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Fifo - Heretu Tetahiotupa : " C'est le moment le plus intense dans le secteur de l’audiovisuel en Polynésie."


Crédit photo : Benjamin Cicero
Crédit photo : Benjamin Cicero
Tahiti, le 5 février 2024 - Coréalisateur du documentaire Patutiki, l'art du tatouage des îles Marquises et nouveau membre du jury du Fifo 2024, Heretu Tetahiotupa revient pour Tahiti Infos sur les coulisses de l'évènement et sa vision du concours qui démarrera ce mardi 6 février à la Maison de la Culture. Interview.

Vous êtes très impliqué dans la vie culturelle en Polynésie, et plus particulièrement celle des Marquises. Quelle importance revêt ce type d'événement dans le paysage culturel local ?
 
“Tous les événements culturels sont importants. Ces événements ont pour fonction profonde d'inspirer les gens, ce qui est essentiel pour la construction de notre futur. Ici, dans le cadre du Fifo, nous sommes concentrés sur l'audiovisuel et c'est une bonne chose pour développer le 7e art, ici en Polynésie, mais aussi et surtout dans le Pacifique. C'est un point très important, d'autant plus que ce concours représente une fenêtre sur le reste du Pacifique et nous permet de comprendre plein de choses. Surtout lorsque nous sommes issus de cultures où l'on a perdu énormément de choses. C'est en se reconnectant avec nos cousins du Pacifique que l'on peut reconstruire le puzzle qui, petit à petit, a été disséminé à travers le temps. Nous avons certaines pièces, ils en ont d'autres et ensemble, on peut reconstruire la fresque extraordinaire du passé que nos ancêtres ont construite.”
 
Vous le souligniez il y a quelques instants, nous sommes ici pour un événement axé sur l'audiovisuel. Quel rôle joue l'image dans la culture à l'ère du numérique ?
 
“Aux temps anciens, nos ancêtres utilisaient des outils comme la pierre ou l'os pour pouvoir exprimer leur créativité qui, selon eux, était considérée comme un écho de la création du monde. Rendez-vous compte de ce qui est possible aujourd'hui si on arrive à intégrer la vision et la pensée ancestrales mais avec des caméras, des micros et des salles de cinéma. C'est incroyable.”
 
Vous avez vous-même concouru dans ce festival avec le documentaire Patutiki, l'art du tatouage aux îles Marquises. Pouvez-vous revenir avec nous sur l'impact de ce festival dans la promotion du documentaire ?
 
“Le Fifo offre une fenêtre incroyable pour les films et aussi pour pouvoir les diffuser et les exploiter en dehors des limites de la Polynésie. C'est vraiment une opportunité extraordinaire qu'il faut saisir en tant que réalisateur. C'est le moment le plus intense dans le secteur de l’audiovisuel en Polynésie. Ici, il y a les professionnels du secteur, les diffuseurs, les responsables des chaînes de télévision, etc. Lorsque l'on touche à l'audiovisuel, c'est un devoir d'être présent. Nous sommes responsables de la réussite de nos projets, et en tant que réalisateurs, nous ne sommes pas qu’artistes, il faut avoir une vision rationnelle des choses : un film naît dans un environnement économique, politique et médiatique. Il faut comprendre cet environnement pour pouvoir exister en tant que projet et voir aboutir son travail. Le Fifo représente l'occasion unique de baigner dans cet environnement.”
 
Vous venez d'intégrer le jury du Fifo, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la manière dont seront jugés les différents films ? Y a-t-il un barème ? Comment ça marche ?
 
“Pour l'instant, je ne sais pas du tout comment cela va se passer concrètement. Ça va être ma première expérience dedans, mais de ce que j'ai cru comprendre, c'est que l'on décidera tous ensemble de la façon nous allons déterminer les prix et juger les documentaires. Il y a des sujets qui me touchent personnellement mais je pense qu'il est plus important d'être un membre de cette équipe et de comprendre la dynamique du groupe et la direction proposée par notre présidente du jury.”
 
À titre un peu plus personnel, y a-t-il des choses sur lesquelles vous serez un peu plus sensible ou regardant ?
 
“J'apprécie beaucoup la qualité, et la qualité dans tous ses niveaux. La qualité d'un film va dépendre d'un équilibre entre l'artistique, le contenu anthropologique et la production en elle-même. Donc en fait, il y a tellement de composantes qui vont générer la qualité qu'il en découle autant de critères à mes yeux. Étant donné que je suis un réalisateur, je comprends le processus et la difficulté de réalisation et je vais percevoir à travers les films ce que les autres réalisateurs ont tenté d'exprimer et la manière pour y parvenir. Je pense que ce qui va le plus me toucher, c'est l'engagement des réalisateurs et la manière dont ils vont me transmettre ce qu'il y a de beau et puissant. Je n'ai pas envie de privilégier la qualité au message, et inversement, car toutes ces choses vont ensemble. Le fond et la forme vont ensemble.”
 
Il s'agit déjà de la 21e édition et s'il fallait être très critique vis-à-vis du Fifo, certains parlent d'une certaine redondance. Du côté du jury, y a-t-il des choses que l'on redoute à ce sujet ?
 
“S'il y a une certaine récurrence, c'est peut-être celle de la victimisation dans les documentaires. Or, pour moi, il est important de ne pas montrer que le problème et tomber dans cette victimisation. Il est très important d'apporter des solutions et de les montrer. Je pense qu'il y a un réel besoin de films positifs dans le paysage du concours. Un film va être projeté dans une salle, il va impacter son public et la réaction de ce dernier est très importante. Nous sommes responsables de l'impact de notre message sur les gens, il faut en être conscient. Si les gens sortent de la salle déprimés, ce n'est pas constructif. Au contraire, il faut inspirer ces gens afin qu'ils décident d'agir par la suite.”
 

Rédigé par Wendy Cowan le Lundi 5 Février 2024 à 19:01 | Lu 3387 fois