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Extraction minière sous-marine: l'industrie norvégienne ronge son frein


Olivier MORIN / AFP
Olivier MORIN / AFP
Bergen, Norvège | AFP | jeudi 09/04/2025 - Après un faux départ douloureux, l'industrie piaffe d'impatience de prospecter les fonds marins de la Norvège qui pourrait être le premier Etat d'Europe à autoriser l'extraction minière sous-marine, au grand dam des défenseurs de l'environnement.

Les planètes semblaient alignées: le Parlement avait dit oui à une écrasante majorité, les experts affirmaient que les ressources étaient là et de jeunes pousses, s'appuyant sur plus d'un demi-siècle d'expérience dans les hydrocarbures en mer, fourbissaient leurs armes.

Jusqu'au coup de théâtre. En décembre, dans le cadre d'un compromis avec un parti de gauche pour faire passer son budget, le gouvernement norvégien a dû renoncer à son projet d'attribuer en 2025 les premières licences d'exploration minière dans les eaux arctiques du pays.

"On a bien sûr été surpris et déçus qu'un petit parti puisse, dans des tractations budgétaires, avoir gain de cause et bloquer quelque chose que le Parlement veut vraiment", confie Anette Broch Mathisen Tvedt, directrice générale de la start-up Adepth.

Un simple report, a assuré le Premier ministre Jonas Gahr Støre. Les précieux sésames devraient être délivrés en 2026 en mer du Groenland et mer de Norvège.

Mais les acteurs du secteur, généralement des petits groupes formés d'un entrepreneur et d'une poignée de géologues ou géophysiciens, y ont laissé des plumes. 

Loke Marine Minerals, qui ambitionnait de devenir le numéro un mondial, a fait faillite la semaine dernière. Son concurrent Green Minerals a dû réduire ses coûts de 80%.

- "Ici pour de nombreuses années" -

"Aujourd'hui comme hier, nous sommes prêts à décrocher des licences sur le plateau continental norvégien. Nous sommes ici pour de nombreuses années", affirme son patron, Øivind Dahl-Stamnes.

L'exploitation minière des fonds marins est présentée par ses partisans comme un moyen de mettre la main sur les minerais et métaux indispensables à la transition énergétique, tout en réduisant la dépendance à la Chine, poids lourd mondial du secteur.

"Si on continue à s'approvisionner en minéraux comme on le fait aujourd'hui, alors il est très clair que la transition verte ne sera pas si verte", lâche Anette Broch Mathisen Tvedt.

En Europe, où des pays comme la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni y sont réticents, voire franchement hostiles, la Norvège fait aujourd'hui cavalier seul.

Ses fonds marins recéleraient des ressources "substantielles", notamment 38 millions de tonnes de cuivre et 45 millions de tonnes de zinc, ainsi que des volumes "significatifs" de terres rares, selon une évaluation officielle publiée en 2023.

- Défricher le terrain -

Réunis pour une conférence début avril à Bergen, les acteurs rencontrés par l'AFP disent espérer remonter leurs premiers minerais au début des années 2030, voire à la fin de l'actuelle décennie.

Leurs projets font bondir les défenseurs de l'environnement, inquiets de l'impact sur des écosystèmes marins encore méconnus. 

A Bergen, les participants à la conférence ont été accueillis avec des tracts "Ne jouez pas avec l'océan!" distribués par Greenpeace.

"L'exploitation minière en eaux profondes est une industrie destructrice qui détruira des écosystèmes précieux et largement inexplorés pour des minéraux dont nous n'avons pas besoin pour la transition verte", assène Hélène Bourges, de Greenpeace International.

"Il vaut mieux qu'un pays comme la Norvège, qui a un bon bilan environnemental, soit pionnier et établisse des normes qui pourront être adoptées par d'autres pays", souligne Egil Tjåland, secrétaire général du Forum norvégien pour les minéraux marins. 

"Parce que je pense qu'inévitablement, cela va essaimer partout dans le monde (...), ce n'est qu'une question de temps".

Les militants écologistes ont perdu une première manche. 

En février, la justice norvégienne a débouté WWF qui poursuivait l'Etat norvégien, accusé d'avoir voulu illégalement ouvrir les fonds sous-marins du pays sans études d'impact suffisantes.

L'ONG a fait appel.

"Toute activité industrielle a une empreinte. La question, en ce qui concerne les minéraux, est de savoir: où cet impact est-il le moindre?", argue Øivind Dahl-Stamnes.

"A une profondeur de 1.000 à 2.000 mètres en mer ou avec l'industrie minière traditionnelle sur terre?"

le Jeudi 10 Avril 2025 à 07:46 | Lu 364 fois