PAPEETE, le 12 novembre 2015. La mort du dernier résistant Opuhara, le 12 novembre 1815 a transporté la société polynésienne dans une nouvelle ère, celle de la christianisation. Mais ce personnage, grand guerrier et résistant païen continue aujourd'hui d'interpeller des artistes et des écrivains polynésiens.
Opuhara : mystères et contradictions se mêlent constamment pour savoir qui était vraiment cet homme. L’interprétation de sa mort diverge entre ceux qui la considèrent comme un retour à la paix et ceux qui la ressentent comme un effondrement de la société traditionnelle. En 2015, 200 ans après la mort de Opuhara, Sunny Moana’Ura Walker qui incarne un nouvel âge de la spiritualité ancestrale, revendique sa croyance polythéiste ou "néo païenne". Rencontre avec Sunny Moana’Ura Walker, un païen des temps modernes, qui vit son culte aux ancêtres dans une société fondamentalement chrétienne.
Opuhara : mystères et contradictions se mêlent constamment pour savoir qui était vraiment cet homme. L’interprétation de sa mort diverge entre ceux qui la considèrent comme un retour à la paix et ceux qui la ressentent comme un effondrement de la société traditionnelle. En 2015, 200 ans après la mort de Opuhara, Sunny Moana’Ura Walker qui incarne un nouvel âge de la spiritualité ancestrale, revendique sa croyance polythéiste ou "néo païenne". Rencontre avec Sunny Moana’Ura Walker, un païen des temps modernes, qui vit son culte aux ancêtres dans une société fondamentalement chrétienne.
Le terme "païen" est-il à proscrire ou à revendiquer ? Être polythéiste ne vous isole-t-il pas dans une société majoritairement chrétienne ?
Ni à proscrire, ni à revendiquer : le terme "païen" existe et a été utilisé par les monothéistes pour désigner ceux qui ont une "fausse" religion. Ce terme me convient, parce que je suis non-chrétien, mais attention, beaucoup de personnes confondent "païen" avec athéisme ou agnosticisme : Le paganisme est une religion, le païen croit en plusieurs dieux. Être isolé pour mes croyances ne me dérange pas, c’est ce qui arrive quand on est minoritaire.
Pourquoi la célébration de la mémoire de Opuhara est-elle importante ?
Opuhara s’est fait connaître parce qu’il s’est opposé à la conversion au christianisme : pour moi cette conversion s’est apparentée à de l’acculturation. Nul n’est parfait, mais Opuhara était fier du système de croyance de ses ancêtres, de sa culture, de son environnement. C’était un homme conscient des valeurs que détenait son peuple.
Je ne dis pas que la société d’autrefois était parfaite : il y avait des violences ; mais à la même époque, en Occident, il y avait aussi des guerres et des violences perpétuées encore aujourd’hui à cause des religions monothéistes.
Qu’est-ce qui vous a mis sur le chemin de Opuhara ?
Au départ j’étais protestant mais le comportement de certains représentants chrétiens m’a détourné de cette croyance ; j’ai fait des recherches sur les autres religions… et également des recherches historiques et tout naturellement je suis tombé sur Opuhara, sur son travail de résistant pour préserver les croyances ancestrales et sur la façon dont les Polynésiens vivaient leurs cultes.
Quelles valeurs incarne Opuhara selon vous ?
Il incarne la résistance, l’intelligence, l’amour de sa culture, quelle qu’elle soit.
Les Polynésiens ont-ils totalement occulté ses valeurs ? Ou les ont-ils compensées ?
On souffre aujourd’hui de l’acculturation mais on s’est adapté. On ne sait plus faire les ra’au tahiti, on ne sait plus faire les pirogues doubles telles que les faisaient les anciens… On peut regretter d’avoir perdu ces savoirs ancestraux que je qualifie de divins : quels outils avaient-ils à l’époque ? Des pierres taillées, des bouts de ficelles, des bouts de bois… Ils arrivaient à faire des pirogues de plus de 20 mètres de long ! Aujourd’hui, avec des tronçonneuses, des meuleuses, des perceuses électriques, on n’arrive même pas à faire une telle pirogue.
Comment expliquez-vous qu’il soit pratiquement inconnu en 2015 ?
