Le docteur Mai Cao-lormeau, chercheur en virologie au pôle de recherche sur les maladies infectieuses émergentes à l'Institut Louis Malardé.
PAPEETE, le 14 juin 2015. Grâce au séquençage phylogénétique du chikungunya qui a circulé en Polynésie française entre octobre 2014 et mars 2015, on sait désormais que le virus présent chez nous pendant cette épidémie était d'origine antillaise.
Dans un article paru en avril dernier dans la revue spécialisée américaine Emerging infectious diseases (une publication du Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) américain), le séquençage génétique du virus du chikungunya qui a causé l'épidémie en Polynésie française au cours des derniers mois, a été révélé. Et il ressort que virus est à "99,9% plus proche de celui qui a circulé dans les Caraïbes" (notamment les Antilles françaises ou les Îles Vierges britanniques) que la souche de chikungunya qui circulait pourtant au même moment à Yap, aux Tonga ou en Nouvelle-Calédonie. Ainsi, la proximité des îles ou des états du Pacifique sud entre eux n'est pas nécessairement le moyen de transmission le plus efficace pour un virus.
Ce qui importe ce sont les échanges humains et leurs fréquences ! "Le risque d'introduction chez nous d'un nouveau virus et d'autant plus élevé que la fréquence de liaisons entre les régions est importante. Au final, les nouveaux virus arrivent plus facilement chez nous depuis les autres territoires français que depuis Fidji ou l'Amérique du sud" précise le docteur Cao-Lormeau, chercheur en virologie de l'Institut Louis Malardé. Les nouveaux virus voyageant avec l'homme, leur fréquence d'introduction serait aussi plus importante au moment où les populations se déplacent le plus.
Ainsi, la flambée épidémique de chikungunya à partir d'octobre 2014 à Tahiti pourrait coïncider peu ou prou, après un début de circulation silencieuse du virus, avec la rentrée scolaire 2014-2015. Au moment où les déplacements de personnes entre les territoires ultramarins français sont les plus importants. Or, l'épidémie de chikungunya aux Antilles avait démarré en décembre 2013 et était neuf mois plus tard à son apogée.
Pourtant avant même de frapper la Polynésie, le chikungunya avait déjà émergé dans d'autres états du Pacifique sud sans s'implanter à Tahiti. "Le chikungunya a explosé sous une forme épidémique d'abord en Océanie -notamment l'île de La Réunion- de 2006 à 2009, puis le virus est apparu en Nouvelle-Calédonie, à Yap et en Papouasie/Nouvelle-Guinée : on savait donc qu'il allait arriver en Polynésie française" explique le docteur Mai Cao-Lormeau.
Déjà, les origines de ce virus en circulation dans le Pacifique sud étaient diverses (voir en encadré ci-dessous)). En 2011, en Nouvelle-Calédonie c'était un virus chikungunya de la lignée asiatique alors que celui de 2012 en Papouasie/Nouvelle-Guinée était de la lignée ECSA (East center south Africa). Depuis plusieurs années les autorités sanitaires de Polynésie française surveillaient les apparitions du chikungunya en Océanie et pourtant, c'est par les Caraïbes et plus probablement les Antilles françaises que le virus a fait son entrée sur le territoire où il a causé une flambée épidémique durant cinq mois.
Dans un article paru en avril dernier dans la revue spécialisée américaine Emerging infectious diseases (une publication du Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) américain), le séquençage génétique du virus du chikungunya qui a causé l'épidémie en Polynésie française au cours des derniers mois, a été révélé. Et il ressort que virus est à "99,9% plus proche de celui qui a circulé dans les Caraïbes" (notamment les Antilles françaises ou les Îles Vierges britanniques) que la souche de chikungunya qui circulait pourtant au même moment à Yap, aux Tonga ou en Nouvelle-Calédonie. Ainsi, la proximité des îles ou des états du Pacifique sud entre eux n'est pas nécessairement le moyen de transmission le plus efficace pour un virus.
