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G.Tong Sang: "Cette motion aura un impact direct sur le climat social et économique du pays"


G.Tong Sang: "Cette motion aura un impact direct sur le climat social et économique du pays"
Le président de la Polynésie, Gaston Tong Sang, a fait ce matin le bilan de l'action de son gouvernement à la veille du vote de la motion de défiance déposée par l'UPLD et Te Mana O Te Mau Motu. Gaston Tong Sang occupait ce poste depuis novembre 2009 : au cours de ces 16 mois, le président estime avoir "mis en oeuvre une maîtrise rigoureuse des dépenses publiques". Le président a tenu à rappeler les actions les plus emblématiques de son gouvernement, comme la prime à la casse, le statut d'auto-entrepreneur, ou encore les dispositifs d'incitation à l'accession à la propriété. Gaston Tong Sang a en outre été le seul à évoquer dans l'hémicycle l'ultimatum lancé hier par les organisations patronales et syndicales : "cet ultimatum nous interpelle", a déclaré le président.

Voici l'intégralité de son discours.

"Le texte de la motion de défiance résuma la succession d’accusations et de condamnations sans appel des actions conduites par mon gouvernement depuis plus de 15 mois, dont près d’un an, convient-il de le rappeler, sans majorité.

Ce gouvernement honni, ce gouvernement vilipendé, quelle forfaiture a-t-il commis ? Qu’a-t-il fait ou n’a-t-il pas fait, pour justifier cette motion ?

Les interventions des différents ministres démontrent que nous nous sommes totalement investit dans l’action pour juguler et rétablir une situation difficile.

J’ai pris acte des griefs qui me sont adressés et je vais, au travers de mon propos, qui sera volontairement bref et concis, rappeler un certain nombre de faits et de vérités, qui semblent avoir été oubliés.
Il nous a été dit que ce gouvernement n’avait rien fait, que nous étions incompétents.

Si l’incompétence, pour vous, est d’avoir pris la mesure de notre situation et fixé des objectifs réalistes, d’avoir élaboré ou activé les mesures qui s’imposaient, quand bien fussent-elles « difficiles », et d’être resté fidèle à cette ligne, alors oui ! Je revendique cette incompétence !

Je ne reviendrai pas sur la situation financière et budgétaire du Pays, à notre prise de fonction, avec des équilibres dégradés, une épargne nette négative et des comptes sociaux en berne.

Il fallait sortir de cette spirale de l’échec, rétablir nos équilibres, construire les bases des grandes réformes qui s’imposaient, tout en sauvegardant l’emploi et protégeant nos citoyens les plus démunis.
Dès la préparation et le vote du budget 2010, nous nous sommes attachés à contenir nos dépenses de fonctionnement, à soutenir notre économie chancelante au travers de la commande publique, garante de notre développement.

Ce furent les bases sur lesquelles toutes nos actions durant cette année furent construites, avec le souci permanent de la transparence, du réalisme et de la sincérité.

Nous n’avons rien fait, disiez-vous. Pour autant, l’activité du Haut-conseil et du CESC n’a jamais été aussi forte qu’en 2010, en grande partie sur saisine du gouvernement. Deux chiffres pour illustrer mon propos : pour le Haut-conseil 72 avis rendus en 2010, contre un peu moins de 40 en 2009 ; et pour le CESC, 28 rapports contre 15, en moyenne, pour les années précédentes.

Permettez-moi d’ailleurs de rappeler, pour la petite histoire, qu’un certain nombre de projets de lois du Pays sont encore et toujours en attente auprès de votre assemblée.

Le gouvernement a travaillé, et bien travaillé ! Je tiens ici à rendre hommage à tous les ministres qui se sont totalement investis dans la réalité de l’action publique, durant cette mandature.

Vous m’avez accusé de pratiquer un exercice solitaire du pouvoir. N’ai-je pas montré à toutes les étapes-clés de l’exécution des décisions que nous avons eu à prendre, que je me suis toujours attaché à privilégier le dialogue, avec l’ensemble de nos partenaires.

Je n’ai jamais refusé l’échange et la discussion avec quiconque, de la sphère politique à la société civile, dès lors que la volonté partagée et affichée, était de placer en premier l’intérêt général du Pays, au-delà des vaines ambitions et des querelles partisanes.

