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Exploitation, exploration : Une question de fond(s)


Tahiti, le 22 mai 2022 - Parmi les sujets abordés durant ce Blue Climate Summit, celui de "l'exploration" et de "l'exploitation" des ressources minérales profondes a fait l'objet de nombreuses interventions. Une différence loin d'être uniquement sémantique...
 
 
Abordé notamment par plusieurs intervenants d'une conférence publique organisée vendredi après-midi par l'ONG Pew et la Fédération des associations de protection de l'environnement (Fape) Te Ora Naho à la CCISM en marge du Blue Climate Summit, le sujet de l'exploitation et de l'exploration des grands fonds marins est aussi complexe que ses enjeux économiques, environnementaux et géopolitiques sont importants. Winiki Sage, le président de la Fape, a d'ailleurs ouvert la conférence publique en affirmant sa volonté d'un "moratoire" sur l'exploitation et l'exploration des grands fonds marins. Des représentants d'associations nationales, d'ONG internationales ou notamment de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) se sont relayés pour expliquer la "menace" pour la biodiversité que constituaient l'exploitation de ces ressources minières en profondeur sur les fameux "nodules polymétalliques, évents hydrotermaux et encroutements cobaltifères"… mais tout en concédant que ces matières premières sont pourtant des éléments clés des technologies nécessaires à la transition écologique.
 
"À chaque nouvelle exploration, on découvre de nouvelles espèces", explique Sian Owen, la directrice de Deep Sea Conservative Coalition, qui a d'abord travaillé sur les dangers de la pêche en eaux profondes avant de basculer aujourd'hui sur le problème de l'exploitation des fonds marins. Problème soulevé par l'ONG, la zone située au-delà des -200 mètres tient un "rôle clé dans la régulation du climat". Un des enjeux, loin d'être un simple débat sémantique, est celui de la distinction entre "exploration" et "exploitation". L'exploration, choisie par la France dans le cadre de sa stratégie nationale 2030 et partagée par la Polynésie française au titre de la "découverte du vivant", dixit le ministre de l'Environnement Heremoana Maamaatuaiahutapu, étant trop souvent un préalable à peine voilé à des politiques d'exploitation. "On veut bien des missions d'acquisition de connaissances, je n'ose même pas dire d'exploration parce que le terme est trop souvent connoté vers l'exploitation", déclarait lui-même le ministre polynésien vendredi soir en clôture du Blue Climate Summit.
 
Difficile pourtant d'atteindre un consensus sur le sujet, ne serait-ce que dans la zone Pacifique, le Premier ministre des Cook ayant même annoncé en début du Blue Climate Summit la semaine dernière la signature de deux contrats d'exploitation des ressources minières en profondeur dans sa zone économique exclusive. Des initiatives internationales comme "Pacific Blue Line" existent pourtant déjà dans la société civile pour appeler à interdire totalement ces exploitations. Mais les débats ne sont là encore que circonscrits aux seules zones de compétences des États et de leurs ZEE. Les plus grandes réserves de ces ressources se situant dans les eaux internationales, encore plus complexes à réglementer. Constat d'ailleurs partagé par Heremoana Maamaatuaiahutapu. "Moi ce qui m'inquiète plus, ce ne sont pas les ZEE, c'est la partie internationale où l'on sait qu'il y a déjà des velléités d'aller explorer dans un but d'exploitation. Quand on nous dit qu'il faut protéger les ZEE, oui. Mais ce sont surtout les zones internationales, notamment dans le Pacifique, pour lesquelles il faudra se battre. Il ne faut pas se tromper de combat."

Rédigé par Antoine Samoyeau le Dimanche 22 Mai 2022 à 19:27 | Lu 1554 fois