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Eric Dupond-Moretti sous la menace d'un procès devant la Cour de justice de la République


EMMANUEL DUNAND / AFP
EMMANUEL DUNAND / AFP
Paris, France | AFP | mardi 10/05/2022 - La menace d'un procès pour Eric Dupond-Moretti se rapproche: le ministère public a requis le renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR) de l'ancien avocat et actuel garde des Sceaux, mis en examen depuis juillet 2021 pour prises illégales d'intérêts.

Moins d'un mois après la clôture de l'information judiciaire, le procureur général près la Cour de cassation François Molins, qui représente le ministère public devant la CJR, a annoncé mardi dans un communiqué avoir requis la veille un procès pour le ministre, jugeant qu'il existait pour cela des "charges suffisantes" à son encontre.

Dans une déclaration transmise à l'AFP, ses avocats, Me Christophe Ingrain et Me Rémi Lorrain, ont fait part de leur "étonnement" de recevoir si rapidement ce réquisitoire définitif.

"Le calendrier choisi par le procureur général pour communiquer ce réquisitoire, quelques jours avant la formation d’un nouveau gouvernement, alors qu’il disposait encore d’un délai de deux mois et qu’il est lui-même directement concerné par l’autre dossier (dit du PNF) pour avoir recommandé l’ouverture de l’enquête administrative, ne manque pas de soulever de légitimes interrogations", ont-ils estimé.

"Communication précipitée" 

Les deux avocats ont par ailleurs souligné que cette "communication précipitée" intervenait alors que des demandes d'actes qu'ils ont formulées, comme le permet la procédure, doivent être examinées la semaine prochaine par les magistrats de la CJR.

Selon les avocats du ministre, ce dernier rebondissement n’entame toutefois "en rien sa détermination et sa sérénité puisqu’il a toujours fait part de son souhait de pouvoir s’expliquer, le moment venu, devant la formation de jugement de la CJR".

"C'est une nouvelle étape procédurale", a de son côté commenté sobrement auprès de l'AFP Céline Parisot, présidente de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).

Elle a souligné qu'il revenait désormais à la commission d'instruction de la CJR, seule juridiction habilitée à poursuivre et juger des ministres pour des infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions, de prendre une décision finale sur un éventuel procès ou pas du ministre.

Eric Dupond-Moretti, nommé au gouvernement à l'été 2020, est soupçonné d'avoir profité de sa fonction pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir quand il était avocat dans deux dossiers.

Des plaintes de syndicats de magistrats et de l'association anticorruption Anticor, dénonçant deux situations de conflit d'intérêt depuis son arrivée à la Chancellerie, avaient donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire en 2021.

Le premier dossier concerne l'enquête administrative qu'il a ordonnée en septembre 2020 contre trois magistrats du Parquet national financier (PNF) qui avaient fait éplucher ses factures téléphoniques détaillées ("fadettes") quand il était encore une star du barreau.

Dans l'autre, il lui est reproché d'avoir diligenté des poursuites administratives contre un ancien juge d'instruction détaché à Monaco, Edouard Levrault, qui avait mis en examen un de ses ex-clients et dont il avait critiqué les méthodes de "cow-boy". 

Ce dernier doit passer en audience disciplinaire devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) les 20 et 21 juillet, selon des sources proches du dossier. Les dates d'audience des magistrats du PNF ne sont en revanche toujours pas fixées.

En juillet 2021, Eric Dupond-Moretti a été mis en examen pour des faits de prises illégales d'intérêt, une première pour un garde des Sceaux en exercice.

Lui a toujours martelé qu'il n'avait fait que "suivre les recommandations" de son administration.

Convoqué en mars et début avril par les magistrats de la CJR pour être réinterrogé sur chacun des deux dossiers, il a refusé de répondre à leurs questions.

"Tout, dans la conduite de votre information, démontre en effet votre détermination non pas à faire la vérité sur des allégations que vous avez d'emblée tenues pour acquises, mais à salir la réputation d'un ancien avocat dont vous alimentez le seul procès qui vous intéresse, celui de son illégitimité à occuper les fonctions de garde des Sceaux", justifiait-il dans une lettre qu'il leur a lue en mars et dont l'AFP a ensuite obtenu copie.

Chantal Arens, la présidente de la Cour de cassation, avait "regretté fortement" ces propos et avait ensuite "rappelé" le garde des Sceaux à son rôle de "garant de l'indépendance de la justice".

le Mardi 10 Mai 2022 à 08:22 | Lu 393 fois