Il y a plusieurs raisons : dans certains écrits de l’époque il y a eu des falsifications de notre culture par les premiers missionnaires, pour diaboliser les pratiques ancestrales ; ensuite il y a eu une vague d’anthropologues qui se sont intéressés à notre pays, notre histoire : leurs écrits ont rétabli certaines choses.
Certains considèrent la mort de Opuhara comme le début de la paix, qu’en pensez-vous ?
N’oublions pas la guerre franco-tahitienne qui a suivi : il n’y a jamais eu de paix totale. Il y a eu des épisodes de paix, comme il en existait dans l’histoire du peuple Maohi, des périodes de trêves et de conflits qui font toutes les histoires des peuples. La mort de Opuhara n’a pas plus apporté de paix qu’il n’en existait ou qu’il en existera plus tard.
Quel est le plus bel hommage qu’on pourrait lui rendre ?
À mon avis, il faut être radical sur cette partie de l’histoire. La christianisation et la colonisation ont probablement apporté du positif à la société mais je reste persuadé que la colonisation aurait pu se faire sans obliger les Polynésiens à se convertir au christianisme. Ça n’était pas nécessaire. Les Polynésiens auraient compris que les sacrifices humains n’étaient pas nécessaires au culte ou pouvaient évoluer, tout comme a évolué la religion chrétienne entre l’ancien et le nouveau testament.
Je me dis, que s’il n’y avait pas eu la christianisation massive à l’époque de Opuhara, notre culture aurait été plus valorisée aujourd’hui, tant au niveau de l’environnement qu’au niveau social. C’est ce côté visionnaire qu’il y avait chez Opuhara que je retiens : il avait compris qu’il n’était pas nécessaire de tout transformer, qu’il était essentiel de conserver ces valeurs, il savait que notre société pouvait évoluer sans perdre son identité.
PROPOS RECUEILLIS PAR ARIIRAU RICHARD-VIVI
www.ariirau.com
Facebook: Page Ecrivain
Ni à proscrire, ni à revendiquer : le terme "païen" existe et a été utilisé par les monothéistes pour désigner ceux qui ont une "fausse" religion. Ce terme me convient, parce que je suis non-chrétien, mais attention, beaucoup de personnes confondent "païen" avec athéisme ou agnosticisme : Le paganisme est une religion, le païen croit en plusieurs dieux. Être isolé pour mes croyances ne me dérange pas, c’est ce qui arrive quand on est minoritaire.
Pourquoi la célébration de la mémoire de Opuhara est-elle importante ?
Opuhara s’est fait connaître parce qu’il s’est opposé à la conversion au christianisme : pour moi cette conversion s’est apparentée à de l’acculturation. Nul n’est parfait, mais Opuhara était fier du système de croyance de ses ancêtres, de sa culture, de son environnement. C’était un homme conscient des valeurs que détenait son peuple.
Je ne dis pas que la société d’autrefois était parfaite : il y avait des violences ; mais à la même époque, en Occident, il y avait aussi des guerres et des violences perpétuées encore aujourd’hui à cause des religions monothéistes.
Qu’est-ce qui vous a mis sur le chemin de Opuhara ?
Au départ j’étais protestant mais le comportement de certains représentants chrétiens m’a détourné de cette croyance ; j’ai fait des recherches sur les autres religions… et également des recherches historiques et tout naturellement je suis tombé sur Opuhara, sur son travail de résistant pour préserver les croyances ancestrales et sur la façon dont les Polynésiens vivaient leurs cultes.
Quelles valeurs incarne Opuhara selon vous ?
Il incarne la résistance, l’intelligence, l’amour de sa culture, quelle qu’elle soit.
Les Polynésiens ont-ils totalement occulté ses valeurs ? Ou les ont-ils compensées ?
On souffre aujourd’hui de l’acculturation mais on s’est adapté. On ne sait plus faire les ra’au tahiti, on ne sait plus faire les pirogues doubles telles que les faisaient les anciens… On peut regretter d’avoir perdu ces savoirs ancestraux que je qualifie de divins : quels outils avaient-ils à l’époque ? Des pierres taillées, des bouts de ficelles, des bouts de bois… Ils arrivaient à faire des pirogues de plus de 20 mètres de long ! Aujourd’hui, avec des tronçonneuses, des meuleuses, des perceuses électriques, on n’arrive même pas à faire une telle pirogue.
