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Feufeu à Bora, tout pour l’amour des bêtes


Tahiti, le 13 mars 2024 - Installé à Bora Bora depuis 1989, François Juventin, alias Feufeu, a pris sa retraite en 2007. Il a pris, peu après, la présidence de l’association Bora Bora Animara. Celle-ci mène plusieurs actions comme la stérilisation des chiens de l’île, mais elle n’a qu’un objectif, défendre la cause animale.
 
“On œuvre pour la cause animale”, résume François Juventin, le président de Bora Bora Animara. Sur l’île, il est Feufeu. Il est celui qui prend soin des chiens avec sa femme Christine, la secrétaire de l’association. Le couple consacre depuis près de 15 ans tout son temps à la cause qu’il défend. L’association vient de recevoir un don de 3,8 millions de francs d’une grande marque de cosmétique américaine et François et Christine constatent que les mentalités changent, que les consciences s’éveillent sur le sujet du bien-être animal et que leurs efforts paient. Mais ils rêvent de prendre leur “deuxième retraite”. Ils promettent de terminer leur mandat en espérant que d’autres prendront la relève.
 
Une première vie d’enseignement

La vie de François Juventin est intimement liée à l’histoire de Bora Bora Animara. Né à Tahiti en 1949, il a été pris en charge par son demi-frère Jean Juventin au décès de ses parents lorsqu’il avait 6 mois. Instituteur puis directeur de l’école 2+2=4 à Punaauia, Jean Juventin a notamment été maire de Papeete et président de l’assemblée de la Polynésie française. François, lui, a grandi à Punaauia. Il s’est inscrit à l’école normale pour devenir enseignant. Il a effectué sa première partie de carrière à l’école Taimoana à Taunoa. “Je prenais mes élèves en CM1 et je les suivais en CM2, j’ai aimé ce métier.” Au point d’ailleurs de prendre en charge des enfants en difficulté au collège de Bora Bora une fois à la retraite.
 
En 1989, après 18 années à Papeete, ce pêcheur qui aime la mer a décidé de s’installer avec sa femme Christine sur la Perle du Pacifique. “On était fiu de la ville”, précise cette dernière, enseignante elle aussi. Ils ont pu obtenir une double mutation. Ils ont enseigné jusqu’en 2007 pour François et 2008 pour Christine.
 
Christine Juventin s’est engagée à la naissance de Bora Bora Animara dès 2006. En 2004, une grande campagne de stérilisation avait eu lieu. Elle aurait dû être renouvelée, mais en raison du changement de gouvernement, l’initiative est restée sans suite. “En 2006, il y avait tellement de chiens errants qu’une association a vu le jour”, se rappelle le couple.
 
En 2010, lors du renouvellement du bureau, François Juventin a “sauté sur l’occasion”. “Il y avait tout à faire, les chiens étaient très malheureux.” Et depuis, “on assure”, reconnaît-il. “Cela s’est fait de manière spontanée, on aime les animaux, et on a du temps !”
 
Aujourd’hui, Bora Bora Animara compte 126 membres sympathisants en plus du bureau, mais aussi de nombreux partenaires. Elle peut compter sur le soutien de particuliers résidents et de touristes. Pas moins de 56 chiens ont été adoptés par des visiteurs venus du Japon, d’Allemagne, de France, d’Italie, des États-Unis, du Canada… “Ils financent toute la préparation : consultations, vaccins, documents administratifs, mais c’est l’association qui s’en occupe.”
 
7 000 chiens errants au 1er recensement
 
La priorité a été de réaliser un recensement pour pouvoir adapter ensuite les programmes d’actions. Huit personnes ont sillonné l’île, motu compris, pour compter le nombre de chiens. À cette occasion, 7 000 individus ont été comptabilisés. Bora Bora Animara s’est lancée dans une campagne de stérilisation à tout va. Objectif : toucher le plus d’animaux possible, en particulier du côté du dépotoir où ils étaient souvent abandonnés. Une convention signée par la commune, le comité du tourisme, une association de l’environnement mais aussi la police et la gendarmerie apporte un soutien non négligeable à l’association et lui permet de pérenniser ses actions. Elle reçoit 7,5 millions de francs pour stériliser les animaux ayant des propriétaires (6 millions), stériliser les chiens errants (1 million), couvrir les frais de fonctionnement (500 000 francs). Bora Bora Animara peut également compter sur le soutien d’hôtels et de généreux donateurs.
 
Les stérilisations sont prises en charge par les propriétaires (un tiers), la subvention (un tiers) et les vétérinaires (un tiers). La stérilisation des chiens avec propriétaires en plus des divagants et errants a démarré en 2016. La gratuité de l’acte est octroyée aux plus démunis. L’association se réservant le droit d’analyser aux cas par cas les demandes.
 
Un chenil en 2019
 
En 2017, Bora Bora Animara a reçu un camion pour mener ses actions de généreux donateurs hawaiiens. “Avant, nous prenions notre véhicule”, se souvient le couple. En 2019, la commune a construit un chenil dont la gestion a été remise à l’association. Cette dernière reçoit 1,5 million supplémentaire pour faire vivre le lieu. Baptisé Matarao (qui voit loin), il héberge 19 chiens. Quand la place vient à manquer, Christine et François Juventin accueillent les animaux à leur domicile. “On en a eu jusqu’à 31 !”
 
En plus de la stérilisation, Bora Bora Animara effectue du porte-à-porte pour sensibiliser les propriétaires. “On ne peut pas parler de maltraitance, plutôt de négligence. Les gens aiment les animaux, à leur façon. Ils n’ont pas toujours conscience de ce que cela implique.”
 
Tous ces efforts paient. Certains touristes qui reviennent constatent la baisse des effectifs de chiens errants. “Les choses évoluent, mais c’est encore trop lent !” Et puis, les données manquent. “Il faudrait absolument faire un nouveau recensement pour voir où on en est”, insiste Françoise Juventin. Bora Bora Animara en appelle au gouvernement pour rendre le projet possible. L’association rappelle que la stérilisation n’est vraiment efficace que si 70% de la population est stérilisée. “Sans cela, la nature ayant horreur du vide, les femelles non stérilisées font plus de chiots par portée.”
 
Christine et François Juventin gardent espoir. Mais, ils attendent une relève. “On se bat depuis des années, c’est notre bébé, on ne peut pas l’abandonner, mais on ne va pas pouvoir non plus rester indéfiniment.”


Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 13 Mars 2024 à 14:28 | Lu 2131 fois