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Fritch propose d'inscrire le fait nucléaire en Polynésie dans la Constitution


Tahiti, le 21 novembre 2022 – Conférer aux lois de Pays polynésiennes une valeur législative ou inscrire le fait nucléaire en Polynésie française dans la Constitution… Ce sont quelques-uns des “souhaits” d'évolution constitutionnelle proposés lundi à Paris par Édouard Fritch, en marge du congrès des maires.
 
En mission à Paris, le président du Pays Édouard Fritch a participé lundi à une conférence organisée par la délégation sénatoriale des Outre-mer en marge du congrès des maires. Invité à s'exprimer sur les “souhaits d'évolution constitutionnelle” des collectivités ultra-marines, le leader autonomiste y a développé, dans un long discours, sa position sur la question de l'évolution statutaire de la Polynésie française. Un plaidoyer pour l'autonomie, l'émancipation des communes et la “spécificité” polynésienne dans la Constitution qui mérite que l'on s'y attarde…
 
Pouvana'a, ce “père de l'autonomie”
 
Édouard Fritch s'est d'abord appliqué à formuler un rappel historique des grandes étapes de l'autonomie polynésienne, depuis Francis Sanford avec le statut de 1977, en passant par celui de Gaston Flosse en 1984 et jusqu'aux “deux évolutions statutaires substantielles” de 2004 et 2019 (sic). La première ayant indéniablement davantage marqué les esprits que la seconde. Plus ambitieux encore, Édouard Fritch a également érigé Pouvana'a a Oopa en “père de l'autonomie”, par une présentation assez personnelle de l'histoire polynésienne.
 
“L'idée-force formulée par ce leader polynésien des années 50 est 'les Polynésiens doivent être responsables de la gestion et de l’avenir de leur pays'. Cette idée-force de Pouvana’a était considérée, à son époque, comme une revendication indépendantiste”, a expliqué Édouard Fritch à son auditoire, avant d'ajouter : “Or, d’autres témoignages, comme ceux de mon grand-père et ami de Pouvana’a, présentaient celui-ci comme non-indépendantiste. Pouvana’a a Oopa revendiquait des pouvoirs de gestion de notre Pays administré, à l’époque, par un Gouverneur qui avait à lui seul, les pleins pouvoirs.” L'interprétation apparaît tout de même assez osée.
 
Insistant longuement sur l'importance de “l'identité polynésienne”, mais comme source “d'aspiration à l'autonomie”, le président du Pays s'est ensuite attaché à lier “la quête de l’autonomie” à “la quête de notre développement”. Expliquant que l'idéologie autonomiste était destinée à “centrer les préoccupations politiques et de gestion sur la vie quotidienne des Polynésiens” : éducation, santé, transports domestiques, télécommunications, emplois et activités économiques. Des progrès économiques et sociaux “immenses” et “incontestables” en 38 années d'autonomie, a insisté le président du Pays.
 
Des communes arrivées à “maturité”
 
Énumérant ensuite la liste des compétences détenues par l'État, le Pays et les communes, Édouard Fritch a défendu sa volonté affichée récemment de transférer davantage de compétences aux municipalités polynésiennes. Le leader du Tapura s'est amusé avec une présentation exhaustive des “caractéristiques géographiques uniques au sein de la République française” des communes polynésiennes. Distance, taille, administration, regroupement ou éclatement… “Cette grande dispersion est un facteur important à prendre en considération pour bien appréhender les difficultés rencontrées dans la gestion de nos communes, des difficultés à réaliser des économies d’échelles et des difficultés à promouvoir l’intercommunalité”, a insisté le maire de Pirae. “En d’autres termes, il est difficile de mutualiser le traitement des déchets, de l’eau potable, de l’assainissement des eaux, des infrastructures, des moyens matériels, des ressources humaines, informatiques, etc.”
 
Mais si le statut de 2004 a prévu des “passerelles” entre compétences détenues par le Pays et les communes, celles-ci n'ont pas assez été mises en place depuis. Deux raisons à cela, selon Édouard Fritch. La première est un tacle à peine dissimulé à son prédécesseur : “Si [le président de la Polynésie] aime centraliser tous les pouvoirs, il sera nécessairement fermé à toute forme de coopération entre la Polynésie française et les deux autres piliers, État et communes.” La seconde a trait au degré de “maturité” des équipes communales, toujours selon Édouard Fritch. “Aujourd'hui, les conditions sont devenues favorables et permettent une évolution en faveur d'une plus grande coopération entre la Polynésie française et les communes”. Effet garanti – rappelons-le – en plein congrès des maires.
 
“Pas figé” sur le statu quo constitutionnel
 
Mais c'est la conclusion du discours qu'il ne fallait surtout pas rater. Édouard Fritch a évoqué plus précisément ses “souhaits” sur les grandes questions statutaire et constitutionnelle pour la Polynésie. Pas d'évolution marquante du statut, le président l'avait annoncé également avant son départ. La loi organique doit être “un outil agile qui doit s'adapter aux besoins et aux évolutions en cours”. Mais ceci n'empêche pas le président du Pays d'estimer que “les principes juridiques qui caractérisent les différentes collectivités d’Outre-mer doivent continuer à être identifiables dans la Constitution”. Refusant l'amalgame avec les autres collectivités ultramarines qui pourrait résulter d'une fusion des articles 73 (DOM) et 74 (COM), Édouard Fritch n'est pourtant “pas figés sur la rédaction actuelle de l'article 74 de la Constitution”
 
Le président du Pays a ainsi énuméré quatre points de modification de la Constitution pour la Polynésie française : “Conférer aux lois de Pays une valeur législative comme c’est le cas en Nouvelle-Calédonie ; Reconnaître le fait nucléaire en Polynésie française et ses différents impacts ; Limiter le périmètre de la loi organique en matière d'organisation et de fonctionnement des institutions aux règles essentielles, les autres règles étant définies par une loi de Pays ; Et renforcer la capacité de la Polynésie française pour passer des accords internationaux avec les pays du Pacifique dans ses domaines de compétence dans le respect bien entendu des accords internationaux et des compétences de l’État."
 
Affirmant être bien conscient du chemin restant à parcourir et de l'intérêt actuellement plus marqué pour les questions statutaires calédoniennes que polynésiennes, Édouard Fritch n'en a donc pas moins des ambitions constitutionnelles pour la Polynésie. Désormais pleinement formulées.
 


Rédigé par Antoine Samoyeau le Lundi 21 Novembre 2022 à 21:16 | Lu 2415 fois