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FAKARAVA, mon amour.


L'atoll de Fakarava a été classé "réserve de la biosphère" par l'UNESCO
L'atoll de Fakarava a été classé "réserve de la biosphère" par l'UNESCO
Une de nos lectrices, Thérèse Delfel, présidente de l'association Les Iles De Nos Enfants et membre de l'association RAINUIATEA s'interroge et s'exprime sur le "Bio" à Fakarava:

Les intentions, louables en soi, d'amener de l'agriculture "bio" à Fakarava, atoll classé réserve de la biosphère par l'UNESCO, ont ceci d'étrange que le bio n'existe pas entre guillemets !

Par conséquent, soit il s'agit de vagues expérimentations avec eau de javel pour "laver le sol" (comme la pratique amenée à Taravao, qui en dit long sur l'ignorance de ce qu'est une agriculture respectueuse du milieu naturel) soit il s'agit effectivement et en toute simplicité, d'agriculture biologique, sans guillements mais répondant à un cahier des charges consultable par le public et menant tout naturellement, après un délai de un à trois ans, à une obtention du label AB, et ce après contrôles effectués par un organisme certificateur agréé, faute de quoi l'appellation "bio" relève de la fraude.

"Très peu de matières sont donc importées" à Fakarava pour ce projet pilote ? C'est encore trop ! Le plastique des seaux à déchets domestiques par exemple, est un polluant majeur du début de son cycle à partir de pétrole jusqu'à son élimination, - et sur quel dépotoir de Fakarava classé réserve de la biosphère est-il prévu de les jeter enfin de vie ? - en passant par l'acheminement des seaux sur des milliers de km qui réchauffent encore la Planète, faisant monter les eaux qui menacent de submerger justement les ... atolls, et toxiques même pendant toute la durée de leur utilisation puisque sous l'effet des UV et de la chaleur, en milieu humide, une partie de ces molécules toxiques du plastique migrent pour se retrouver alors dans les matériaux, à savoir les pelures et restes ménagers contenus dans les seaux. Arrêtons de tourner autour du bio-entre-guillemets, d'y mêler des religions et des carrières politiques et de partir dans des fausses routes qui vont coûter cher à la Polynésie : cher en termes financiers et cher en termes de destructions annoncées comme un progrès ! Car les vers à importer, est-ce en toute ignorance ou en toute insouciance des conséquences qu'on veut les amener ?

Un exemple de fausses routes ? Non, deux (parmi des dizaines) !

1. Les coccinelles. Quoi, ces petites bêtes à bon dieu, sympathiques et éminemment

utiles puisque capables à différents stades de leur cycle, de dévorer entre 50 et 150

pucerons par jour, pourraient poser problème ? Oui. Celles importées d'Asie

"Harmonia Axyridis", sont en train de coloniser les Etats-Unis, le Canada et l'Europe

et déjà classées espèce envahissante. Après avoir mangé la nourriture des

coccinelles indigènes, amenant celles-ci à disparaître progressivement, elles

s'attaquent maintenant aux larves de ces coccinelles locales et aux chenilles de

certains papillons. Les Harmonia Axyridis prolifèrent tant que lors des éclosions, les

habitants se sentent molestés et utilisent des ... pesticides chimiques toxiques pour

se débarrasser des envahisseurs !



2. Les vers de compost importés, dont "eisenia foetida" et "peryonix excavatus",

soulèvent eux aussi la question de la prolifération d'espèces non indigènes.

Des vers, vous étonnez-vous ? Oui ! Aux Etats-Unis et au Canada, une introduction

de vers non indigènes (pour le compost et la pêche) a mené à une diminution

drastique de la couche fertile qui par endroits, est passée de 4,5 cm d'épaisseur à

seulement 1,6 cm car ces vers cyclent et recyclent la matière végétale à une vitesse

incompatible avec le milieu dans lequel ils ont été amenés. Pire, leur présence a

changé la nature même des sols (notamment le pH), empêchant la faune et la flore

natives de survivre !



Alors de telles expérimentations dans un atoll de 16 km2 de terres émergées, sur un sol composé de sables et de graviers coralliens dès le départ peu proprices à l'agriculture et nourris avec un compost produit de manière suspecte, puisque tout comme le bio-entre-guillemets, sans aucun cahier des charges ? Au mieux, ces vers ne survivront pas, au pire, ils s'adapteront mais devront bien alors trouver à se nourrir. De quoi ? Les auteurs savent-ils qu'ils engagent leur responsabilité civile et pénale en cas de dégradations du milieu naturel qui, hélas, sont presque toujours irréversibles car la seule véritable "amélioration du cadre de vie" commence et finit avec une non-destruction de l'existant.

La nature ne s'accommode pas de petits jeux et de tours de passe-passe. Toute transformation d'un atoll, en soi fragile, et si précieux qu'il a été classé réserve de la biosphère par l'Unesco, peut avoir des répercussions incalculables et détruire à tout jamais le milieu naturel qu'on prétend vouloir "protéger".

D'ailleurs, Taputapuatea comme modèle pour Fakarava, c'est Ubu roi ! Ca revient à comparer un atoll avec la partie la plus fertile et luxuriante d'une île haute, mais aussi à occulter le fait que Taputapuatea, c'est une rivière et des vallées gorgée(s) de pesticides, des dizaines voire des centaines de mini-dépotoirs toxiques, un dépotoir communal mis à feu à intervalles réguliers avec dégagement de dioxines et furannes cancérigènes sur des décennies, des expériences de plantations avec copeaux de canettes en aluminium et tessons de verre et une volonté d'incorporer le plastique déchiqueté dans le BTP, sans même parler des huiles de vidange déversées dans les fa'apu, tout ceci par absence totale de gestion de ce qui se nomme déchets mais n'est que matériaux pour la plupart intelligemment réutilisables ou transformables et pire, par absence totale d'actions d'éducation à l'écologie, autant pour les décideurs que pour les habitants.

Autant d'énergie et d'argent déployés (ou dévoyés ?), pourquoi ? Qui en profite ?

Pas les habitants et pas Fakarava, atoll dorénavant classé champ d'expérimentation de

bio-entre-guillemets ...



Thérèse Delfel, présidente de l'association Les Iles De Nos Enfants et membre de l'association RAINUIATEA

Rédigé par Thérèse Delfel le Lundi 7 Février 2011 à 07:38 | Lu 943 fois