Si je ne peux qu’être satisfait des relations que nous avons développées avec les forces vives du Pays, toutes les forces vives du Pays – relations fondées sur le respect, la franchise et la volonté de dialogue – j’ai cependant le regret de constater qu’il n’en fut pas de même avec la classe politique. « La chaise vide » fut la réponse à toutes mes propositions de rencontre et d’ouverture, y compris lorsque j’ai répondu à vos demandes d’information et d’explication.

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Non, Mesdames et Messieurs les représentants, nous n’avons pas à rougir de l’action de notre gouvernement durant ces 15 mois.

Dans un contexte de crise sans précédent, frappant durement notre Pays, avec une classe politique malheureusement hostile, où les intérêts personnels et partisans ont toujours primé sur l’intérêt collectif, nous avons fait face à la situation.

Notre priorité fut de redresser les finances publiques et notre économie, d’initier les grandes réformes qu’imposent l’évolution sociale et institutionnelle de notre Pays tout en s’attachant à préserver la cohésion et la paix sociale, sans lesquelles, aucun progrès n’est possible.

Certes, en 15 mois, en regard de ces contraintes, nous n’avons pu réaliser tous nos objectifs et je suis conscient que beaucoup reste à faire.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Grâce à une maîtrise rigoureuse et réaliste des dépenses de fonctionnement, amorcée depuis le début de notre gouvernance et renforcée suite aux recommandations de la mission des corps d’Inspection générale de l’Etat, nous avons pu dégager un excédent, à la fin de l’exercice 2010, de 9 milliards de Fcfp des recettes de fonctionnement, et restaurer notre épargne nette, excédentaire de plus de 4 milliards de Fcfp, alors qu’elle était déficitaire à fin 2009 de - 1 milliard de Fcfp.

Nous nous sommes attachés, ensuite, à amortir au mieux les effets de la crise et protéger les plus démunis. A cet effet, afin de répondre aux attentes fortes de nos concitoyens en matière économique et sociale, mon gouvernement a, durant cette période, initié et développé 25 mesures d’aides, allant, pour ne citer que les principales, de l’accession au logement (PAP – PIM – PIL) au développement du tourisme au travers du COST, en passant par la création du statut de l’auto-entreprise, de l’extension de la prime à la casse, de la mise en place du chèque emploi-service aux particuliers, ou de la création du statut du marin pêcheur et en dotant suffisamment les mesures de sauvegarde des emplois, IME, DARSE, CRE, ainsi qu’aux archipels, en augmentant le prix du coprah.

En 2010, nous avons engagé, au travers de notre budget d’investissement, 30 milliards de Fcfp de crédits qui ont été injectés directement dans notre économie, et qui, concrètement, nous ont permis d’atténuer les effets de la crise.

Par delà ces mesures immédiates et conjoncturelles, nous devions nous attaquer aux causes profondes de nos déséquilibres minant la cohésion de notre société. Nous devions amorcer un certain nombre de réformes de fonds, conditionnant notre capacité à relancer notre Pays sur le chemin de la croissance et du progrès.

La première a été de rétablir la sincérité de nos comptes et de réduire les dépenses publiques, et ce, dès le budget 2010, avec une nécessaire continuité dans le budget 2011. Ainsi, au travers d’une lettre de cadrage budgétaire, nous nous sommes fixés des objectifs de réduction, nécessaires mais réalistes de nos dépenses, tout en préservant notre capacité d’investissement, en reconstituant notre épargne nette, qui conditionne nos capacités d’emprunt : -3% sur la masse salariale, -6% sur les dépenses de fonctionnement, -10% sur les dépenses de transfert.

La deuxième concerne, tout naturellement, notre appareil administratif, ce service public dont on nous reproche la taille surdimensionnée et les coûts de fonctionnement exponentiels. Nous nous sommes, là aussi, assigné des objectifs de réduction avec le souci permanent d’une meilleure efficacité. A ce jour, la phase d’analyse et de diagnostic est achevée.