Ce qui importe ce sont les échanges humains et leurs fréquences ! "Le risque d'introduction chez nous d'un nouveau virus et d'autant plus élevé que la fréquence de liaisons entre les régions est importante. Au final, les nouveaux virus arrivent plus facilement chez nous depuis les autres territoires français que depuis Fidji ou l'Amérique du sud" précise le docteur Cao-Lormeau, chercheur en virologie de l'Institut Louis Malardé. Les nouveaux virus voyageant avec l'homme, leur fréquence d'introduction serait aussi plus importante au moment où les populations se déplacent le plus.
Ainsi, la flambée épidémique de chikungunya à partir d'octobre 2014 à Tahiti pourrait coïncider peu ou prou, après un début de circulation silencieuse du virus, avec la rentrée scolaire 2014-2015. Au moment où les déplacements de personnes entre les territoires ultramarins français sont les plus importants. Or, l'épidémie de chikungunya aux Antilles avait démarré en décembre 2013 et était neuf mois plus tard à son apogée.
Pourtant avant même de frapper la Polynésie, le chikungunya avait déjà émergé dans d'autres états du Pacifique sud sans s'implanter à Tahiti. "Le chikungunya a explosé sous une forme épidémique d'abord en Océanie -notamment l'île de La Réunion- de 2006 à 2009, puis le virus est apparu en Nouvelle-Calédonie, à Yap et en Papouasie/Nouvelle-Guinée : on savait donc qu'il allait arriver en Polynésie française" explique le docteur Mai Cao-Lormeau.
Déjà, les origines de ce virus en circulation dans le Pacifique sud étaient diverses (voir en encadré ci-dessous)). En 2011, en Nouvelle-Calédonie c'était un virus chikungunya de la lignée asiatique alors que celui de 2012 en Papouasie/Nouvelle-Guinée était de la lignée ECSA (East center south Africa). Depuis plusieurs années les autorités sanitaires de Polynésie française surveillaient les apparitions du chikungunya en Océanie et pourtant, c'est par les Caraïbes et plus probablement les Antilles françaises que le virus a fait son entrée sur le territoire où il a causé une flambée épidémique durant cinq mois.
Chikungunya : trois lignées principales et une variante
Alors que la dengue est connue pour circuler sous quatre sérotypes différents (DEN 1, DEN 2, DEN 3 et DEN 4), le virus du chikungunya, lui, ne présente qu'un seul sérotype. C'est pourquoi, après une seule infection par le virus, la personne atteinte est définitivement immunisée. En revanche, le séquençage génétique du virus (via son ARN c'est-à-dire l'équivalent de l'ADN chez l'Homme) a permis de différencier trois lignées principales : une lignée asiatique, un lignée ECSA (East center south Africa) et une lignée Afrique de l'Ouest. Toutefois, pendant la violente épidémie de chikungunya à La Réunion en 2005-2006 le virus a subi une mutation et a trouvé avec l'Aedes Albopictus (un moustique tigre qui n'est pas présent ni en Polynésie ni aux Antilles), un vecteur beaucoup plus puissant, permettant de démultiplier rapidement le virus. Ce qui explique la virulence de cette épidémie de chikungunya réunionnaise mais aussi l'identification d'une nouvelle souche, secondaire, baptisée lignée de l'océan Indien.
Alors que la dengue est connue pour circuler sous quatre sérotypes différents (DEN 1, DEN 2, DEN 3 et DEN 4), le virus du chikungunya, lui, ne présente qu'un seul sérotype. C'est pourquoi, après une seule infection par le virus, la personne atteinte est définitivement immunisée. En revanche, le séquençage génétique du virus (via son ARN c'est-à-dire l'équivalent de l'ADN chez l'Homme) a permis de différencier trois lignées principales : une lignée asiatique, un lignée ECSA (East center south Africa) et une lignée Afrique de l'Ouest. Toutefois, pendant la violente épidémie de chikungunya à La Réunion en 2005-2006 le virus a subi une mutation et a trouvé avec l'Aedes Albopictus (un moustique tigre qui n'est pas présent ni en Polynésie ni aux Antilles), un vecteur beaucoup plus puissant, permettant de démultiplier rapidement le virus. Ce qui explique la virulence de cette épidémie de chikungunya réunionnaise mais aussi l'identification d'une nouvelle souche, secondaire, baptisée lignée de l'océan Indien.