Tahiti Infos

FIFO : Une semaine d'histoires océaniennes


Photo tirée de la page Facebook du Fifo
Photo tirée de la page Facebook du Fifo
PAPEETE, le 2 février 2015 - Le Fifo sera officiellement lancé demain, et c'est donc ce mardi matin que le jury va commencer à examiner les premiers films en compétition. Un de ses membres, directeur d'une école de cinéma australienne, nous a confié sa vision du documentaire.

Le Fifo 2015 sera officiellement lancé demain matin. 15 films documentaires sont en compétition pour gagner la palme. Le jury, qui a été présenté à la presse au complet pour la première fois ce lundi, aura donc du pain sur la planche pour faire émerger un gagnant. Jan Kounen, qui le préside cette année, a déjà annoncé sa méthode : il voit son rôle comme celui de médiateur pour sortir du lot "le meilleur film, celui qui plaît le plus."

Il cherche donc un film qui va aller droit au cœur, et il devrait être servi. La puissance des documentaires montrés au Fifo est expliquée par Walles Kotra, le président de l'AFifo : "Dans le Pacifique nous avons l'angoisse de disparaitre. Physiquement à cause des changements climatiques dont nous voyons les effets, et culturellement à cause de la globalisation. Ce festival a pour but de faire entendre notre voix et de montrer que nous existons."

Marie Kops, organisatrice de l'événement, assure aussi que "dès le début nous avons fait ce qu'il faut pour ne pas sombrer dans une douce nostalgie mais pour aller de l'avant."


Herman Van Eyken, directeur de la Griffith Film School, dans l'Université Griffith de Brisbane et membre du jury du Fifo
Herman Van Eyken, directeur de la Griffith Film School, dans l'Université Griffith de Brisbane et membre du jury du Fifo
Herman Van Eyken, directeur de la Griffith Film School de Brisbane

Tahiti Infos : Que pensez-vous du Fifo ?
Herman Van Eyken : "Je suis le Fifo depuis quatre ans maintenant, et le Fifo m'avait approché à l'occasion du "French Film Festival in Australia" où ils étaient également invités. J'ai une bonne idée de ce qu'est le Fifo et on m'en a beaucoup parlé, donc c'était important pour moi de venir voir ce que ça donne."

En tant que membre du jury, comment allez-vous juger les documentaires ?
"Je pense qu'il est vrai que le cinéma a ce pouvoir incroyable de toucher les émotions, c'est très important. Donc l'idée qu'on se fait après avoir vu un film est essentielle, ensuite les défauts techniques viennent dans un second temps. Mais bien sûr, quand un film est mal raconté, il y a de grandes chances pour qu'il ne vous touche pas tant que ça car vous serez distrait par ses défauts.

Finalement, ce qui me parlera le plus sera l'authenticité du traitement du sujet, et je suis très curieux car en Australie nous en savons tellement peu sur la région, alors que nous en sommes partie. C'est d'ailleurs une des raisons de ma venue, je veux savoir quels films sont faits ici."


A Tahiti nous n'avons pas beaucoup de réalisateurs, mais tous assurent que nous regorgeons d'histoires à raconter…
"Si on parle du potentiel pour les histoires à raconter, je pense sincèrement, après avoir passé une semaine à Moorea et discuté avec tout le monde, qu'il est clair que la tradition orale est encore un élément essentiel de la vie ici. Les histoires sont transmises de génération en génération. La communication entre les îles malgré la distance, la façon dont les familles et la société est organisée, tout dépend encore de la tradition orale. Et le cinéma est parfait pour transcrire les traditions orales."

Comment encourager les jeunes réalisateurs tahitiens ?
"Je pense qu'il suffit d'installer quelques modules de formation, et il faut ensuite que les gens qui ont du talent aient des opportunités pour le développer. Parce que, après tout, il s'agit de maitriser la technique, et le mot dit tout : il faut devenir un maître de ce média pour vraiment bien raconter une histoire.

Mais j'ai pu voir lors de la projection des courts métrages que l'audience est très demandeuse, soutient ses productions locales et a très envie d'apprendre sur sa région. Donc il y a un potentiel. Le problème est vraiment que le modèle commercial pour les films n'est pas basé sur quelques milliers de spectateurs, mais sur quelques millions."


Il faudrait donc faire des films en anglais ?
"Non, lorsque j'enseignais à Singapour, la première règle que je donnais à mes étudiants est : 'faites des films dans la langue où vous êtes à l'aise.' La langue n'est jamais un problème, si vous voulez faire un film en tahitien, faites un film en tahitien. Nous lisons tous les sous-titres désormais."

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes réalisateurs ?
"D'abord restez très authentiques, fidèles à vous-même. Ensuite confectionnez vos histoires très, très bien, parce que c'est la partie la moins chère dans le développement de votre projet. Vous travaillez seul ou avec une petite équipe et c'est un gros travail, mais il faut faire attention à ce que le script soit nickel. Enfin allez-y et faites-le. Aujourd'hui ça coûte beaucoup moins cher, et vous n'avez pas besoin de faire un blockbuster immédiatement, il faut juste vous consacrer à ce que vous savez faire, il faut posséder la technique. Une fois que vous savez que votre sujet est important, vous pouvez vous accrocher à lui. Enfin, faites plusieurs films : le meilleur apprentissage est de le faire, voir ce qui a marché, et le montrer à tout le monde pour avoir des retours.

Ce que j'ai vu qui a marché dans le monde entier ce sont des groupes de réalisateurs qui restent ensemble et s'entre-aident. Et quand il y a un bon noyau 10 personnes environ, vous ne faites plus un film mais 10 films, vous aidez les autres et vous continuez d'apprendre."


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 2 Février 2015 à 16:26 | Lu 679 fois