Le procès Dubaquier aura lieu en appel le 2 mai prochain sur le fond. Ce jeudi, la cour s'est plutôt attardée sur des questions de constitutionnalité des lois anti-drogue polynésiennes... Sans arriver à passionner ni les juges, ni même les accusés.
PAPEETE, le 21 février 2019 - Au procès en appel de l'affaire Patrice et Mercedes Dubaquier, l'avocat du couple a soulevé trois questions prioritaires de constitutionnalité. Il assure que la Polynésie n'a pas de définition légale des stupéfiants et que les montants des amendes douanières ne sont pas bien définis. Par contre le procès d'appel sur le fond est repoussé au 2 mai, car la mère de Mercedes Dubaquier assure qu'un des terrains saisi par la justice lui appartient.
En première instance, Patrice et Mercedes Dubaquier avaient été condamnés à 7 et 9 ans de prison ferme en plus de la confiscation de leurs biens et d'une forte amende douanière pour avoir organisé un important trafic d'ice. Leur appel (Patrice ne faisait appel que de la confiscation de ses biens, Mercedes appelle de toute la peine prononcée en première instance) devait être jugé ce jeudi, mais le procès sur le fond a été reporté au 2 mai prochain à cause d'une complication sur la confiscation d'un terrain de Mercedes Dubaquier prononcé par le tribunal correctionnel : il appartiendrait en fait à sa mère, sans que cette dernière n'ait été avisée de la confiscation. Pour que Rosina, la mère de Mercedes puisse faire valoir ses droits et préparer sa défense, elle a donc droit à quelques mois de délai.
La cour d'appel a tout de même tenu audience ce jeudi matin afin d'écouter les Questions Prioritaires de Constitutionnalité (QPC) avancées par l'avocat de la défense, maître Thibaud Millet. Il a ainsi tenté de convaincre les juges que les droits des accusés, et même des citoyens en général, étaient bafoués à cause de la grande complexité de notre droit, partagé entre le droit local et une partie du droit métropolitain, sans qu'il soit toujours évident de déterminer lequel s'applique... En particulier en ce qui concerne la législation sur les stupéfiants.
QUI DÉCIDE DES SUBSTANCES INTERDITES EN POLYNÉSIE ?
Maître Millet, qui avait déjà avancé certaines des même QPC dans l'affaire du Smoke Shop, nous explique que "nous invoquons un problème de définition de l'incrimination sur les stupéfiants en Polynésie française. C'est une problématique qui est surtout fondée sur la question de savoir qui est compétent entre l'État et le Pays en Polynésie pour classer des produits comme stupéfiants au sens de l'incrimination pénale. C'est une problématique qui est très importante et qui n'a pas vraiment de réponse, même du côté du ministère public. En 2010 le procureur de la République déclarait, en réaction à la proposition de M. Temaru de légaliser le cannabis, que la classification des stupéfiants était de la compétence exclusive de l'État. Mais aujourd'hui, dans le cadre de ces QPC, on nous oppose strictement l'inverse en nous indiquant qu'au contraire, finalement ça serait totalement clair et simple, c'est de la compétence de la Polynésie française. C'est bien la preuve qu'il y a une difficulté. Donc nous, ce qu'on dénonce, c'est justement ce problème de compréhension et de lisibilité des textes en Polynésie française, qui est déjà dénoncé en ce moment même par l'Assemblée de la Polynésie française et par le Sénat dans le cadre de la réforme de la loi organique."
L'avocat s'est également attaqué au code des douanes : "cette fois c'est un problème de détermination de la base de calcul des amendes douanières. On nous dit que l'amende encourue est calculée sur la base de la valeur de l'objet de la fraude. On ne nous dit pas si cette valeur est déterminée par la valeur d'achat, la valeur CAF, comme c'est- le cas en droit commun des douanes ; ou si elle est calculée par la valeur de vente en Polynésie. On ne nous nous dit pas non plus à quelle période il faut se référer, si c'est à la date d'achat, de vente... Ça pose beaucoup de questions, d'autant qu'en fonction de la réponse on va d'une valeur qui va de 1 à 200 ! L'ice coûte à l'achat entre 1000 et 3000 francs le gramme aux États-Unis, et est revendu jusqu'à 200 000 francs au détail en ce moment en Polynésie. Donc c'est une vraie question de prévisibilité de la peine encourue." Si la cour d'appel accepte de recevoir ces QPC, elle les transmettra à la Cour de cassation, qui pourra à son tour décider de les transférer au Conseil Constitutionnel. Le procureur a tout de même fait remarquer aux juges que la Cour de cassation avait déjà été saisie de QPC presque identiques en 2011, et les avaient rejetées...
