-vous fait ? Auriez-vous gâché la seule chance que nous aurions de constituer, dans d’excellentes conditions, un domaine en bord de mer de 50 ha ?

Auriez-vous rejeté une opportunité qui vous aurait permis de créer tous ces emplois en générant entre 80 et 100 milliards d’investissements privés avec moins d’un milliard d’investissement public ?

Nouveaux partenariats avec le privé

Ces projets, qui sont déjà lancés, seront suivis de bien d’autres dont j’aurai l’occasion de vous parler. Sachez seulement aujourd’hui que notre préoccupation permanente est de redonner du travail aux polynésiens.

Notre action est inspirée de quelques principes dont l’expérience a montré la pertinence. Tout d’abord, l’administration du Pays, qui comporte des strates correspondant aux étapes de l’évolution de son statut institutionnel, doit être réformée en profondeur de manière à diminuer l’emprise du secteur public partout où l’initiative privée peut désormais s’y substituer.
En second lieu, le développement des ressources propres de la Polynésie devra tenir compte de l’évolution géostratégique du monde. Le Pays se trouve en effet au cœur de l’océan dont l’importance économique et politique ne cesse de croître. Sa situation géographique le place sur un des axes économiques majeurs en développement, la diagonale Chine – Amérique Latine – La Polynésie s’inscrira dans cette perspective, pour son tourisme, ses activités productives et ses communications.

En troisième lieu, les richesses de l’océan constituent dans le monde actuel, une nouvelle frontière de développement, dans tous les domaines énergétique, biologique, chimique, minéral. La Polynésie, qui dispose des droits d’exploration et d’exploitation de ses quelques 5 millions de kilomètres de ZEE, sans compter le plateau continental, doit mettre au point une stratégie d’exploitation durable, dans le respect de l’environnement.

C’est ce que nous ferons.
Nous avons déjà accompli la première partie de nos engagements, grâce à notre foi et à notre travail, la reconstruction de notre Pays a commencé
"i

Télécharger le discours de [Gaston Flosse

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Samedi 13 Juillet 2013 à 10:21 | Lu 3881 fois