Comment expliquez-vous qu’il soit pratiquement inconnu en 2015 ?
Il y a plusieurs raisons : dans certains écrits de l’époque il y a eu des falsifications de notre culture par les premiers missionnaires, pour diaboliser les pratiques ancestrales ; ensuite il y a eu une vague d’anthropologues qui se sont intéressés à notre pays, notre histoire : leurs écrits ont rétabli certaines choses.
Certains considèrent la mort de Opuhara comme le début de la paix, qu’en pensez-vous ?
N’oublions pas la guerre franco-tahitienne qui a suivi : il n’y a jamais eu de paix totale. Il y a eu des épisodes de paix, comme il en existait dans l’histoire du peuple Maohi, des périodes de trêves et de conflits qui font toutes les histoires des peuples. La mort de Opuhara n’a pas plus apporté de paix qu’il n’en existait ou qu’il en existera plus tard.
Quel est le plus bel hommage qu’on pourrait lui rendre ?
À mon avis, il faut être radical sur cette partie de l’histoire. La christianisation et la colonisation ont probablement apporté du positif à la société mais je reste persuadé que la colonisation aurait pu se faire sans obliger les Polynésiens à se convertir au christianisme. Ça n’était pas nécessaire. Les Polynésiens auraient compris que les sacrifices humains n’étaient pas nécessaires au culte ou pouvaient évoluer, tout comme a évolué la religion chrétienne entre l’ancien et le nouveau testament.
Je me dis, que s’il n’y avait pas eu la christianisation massive à l’époque de Opuhara, notre culture aurait été plus valorisée aujourd’hui, tant au niveau de l’environnement qu’au niveau social. C’est ce côté visionnaire qu’il y avait chez Opuhara que je retiens : il avait compris qu’il n’était pas nécessaire de tout transformer, qu’il était essentiel de conserver ces valeurs, il savait que notre société pouvait évoluer sans perdre son identité.
PROPOS RECUEILLIS PAR ARIIRAU RICHARD-VIVI
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-LE LIEN VIDÉO DU MARAE TUPUHAEA: https://www.youtube.com/watch?v=_zlmK5TTeHc
Au sujet du terme païen
Au départ, il y a le nom que donnent les Juifs à tous ceux qui ne sont pas juifs, les goyim. En grec, ce mot a été traduit par ethnoï d’où est dérivé "ethnique" ; en latin il a été traduit par "gentes" : nations. Dans les anciennes traductions des Apôtres, on trouve l’expression "ceux de la gentilité" qui donne l’adjectif gentil. Ultérieurement, les Chrétiens ont désigné les gentils par un autre mot, "pagani" soit les gens de la campagne, car à cette époque, les villes étaient devenues chrétiennes et se distinguaient des campagnes restées attachées aux cultes anciens. Le mot "paganus" a donné d’un côté "pays", "paysan", et de l’autre "païen" (Extrait de Hippolyte Simon, Vers une France Païenne, 1999).
Dans l'article, nous abordons païen dans son sens originel et sans préjudice porté, c'est-à-dire non chrétien.
Au départ, il y a le nom que donnent les Juifs à tous ceux qui ne sont pas juifs, les goyim. En grec, ce mot a été traduit par ethnoï d’où est dérivé "ethnique" ; en latin il a été traduit par "gentes" : nations. Dans les anciennes traductions des Apôtres, on trouve l’expression "ceux de la gentilité" qui donne l’adjectif gentil. Ultérieurement, les Chrétiens ont désigné les gentils par un autre mot, "pagani" soit les gens de la campagne, car à cette époque, les villes étaient devenues chrétiennes et se distinguaient des campagnes restées attachées aux cultes anciens. Le mot "paganus" a donné d’un côté "pays", "paysan", et de l’autre "païen" (Extrait de Hippolyte Simon, Vers une France Païenne, 1999).
Dans l'article, nous abordons païen dans son sens originel et sans préjudice porté, c'est-à-dire non chrétien.