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Florence Yhuel, une vie de danse


TAHITI, le 1er mars 2023 - Elle est aujourd’hui et depuis 2010 la directrice du centre de danse André Tschan. Un centre qui fête cette année son cinquantenaire. Diverses manifestations sont prévues comme le spectacle Imaginarium qui sera présenté le 17 et 18 mars. L’occasion de revenir sur le parcours de la danseuse.

Le spectacle de danse Imaginarium est l’événement qui va lancer les festivités du cinquantenaire du centre de danse André Tschan. Ce spectacle remonte dans “toute l’énergie créative des années 20”, décrit Florence Yhuel la directrice. Il raconte une époque d’une grande liberté créative qui foisonnait d’idées. “Nous y avons ajouté notre imaginaire contemporain et avons essayé de créer des ponts entre les deux époques.”

Des grandes questions toujours d’actualité

À la base, ce spectacle se voulait seulement très gai et très festif. “Mais je me suis aperçue qu’il y avait plein de sujets qu’il m’intéressait de traiter et qui n’étaient pas seulement festifs”, rapporte la directrice, “des sujets qui donnent à penser le monde d’aujourd’hui”. Elle cite les grands changements pour les femmes, la mise en avant des technologies, le début de la consommation de masse.

Imaginarium est l’occasion de rassembler l’ensemble des apprentis danseurs du centre à partir de la maternelle jusqu’aux classes adultes. Toutes les disciplines enseignées chez Tschan, y compris le hip hop proposé depuis cette année, seront représentées. “Cela faisait longtemps que je cherchais un professeur de hip hop, je voulais un danseur au double cursus, hip hop et contemporain”, précise au passage Florence Yhuel, “j’ai enfin trouvé”. Il s’agit d’Adrien Lejeune.

Comme à l’accoutumé, le spectacle se découpera en deux parties, une première “très fraîche, très gaie” avec les plus jeunes classes et une seconde “qui permet de travailler des choses plus profondes” et qui sera notamment interprétée par le jeune ballet.
 

Florence et sa mère Jocelyne qui "m’a fait le cadeau de prendre sa succession à la direction du centre".
Florence et sa mère Jocelyne qui "m’a fait le cadeau de prendre sa succession à la direction du centre".
André Tschan, danseur classique

Le centre a été créé par André Tschan arrivé en Polynésie française en 1970. Il était issu du ballet de Jeanine Charrat, une grande ballerine classique. André y avait un rôle de soliste. Il a créé son centre à Tahiti en 1972/1973. C’était la première école pluridisciplinaire sur le territoire. Il a démarré avec du classique et du jazz et a, un temps, proposé du contemporain. Jocelyne Yhuel, la mère de Florence, est pour sa part arrivée en Polynésie en 1997. Elle a fondé son école au Lotus en 1998. Peu après, elle a rencontré André Tschan qui souhaitait vendre son centre. La passation a eu lieu en 1999.
 

La danse permet de se construire, la danse contemporaine d’évoquer son identité.
La danse permet de se construire, la danse contemporaine d’évoquer son identité.
De la psychologie à la danse

Florence Yhuel est née en Allemagne en 1977 où elle a vécu pendant huit années. Puis elle est allée en France, en famille. Elle s’est lancée dans des études de psychologie “sans vraiment savoir ce que j’allais pouvoir en faire”. Elle se posait beaucoup de questions et s’intéressait en particulier au travail sur les émotions. “J’ai toujours eu un attrait particulier pour la douleur de l’âme.” Les émotions restent toujours très importantes dans sa vie et dans sa pratique, dans son enseignement. “C’est quelque chose que j’aborde avec les élèves dès leur plus jeune âge.” Son choix d’étude relevait plus du questionnement personnel que d’un vrai objectif de vie professionnelle. Elle a obtenu une maîtrise de psychologie en 2000. Au fil du temps, la danse a pris de plus en plus de place dans sa vie. Elle s’est immiscée discrètement mais sûrement.

Sa mère Jocelyne, professeure de danse classique et de jazz, l’a inscrite alors qu’elle avait une dizaine d’années. “C’est tard pour commencer. J’avais un corps difficile, très raide, c’est peut-être pour cela que je n’ai pas démarré plus tôt.” Cette discipline a toujours été “ambivalente”. Elle était difficile et en même temps, “je me suis très vite aperçue que c’était le meilleur moyen pour me connaître, pour m’exprimer, j’ai toujours été très réservée.” Elle a commencé par le jazz, est venue au classique tardivement. Le contemporain, qui reste sa discipline de prédilection, est arrivé tard, pendant ses études de danse.