Les assises du service public, en plusieurs séquences prévues des mois d’avril à juin 2011, permettront d’acter les modalités et le calendrier de ce vaste processus de refonte. Sa mise en œuvre effective démarrera à la fin de l’année en cours, pour se développer et s’achever sur les années 2012 et 2013.

La troisième réforme importante, que nous avons inscrite au rang de nos priorités, concerne notre système de protection sociale généralisée. Cependant, avant de nous attaquer à ce chantier, nous avons souhaité résorber son déficit cumulé de 16 milliards de Fcfp et rétablir l’équilibre des budgets 2011 des trois régimes sociaux (RGS, RNS, RSPF).

C’est ainsi que, dans le cadre de travaux tripartites et en étroite concertation avec nos partenaires sociaux, nous avons pu dégager un consensus afin d’assumer, dans le temps, l’apurement de ce déficit, grâce à la création du FADES (Fonds d’Amortissement du Déficit Social), permettant le rétablissement de l’équilibre de nos comptes sociaux.

Nous n’avions pas attendu la montée du mécontentement de la société civile et l’ultimatum qui, aujourd’hui nous interpelle, pour inscrire, dans le projet de budget, les moyens nécessaires.

Malheureusement, vous n’avez eu de cesse que de mettre à mal et de supprimer, dans ce dernier, la traduction financière de ces efforts et mesures qui s’imposaient.

Enfin, la quatrième réforme, celle de notre fiscalité, est plus que jamais nécessaire puisque la crise a révélé que nous sommes arrivés aux limites de notre système fiscal. C’est ce constat qui a orienté nos choix pour l’élaboration de notre budget 2011, dans lequel nous voulions introduire l’amorce d’une plus grande équité fiscale.

Certes, la voix des défenseurs d’intérêts catégoriels et particuliers a été plus forte que celle des laissés pour compte, dans une société, où les inégalités se creusent.

J’espère que ce tumulte n’occultera pas la perception d’une réalité qui s’impose. Dans cette affaire, nous sommes allés vite, trop vite peut être. Je comprends et j’accepte les critiques sur la forme. Je ne peux les retenir sur le fond. C’est la cohésion de notre société et l’avenir de notre pays qui sont en jeux.

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Pour achever mon propos, Mesdames et Messieurs les représentants, je voudrais m’attarder quelques instants sur les motifs exposés dans votre motion de défiance qui justifieraient cette censure.

S’agissant d’abord du budget 2011 et des avatars de son adoption dues, selon vous, à mon « entêtement » et à mon « mépris délibéré » à l’égard de la légitimité démocratique de votre institution, qu’il me soit permis de rappeler les atermoiements et les manœuvres d’arrière garde, développés par certains, durant près de trois mois, pour bloquer son adoption.

J’ai pris en compte vos revendications en acceptant une baisse significative des recettes prévues initialement dans le premier projet de budget. Pour autant, je ne pouvais accepter de remettre en cause l’engagement pris avec les partenaires sociaux de créer un fonds permettant à la fois d’apurer le déficit de nos régimes et d’équilibrer leur budget 2011, conditions indispensables pour aborder sérieusement la réforme de fond de notre système de protection sociale.

Je ne pouvais non plus laisser croire qu’il était possible de construire un budget augmentant les dépenses sans recettes nouvelles. Un tel propos relève pour moi de l’utopie, voire de l’inconscience, mais, plus grave encore, de la malhonnêteté à l’égard de nos concitoyens. Je ne pouvais y consentir.

En mettant en jeu ma responsabilité, je n’ai fait qu’appliquer les dispositions prévues par notre statut d’autonomie. Il vous appartenait alors de me censurer par le dépôt d’une motion de renvoi.

Vous faites référence, ensuite, à l’aggravation de la situation économique et à la baisse de la notation délivrée par Standard & Poors, pour justifier votre motion.

Je me suis déjà largement expliqué plus avant au travers de la présentation de notre bilan. Qu’il me soit simplement permis d’ajouter que cette note aurait due être dégradée dès l’année dernière, au vu des résultats de l’année 2009 : -1 milliard d’épargne nette, le budget d’investissement non financé. Si cela n’a pas été le cas, c’est en raison des mesures prises par notre gouvernement, dès son arrivée, qui allaient dans le bon sens.

