Tahiti Infos

En Nouvelle-Calédonie, les feux liés à El Nino détruisent la biodiversité


Nouméa, France | AFP | vendredi 11/12/2015 - La sécheresse due au phénomène climatique El Nino et le manque de civisme des habitants forment un duo explosif en Nouvelle-Calédonie, où les incendies ruinent l'environnement de ce point chaud de la biodiversité planétaire.

Depuis le mois de septembre, plus de 9.000 hectares ont été dévastés par les flammes, tandis qu'une femme pilote et un mécanicien d'un hélicoptère bombardier d'eau (HBE) sont morts dans le crash de leur appareil début octobre.

"Nous sommes confrontés à un des phénomènes El Nino les plus puissants depuis les années 1950", affirme à l'AFP Alexandre Peltier, météorologue de Météo France à Nouméa.

Caractérisé par une augmentation anormale de la température des eaux du Pacifique-Est, le long des côtes de l'Amérique du Sud, El Nino se traduit sur le Caillou par une baisse de la pluviométrie et des alizés vigoureux.

"Cela assèche les sols et stresse le couvert végétal", explique M. Peltier. En période El Nino, les pluies de la saison cyclonique, attendues en janvier-février, se font attendre ou sont moins abondantes.

La multiplication des feux de forêt, dont la grande majorité est d'origine humaine, atteste de la disponibilité de la nature calédonienne à se transformer en brasier.

"Le contexte est exceptionnel. On recense depuis septembre plus de 650 feux. Si ça devait durer encore deux ou trois mois, la situation serait extrêmement préoccupante", avertit Eric Backès, directeur de la Sécurité civile.

Les pompiers sont épuisés et l'enveloppe, prévue par le gouvernement local pour financer les rotations des quatre HBE, est déjà à sec.

Collectivité en cours de décolonisation, la Nouvelle-Calédonie a pris en 2014 le relais de l'Etat pour exercer la compétence de la sécurité civile. Préparée, la transition s'est faite en douceur mais les moyens sont insuffisants.

Responsable du WWF (Fonds Mondial pour la Nature) dans l'archipel, Hubert Géraux estime que "l'urgence à court terme est l'envoi par la métropole d'un Canadair gros porteur (10.000 litres) et d'unités d'intervention de la sécurité civile".

- Le micro-endémisme en danger -



"Nos moyens techniques, humains et financiers sont insuffisants face à cette crise. La sécurité civile est obligée de faire des choix, en donnant la priorité à la protection des personnes et des biens", souligne ce défenseur de la nature.

"Or, quand on laisse des incendies en évolution libre sur un +hot spot+ de la planète, on détruit sa biodiversité et sa ressource en eau", poursuit-il.

Archipel de 18.600 kilomètres carrés, baigné par les eaux du Pacifique sud, la Nouvelle-Calédonie possède un des taux d'endémisme les plus élevés au monde.

Avec les espèces envahissantes (cerfs, cochons sauvages, fourmis...) et l'exploitation minière, les incendies sont les fossoyeurs de la biodiversité.

Aujourd'hui, il ne subsiste qu'1% de la superficie originelle de la forêt sèche et environ 30% de celle de la forêt humide.

"L'impact des feux est surtout dramatique pour le micro-endémisme. En quelques heures, une espèce peut être rayée de la surface de la Nouvelle-Calédonie et de la terre!", s'alarme Hubert Géraux.

C'est d'ailleurs ce qui est arrivé en 2005 à un arbuste observé sur un feu par un écologiste. Ayant photographié sa trouvaille, il avait sollicité des experts néo-zélandais.

"Ils lui ont confirmé qu'il s'agissait d'une espèce nouvelle, mais elle n'a plus été revue, le feu a tout brûlé", raconte M. Géraux.

L'impact est également dramatique pour la faune et particulièrement les oiseaux, dont la majorité des espèces niche en ce printemps austral.

Une fois éteints, les feux poursuivent leur action mortifère. Sous l'effet du ruissèlement, les rivières des bassins versants brûlés charrient des apports terrigènes, qui asphyxient poissons et crustacés tandis que la ressource en eau se tarit, faute de sols capables de jouer leur rôle d'éponge.

"Il faut une action globale mais j'ai peur que la Nouvelle-Calédonie se réveille trop tard", s'inquiète le responsable du WWF, une allusion aux Assises du feu en 2006 dont les conclusions sont restées lettre morte.

Rédigé par () le Vendredi 11 Décembre 2015 à 06:01 | Lu 516 fois