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Frontière intercoréenne: la biodiversité menacée par l'homme et... la paix


Frontière intercoréenne: la biodiversité menacée par l'homme et... la paix
JEJU (Corée du Sud), 09 sept 2012 (AFP) - La zone sauvage située sur la frontière intercoréenne, no man's land abritant de nombreuses espèces animales et végétales, souvent rares et endémiques, est menacée par le développement économique et les perspectives de paix - encore lointaines - sur la péninsule.

Qualifiée par l'ancien président américain Bill Clinton d'"endroit le plus effrayant sur terre", la frontière intercoréenne est une bande de terre de 4 km de large et 248 km de long qui consacre depuis la fin de la Guerre de Corée (1950-53) la partition entre le Nord communiste et le Sud capitaliste.

Hyper militarisée, sécurisée par un mur de fils barbelés, un tapis de mines et des milliers de soldats de part et d'autre, elle est paradoxalement appelée "zone démilitarisée" (DMZ).

Cette dernière frontière de la Guerre Froide, inhabitée depuis 60 ans, à la fois inculte et fertile, a permis la prolifération d'une faune et d'une flore exceptionnelles sur près de 3.000 km2 de montagnes, de prairies et de marais.

Un total de 2.716 espèces animales et végétales y sont recensées, sangliers, martres, oiseaux, reptiles et amphibiens, et parmi elles 82 espèces menacées, comme le cerf porte-musc, la grue du Japon et le léopard de l'Amour.

Mais des experts réunis du 6 au 15 septembre au congrès mondial de l'Union internationale pour la conservation de la nature à Jeju en Corée du Sud ont souligné à quel point l'écosystème de la DMZ est fragile.

"La DMZ est impressionnante en terme de biodiversité de son écosystème due à son isolement et l'absence d'impact humain", a relevé Uwe Riecken, responsable de la protection du biotope à l'Agence fédérale allemande pour la protection de la nature.

"Mais elle a devant elle des menaces potentielles liées au fait qu'elle pourrait être plus facile d'accès à l'avenir, y compris pour servir au développement" économique en particulier en Corée du Nord, a-t-il averti.

La menace la plus immédiate concerne une "zone civile" le long de la frontière où les cultures s'étendaient à perte de vue avant la guerre.

Après des décennies de friche, la surface agricole et maraîchère ne cesse de s'y accroître, "ce qui modifie l'habitat des animaux sauvages et de la végétation", s'est alarmé Park Eun-Jin, environmentaliste à l'institut de recherche sud-coréen Gyeonggi.

"La pression du développement économique intercoréen dans la région va aussi poser la question de savoir comment assurer l'équilibre entre développement et préservation" des espaces sauvages", a-t-il ajouté.

La construction de canaux et de routes seraient catastrophiques pour les amphibiens, les reptiles et les oiseaux notamment, selon lui, et les deux Corées doivent impérativement s'entendre afin de limiter les effets néfastes du repeuplement de la zone ou de l'intensification de son exploitation agricole et industrielle.

Jeong Hoi-Seong, président de l'Institut sud-coréen pour l'Environnement et la Civilisation, estime que la Corée du Nord, peu sensibilisée aux enjeux écologiques, devrait recevoir des "incitations économiques" censées garantir sa coopération.

Selon M. Jeong, "le Sud doit trouver un moyen d'associer bénéfices économiques et coopération environnementale parce que l'environnement n'est pas la priorité de la Corée du Nord", ruinée par son isolement, une politique économique calamiteuse et des catastrophes naturelles.

La Corée du Sud a demandé à l'Unesco le classement de la DMZ en biosphère mondiale, pour l'instant en vain, l'organisation des Nations unies évoquant les trop grandes incertitudes territoriales.

"Mais il y a de bonnes chances à long terme - une fois les parties tombées d'accord - que la DMZ, symbole de confrontation, devienne un pont (...) et le meilleur exemple pour la préservation de la biodiversité", a déclaré Han Qunli, directeur général de l'Unesco chargé des sciences naturelles.

Ironiquement, une paix durable entre les deux Corées - techniquement toujours en guerre - pourrait nuire à l'exceptionnelle vie sauvage de la DMZ: la frontière protectrice deviendrait alors rapidement poreuse, avant de disparaître complètement.

nys/gh/gab/fmp/mc

Rédigé par AFP le Samedi 8 Septembre 2012 à 17:32 | Lu 513 fois