Pour autant, cette dégradation s’inscrit dans un processus général touchant à la notation des Etats souverains et des collectivités locales. Je ne suis pas le seul à en dénoncer les modalités. Mme Christine LAGARDE, ministre de l’économie, a également eu l’occasion de le mentionner.

Pour nos bailleurs de fonds, que j’ai rencontrés à Paris, lors de ma courte mission, l’effet négatif de cette dégradation a été compensé par le constat de la nette amélioration de nos comptes et la poursuite du redressement opéré dès le début de 2010.

Ils m’ont d’ailleurs proposé une levée de financements à hauteur de nos besoins exprimés pour 2011. Ceci est dû, je le répète, à nos efforts de redressement avérés depuis plus d’un an, et ce, nonobstant la dégradation de notre note par Standard & Poor’s.

Il n’en est malheureusement plus de même, depuis l’annonce de la motion de défiance. Elle a provoqué une onde de choc négative qui les contraindra à réévaluer le niveau des risques, quant à la délivrance de financements nouveaux. Je tenais à vous informer de cette réalité.

Quant à une « légitimité moribonde », troisième motif soulevé, elle date de plus d’un an et ne nous a pas empêchés de mener à bien les grands objectifs que nous nous étions assignés, quand bien même, les critiques incessantes et les escarmouches permanentes aient brouillé la lisibilité des mesures que nous prenions.

Pour moi, la seule légitimité à laquelle chaque groupe politique ou chaque élu doit se référer et celle du suffrage exprimé par les électeurs, en février 2008.

Enfin, et c’est « la cerise sur le gâteau », l’argument d’« une seconde mise en examen qui ne manquera pas d’affecter à nouveau l’image de la classe politique », je cite les motifs évoqués dans votre motion de défiance, constitue votre quatrième motif de sanction. L’attaque est si basse qu’elle ne mérite pas d’être relevée, considérant de plus, que parmi les signataires de la motion, certains partagent cette encombrante situation. Et je souhaite, à quiconque, de ne pas être dans cette situation lorsqu’il aura à prendre des responsabilités de ce niveau.

Sur l’affaire Anuanuraro, qui a été utilisée par mes détracteurs, mais je ne suis pas le seul, il y en a d’autres dans cette salle, durant de nombreuses années, pour salir mon image lors des rendez-vous électoraux, souvenez-vous, je rappellerai simplement que la troisième expertise, métropolitaine, commise par le tribunal, conclut que le prix payé par le gouvernement de l’époque, correspond à la valeur d’estimation.

Quant à l’affaire du câble Honotua, nous y voilà, j’ai découvert avec étonnement que j’étais complice d’un président du conseil d’administration de l’OPT, également mis en examen, et nommé par un autre président que moi !

Il m’apparait que les complices objectifs devraient être ceux qui étaient en rapport direct avec ce dossier, c’est-à-dire les ministres successifs des deux gouvernements conduits par mon prédécesseur, il y en a dans le mien de décembre 2006 à septembre 2007, il a eu à s’expliquer devant les juges, au moment où le choix et la signature du contrat avec la société Alcatel Lucent ont été décidés. Laissons la justice faire son travail.

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J’arrêterai là mon propos, sur mes constats et réactions aux différentes interventions.

Chacun, demain, en son âme et conscience, devra se prononcer sur la recevabilité de cette motion. C’est un acte important, car il n’est pas neutre.

Une telle décision ne peut être rangée au titre des simples avatars de la vie politique de notre Pays.

Elle va avoir un impact direct sur le cours de nos affaires, sur le climat social et économique et surtout auprès des plus faibles et des plus démunis de notre société.
Elle impactera aussi les décisions de nos bailleurs de fonds. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet plus avant.

Mesdames et Messieurs les représentants à l’assemblée de la Polynésie française, en vous laissant à vos responsabilités, je vous remercie de votre attention et je voudrai également profiter de l’occasion pour remercier l’ensemble des ministres et collaborateurs du pays qui ont participé à ce résultat pour l’exécution du budget 2010.
Mauruuru e te aroha ia rahi.
Gaston TONG SANG


Le discours est également disponible en pièce jointe.

Rédigé par Na M le Jeudi 31 Mars 2011 à 12:13 | Lu 995 fois