Moment favori avant de monter sur scène : le partage et la concentration.
Moment favori avant de monter sur scène : le partage et la concentration.
Changement de vie

Florence Yhuel se rappelle ce jour si particulier qui a décidé finalement de sa vie professionnelle. Une ancienne élève de sa mère se préparait pour aller passer le concours d’entrée à l’École supérieure d’enseignement de la danse de Montpellier (EPSEDANSE). Cette école a ouvert ses portes en 1986. Elle a été fondée par Anne-Marie Porras, chorégraphe, danseuse, chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres. “C’est une école qui ouvre beaucoup à la création”, commente Florence Yhuel, “elle donne plein de possibilités”. Florence Yhuel reconnaît qu’elle s’est inspirée de ce qui se fait à EPSEDANSE pour mettre en place les cartes blanches du centre André Tschan.

Elle reprend le fil de son histoire et de ce jour décisif. “L’élève en question ne voulait pas se rendre seule au concours, elle m’a demandé de l’accompagner. J’ai accepté et pris, quand même mais sans intention particulière, mes affaires de danse.” Ce jour-là, Florence Yhuel a, elle aussi, passé le concours et obtenu un droit d’entrée dans l’école. Une surprise pour son entourage ! “J’envisageais avant cela de poursuivre mes études en psychologie !” Pour autant, elle dit qu’elle aimait déjà et depuis longtemps, préparer sur son temps libre des exercices et chorégraphies et qu’elle s’était toujours projetée dans l’enseignement.

Elle a suivi en parallèle à sa formation de danseuse une longue formation en yoga Iyengar, une forme de yoga posturale. Elle a trouvé des cours non loin de son appartement. Cela lui a permis d’appréhender son corps différemment “et de trouver des ouvertures que je ne soupçonnais pas”. Elle a obtenu un diplôme d’État pour enseigner le jazz fin 2002 puis un autre pour enseigner le contemporain fin 2003. Une fois diplômée, elle s’était imaginée se mettre à danser. Mais sa mère l’a sollicitée pour venir enseigner en Polynésie. L’un des professeurs du centre André Tschan était sur le départ, “elle ne s’en sortait pas, c’était pour une période de six mois au départ”. Finalement, elle n’est jamais repartie, elle a repris la direction du centre en 2010. “Si j’ai des regrets de ne pas avoir dansé ? Oui, sans doute un peu, mais j’ai eu la chance d’être plongée dans une école avec tous les niveaux et diverses disciplines, j’ai pu ouvrir des classes de contemporain !

Florence Yhuel et Orama qui fait partie du jeune ballet.
Florence Yhuel et Orama qui fait partie du jeune ballet.
Danse passion devient le jeune ballet

Devenue directrice, Florence Yhuel a monté le cursus danse passion en 2011. Il est devenu jeune ballet il y a cinq ans. “Tout cela grâce à des élèves passionnés qui voulaient aller plus loin !” Ce cursus contenait des cours supplémentaires pour ouvrir à divers domaines, le théâtre, l’histoire, la nutrition, le maquillage de scène, le visionnage de ballets du répertoire. Aujourd’hui, le corps du jeune ballet suit 9h30 de cours par semaine en classique, contemporain, jazz, hip hop, assouplissement.

Florence Yhuel, se réjouit du parcours de l’ensemble de ses élèves. “Je ne pousse jamais personne à partir car c’est un déchirement pour les familles, les enfants doivent quitter le fenua à partir de 12 ans s’ils veulent en faire leur carrière, cela chamboule une vie à jamais.” Pour autant, elle reste disponible et présente pour ceux chez qui danser est une nécessité. Une vingtaine d’élèves issue du centre André Tschan a suivi des études de danse, ils sont cinq à être devenus danseuses et danseurs professionnels. Elle regarde par ailleurs et avec une sincère admiration l’implication du jeune ballet et son niveau. “C’est une compagnie préprofessionnelle”, assure-t-elle. Pour eux, elle aimerait pouvoir offrir plus de scènes en Polynésie, mais également dans le Pacifique. Des pistes s’ouvrent pour la Nouvelle-Calédonie notamment. Elle a une attention pour eux, mais également pour tous ceux qui composent comme “une famille”. Pour les cinquante ans du centre, des témoignages ont été récoltés. Les anciens élèves parlent de la danse comme d’une passion qui les a aidés à “se construire en tant qu’adulte”, à “définir leur identité”. Tous ou presque évoquent le sentiment d’appartenir ou d’avoir appartenu à “une famille”. Florence Yhuel, sensible aux émotions, reçoit chaque mot comme un cadeau.

Pratique

Le 17 (à 19h30) et 18 mars (à 19 heures) au Grand théâtre de la Maison de la culture.
Tarif unique : 3 500 Fcfp.
 

Contacts

FB : Centre de danse Tschan
Tél. : 87 71 55 41

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 1 Mars 2023 à 20:05 | Lu 1380 fois