En première instance, Patrice et Mercedes Dubaquier avaient été condamnés à 7 et 9 ans de prison ferme en plus de la confiscation de leurs biens et d'une forte amende douanière pour avoir organisé un important trafic d'ice. Leur appel (Patrice ne faisait appel que de la confiscation de ses biens, Mercedes appelle de toute la peine prononcée en première instance) devait être jugé ce jeudi, mais le procès sur le fond a été reporté au 2 mai prochain à cause d'une complication sur la confiscation d'un terrain de Mercedes Dubaquier prononcé par le tribunal correctionnel : il appartiendrait en fait à sa mère, sans que cette dernière n'ait été avisée de la confiscation. Pour que Rosina, la mère de Mercedes puisse faire valoir ses droits et préparer sa défense, elle a donc droit à quelques mois de délai.
La cour d'appel a tout de même tenu audience ce jeudi matin afin d'écouter les Questions Prioritaires de Constitutionnalité (QPC) avancées par l'avocat de la défense, maître Thibaud Millet. Il a ainsi tenté de convaincre les juges que les droits des accusés, et même des citoyens en général, étaient bafoués à cause de la grande complexité de notre droit, partagé entre le droit local et une partie du droit métropolitain, sans qu'il soit toujours évident de déterminer lequel s'applique... En particulier en ce qui concerne la législation sur les stupéfiants.
QUI DÉCIDE DES SUBSTANCES INTERDITES EN POLYNÉSIE ?
Maître Millet, qui avait déjà avancé certaines des même QPC dans l'affaire du Smoke Shop, nous explique que "nous invoquons un problème de définition de l'incrimination sur les stupéfiants en Polynésie française. C'est une problématique qui est surtout fondée sur la question de savoir qui est compétent entre l'État et le Pays en Polynésie pour classer des produits comme stupéfiants au sens de l'incrimination pénale. C'est une problématique qui est très importante et qui n'a pas vraiment de réponse, même du côté du ministère public. En 2010 le procureur de la République déclarait, en réaction à la proposition de M. Temaru de légaliser le cannabis, que la classification des stupéfiants était de la compétence exclusive de l'État. Mais aujourd'hui, dans le cadre de ces QPC, on nous oppose strictement l'inverse en nous indiquant qu'au contraire, finalement ça serait totalement clair et simple, c'est de la compétence de la Polynésie française. C'est bien la preuve qu'il y a une difficulté. Donc nous, ce qu'on dénonce, c'est justement ce problème de compréhension et de lisibilité des textes en Polynésie française, qui est déjà dénoncé en ce moment même par l'Assemblée de la Polynésie française et par le Sénat dans le cadre de la réforme de la loi organique."
L'avocat s'est également attaqué au code des douanes : "cette fois c'est un problème de détermination de la base de calcul des amendes douanières. On nous dit que l'amende encourue est calculée sur la base de la valeur de l'objet de la fraude. On ne nous dit pas si cette valeur est déterminée par la valeur d'achat, la valeur CAF, comme c'est- le cas en droit commun des douanes ; ou si elle est calculée par la valeur de vente en Polynésie. On ne nous nous dit pas non plus à quelle période il faut se référer, si c'est à la date d'achat, de vente... Ça pose beaucoup de questions, d'autant qu'en fonction de la réponse on va d'une valeur qui va de 1 à 200 ! L'ice coûte à l'achat entre 1000 et 3000 francs le gramme aux États-Unis, et est revendu jusqu'à 200 000 francs au détail en ce moment en Polynésie. Donc c'est une vraie question de prévisibilité de la peine encourue." Si la cour d'appel accepte de recevoir ces QPC, elle les transmettra à la Cour de cassation, qui pourra à son tour décider de les transférer au Conseil Constitutionnel. Le procureur a tout de même fait remarquer aux juges que la Cour de cassation avait déjà été saisie de QPC presque identiques en 2011, et les avaient rejetées...